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CAUT Bulletin Archives
1996-2016

December 2008

Droits humains : le Canada est montré du doigt

« Nous sommes malheureusement passés d’une ère de leadership à, le moins que l’on puisse dire, une ère de performance décevante... [C'est] l’affreux changement de mentalité opéré depuis le 11 septembre qui a permis de brader les droits humains au nom de la sécurité ». - Alex Neve
« Nous sommes malheureusement passés d’une ère de leadership à, le moins que l’on puisse dire, une ère de performance décevante... [C'est] l’affreux changement de mentalité opéré depuis le 11 septembre qui a permis de brader les droits humains au nom de la sécurité ». - Alex Neve
Les Canadiens ne devraient pas trop se satisfaire de l’idée que leur pays est le chef de file mondial de la défense des droits humains.

C’est là l’une des principales conclusions dégagées par le secrétaire général d’Amnistie internationale Canada, Alex Neve, dans l’exposé qu’il a livré à titre de conférencier invité lors d’une séance spéciale te­nue en novembre dernier dans le cadre de l’assemblée du Conseil de l’ACPPU pour marquer le 60e anni­versaire de la Déclaration univer­selle des droits de l’homme.

Si le Canada a beaucoup à célé­brer en tant que catalyseur de pro­grès en matière de droits de la per­sonne, estime M. Neve, il est aussi loin d’être sans reproche dans ce domaine et il a beaucoup de lacunes à rattraper.

Nous pouvons certes être fiers, a-t-il dit, « des grands moments où le Canada a joué un rôle de premier plan » par l’action de ses citoyens ou de ses forces de maintien de la paix, et également des initiatives menées par notre pays pour faire interdire l’utilisation des mines terrestres, de sa lutte contre l’apartheid et de sa contribution à la création de la Cour pénale internationale.

« Mais le rôle de chef de file du Canada s’érode », a-t-il prévenu. « Nous sommes malheureusement passés d’une ère de leadership à, le moins que l’on puisse dire, une ère de performance décevante. »

Le Canada a renoncé aux efforts de mobilisation qu’il avait toujours poursuivis pour faire abolir la peine capitale, a-t-il dit. C’est le seul pays profondément abolitionniste qui a refusé de coparrainer la résolution proposée à l’Assemblée générale des Nations unies, l’automne dernier, pour réclamer un moratoire international sur les exécutions.

Le Canada n’a pas fait preuve de leadership non plus dans la lutte contre ce que M. Neve appelle « l’affreux changement de mentalité opéré depuis le 11 septembre qui a permis de brader les droits humains au nom de la sécurité ». Il a mis en avant les cas de Maher Arar, d’Ahmed El-Maati, d’Abdullah Almalki et de Muayyed Nureddin, qui ont tous été emprisonnées et torturés à l’étran­ger avec la complicité des autori­tés canadiennes, de même que le cas d’Omar Khadr, détenu depuis six ans à Guantánamo Bay.

Dans un dernier temps, il a insisté sur le fait que le Canada avait voté contre l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et d’un cadre de protection de leurs droits. Lors des discussions sur le libellé de la déclaration, le Canada avait commencé par faire preuve d’un certain leadership animé de principes, contribuant ainsi à débloquer des impasses et à jeter des ponts entre les camps opposés. Mais juste au moment où le libellé établi, ayant rallié toutes les parties, allait être soumis au vote du nouveau Conseil des droits de l’homme, en juin 2006, tout a changé.

« Dépourvu de sa réputation mon­diale, le Canada affichait mainte­nant une opposition implacable », a expliqué M. Neve. « Non seulement il s’opposait à la déclaration, mais il était résolu à déployer tous les efforts possibles pour convaincre les autres pays de s’y opposer égale­ment afin de la faire rejeter. Les États et les ONG actifs dans les cercles des droits humains des Nations Unies ont tous admis n’avoir jamais été témoins auparavant d’une telle attitude de la part du Canada. »

M. Neve a lancé un appel à l’ac­tion dès le 10 décembre pro­chain, jour de l’anniversaire de la Dé­claration universelle des droits de l’homme, soulignant le pouvoir des campagnes épistolaires, de mo­bilisation et de sensibilisation me­nées dans l’intérêt des citoyens vulnér­ables au Canada et dans le reste du monde.

« Nous devons marquer cet anniversaire en faisant clairement entendre nos voix avec les plus grandes force et insistance possibles dans tout le pays et sur toute la planète », a-t-il conclu.