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CAUT Bulletin Archives
1996-2016

March 2009

L’ACPPU presse Ottawa de rétablir les fonds supprimés dans les programmes de recherche

Le 3 mars, le directeur général de l’ACPPU, James Turk, s’est rendu sur la colline du Parlement pour discuter avec les députés Marc Garneau, Jack Layton et Mike Savage des compressions imposées aux programmes de recherche dans le budget fédéral de 2009.
Le 3 mars, le directeur général de l’ACPPU, James Turk, s’est rendu sur la colline du Parlement pour discuter avec les députés Marc Garneau, Jack Layton et Mike Savage des compressions imposées aux programmes de recherche dans le budget fédéral de 2009.
L'ACPPU continue de réclamer du gouvernement conservateur qu’il redresse l’insuffisance des fonds de re­cherche octroyés par l’entremise des organismes subventionnaires et qu’il renonce à cibler les projets de recherche.

Le budget fédéral présenté en jan­vier dernier a semé la fureur parmi la communauté scientifique. En effet, si les conservateurs se sont engagés à investir 2 milliards de dollars dans l’infra­structure universitaire et collégiale au cours des deux prochaines années et à accroître le financement accordé à la Fondation pour l’innovation canadienne, ils ont néanmoins décidé d’apporter des compressions de 148 millions de dollars, sur les trois prochaines années, dans les budgets de recherche des trois conseils subventionnaires.

Nombre de chercheurs sont restés incrédules à l’annonce de ces mesures.

« Il est certes important d’investir dans l’infrastructure matérielle, mais à quoi sert de construire des installations et de les équiper si l’on ne met pas à la disposition des chercheurs les fonds dont ils ont besoin pour mener leurs travaux », fait valoir le directeur gén­éral de l’ACPPU, James Turk.

Ces restrictions budgétaires se tra­dui­sent à l’heure actuelle par l’élimination d’importants programmes. Le Conseil de recherches en sciences humaines a annoncé qu’il mettra fin au programme d’allocations de dégagement pour la recherche, qui permettait de couvrir le dégagement des chercheurs devant se défaire de leurs fonctions d’enseignement, et qu’il réduira de 5,6 millions de dollars les fonds de recherche en santé.

Le Conseil de recherches en scien­ces naturelles et en génie du Canada (CRSNG) a entrepris l’élimination des Centres de recherche sur l’enseignement et l’apprentissage des sciences (CREAS), du Programme d’appui aux profes­seurs universitaires, du Programme de renforcement de la capacité de recherche, du Programme de subventions d’occasions spéciales de recherche et du Programme de mobilisation de la propriété intellec­tu­elle. De plus, le CRSNG limite maintenant à un an ses bourses d’études supérieures et resserre les restrictions applicables aux projets financés dans le cadre du Programme d’appui aux ressources majeures.

De leur côté, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) sont sur la voie de mettre fin à leur Programme de mobilisation de la propriété intellectuelle et au Programme de subventions d’équipe offertes dans le cadre d’un concours ouvert.

Selon Gordon Keller, directeur du McEwen Centre for Regenerative Medicine à l’Université de Toronto et bénéficiaire d’une subven­tion d’équipe des IRSC, les chercheurs ont absolument besoin de l’aide accordée par ces programmes. « Ils sont très importants parce qu’ils permettent à des groupes de chercheurs d’étudier collectivement une question d’intérêt commun », a-t-il indiqué lors d’une entrevue accordée au Globe and Mail.

D’autres observateurs préviennent que l’absence de nouveaux engagements de fonds annonce la fin imminente du financement de divers organismes et installations, dont le Laboratoire de recherche atmos­phérique de l’environne­ment polaire et la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l’atmosphère. La décision de ne pas accorder de fonds supplémentaires à Génome Canada, l’organisme qui finance des projets de recherche scientifique de grande envergure, pourrait faire en sorte qu’un certain nombre de scientifi­ques seront à court de ressources financières d’ici la fin de l’année.

« Il apparaît très évident que le gouvernement ne comprend tout simplement pas la valeur de la recherche fondamentale », remarque M. Turk. « J’ai bien peur que nous soyons sur le point d’assister à un exode de nos chercheurs, surtout lorsque l’on constate que le gouvernement Obama s’apprête à injecter 18 milliards de dollars dans la recherche aux États-Unis. »

Il est crucial, estime M. Turk, que le Canada comble l’écart de financement de la recherche qui le sépare des États-Unis en augmentant les fonds de recherche accordés aux conseils subventionnaires canadiens dans une proportion équivalente à ceux qui sont octroyés aux organismes américains, les National Institutes of Health et la National Science Foundation.

« Une telle mesure ajouterait un milliard de dollars aux budgets des trois conseils dans les deux à trois années à venir », note-t-il.

Sur la voie de l’abîme

Pour beaucoup de scientifiques, le problème ne réside pas uniquement dans l’insuffisance des fonds affectés à la recherche fondamentale. Il tient également au fait que les conservateurs cherchent de plus en plus à dicter les priorités de recherche.

Le budget de 2009, signale M. Turk, affecte 87,5 millions de dollars à de nouvelles bourses
d’études supérieures du Canada pour les trois prochaines années, mais précise que « les bourses d’études accordées par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada cibleront les diplômes liés aux affaires ». Le budget prévoit également que la majeure par­tie des fonds d’infrastructure alloués à la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) doit être attribuée aux futurs projets prioritaires désignés par le ministre de l’Industrie (bien que celui-ci doive « consulter » la Fondation à cet égard). Et au lieu que le processus d’examen par les pairs détermine les centres de recherche à subventionner, le budget impartit 50 millions de dollars à l’Institute for Quantum Computing de Waterloo pour qu’il ouvre une installation de recherche « qui contri­buera à la réalisation des objectifs visés par la stratégie du gouvernement en matière de science et de technologie ».

« Il existe un réel danger de politiser la science et de l’acheminer sur la voie de l’abîme lorsque l’État commence à s’ingérer dans les détails de la gestion de la re­cherche », met en garde M. Turk. « Il vaut mieux laisser les scienti­fiques, et non les gouvernements ou les personnes politiques, juger du bien-fondé de la recherche scientifique. »

Dans une lettre ouverte adressée au premier ministre Stephen Har­per en février, l’ACPPU a deman­dé au gouvernement de « faire en sorte que les programmes finan­cés et les bourses accordées par les organismes subventionnaires ne soient pas limités à des domaines précis et que l’évaluation des candidatures soit faite par la communauté scientifique », et de « veiller à ce que les projets d’infrastructure financés par l’intermédiaire de la FCI ou de l’initiative de soutien de l’infrastructure universitaire et collégiale soient jugés également en fonction de leur intérêt scientifique par le milieu de la recherche ».

Le gouvernement est sourd à nos préoccupations

À la fin de février, l’ACPPU a pris part à une réunion avec le ministre d’État aux Sciences et à la Technologie, Gary Goodyear, dans l’espoir de porter ces préoccupations directement auprès du gouvernement.

Mais la rencontre a malheureusement pris un mauvais tournant presque dès le début, a confié le directeur général associé de l’ACPPU, David Robinson.

« D’entrée de jeu, le ministre s’est montré combatif et sourd à nos préoccupations. De toutes les rencontres auxquelles j’ai assistées avec des représentants du gouvernement en 15 ans, ce fut l’une des plus dénuées de professionnalisme. »

Le ministre Goodyear et son conseiller en politiques ne voulaient d’aucune manière discuter du dossier et répondre aux questions qui leur étaient posées, préférant accuser l’ACPPU de mentir au sujet des mesures énoncées dans le budget.

« J’ai demandé au ministre de nous indiquer les fautes ou les erreurs que nous avions pu commettre dans nos déclarations, mais il a tout simplement continué à nous accuser d’induire le milieu de la recherche en erreur », a rapporté M. Robinson. « Son conseiller nous a ensuite dit de nous la fermer, et les deux sont sortis de la pièce comme un ouragan en nous avertissant que nous avions brûlé tous les ponts avec eux. »

Ce qui inquiète avant tout M. Robinson, ce n’est pas tant la façon dont son collègue Michael Conlon et lui ont été traités au cours la réunion que la question de savoir si un tel accueil est révélateur de l’attitude du gouver­nement envers la communauté scientifique.

« Dire aux représentants d’un important groupe d’électeurs de se la fermer et leur déclarer que leurs opinions ne les intéressent pas s’assimilent non seulement à de mauvaises manières, mais aussi à une mauvaise politique. »