Back to top

Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

novembre 1997

L'accès aux études supérieures compromis?

Hausse des frais de scolarité

Les étudiants du secteur postsecondaire subissent les contrecoups de la hausse des frais de scolarité, une dure réalité qui augmente leur taux d'endettement. Parallèlement à cette situation, les inscriptions dans les universités diminuent.

Un récent article de Don Little1, analyste à Statistique Canada, a alimenté le débat autour des rapports complexes entre les inscriptions au postsecondaire et les droits de scolarité.

M. Little a fait la démonstration que les universités ont joui pendant longtemps d'une hausse sensible des inscriptions jusqu'au début des années 1990, en dépit de l'augmentation des droits de scolarité. Depuis 1993, cependant, les inscriptions ont plafonné puis elles ont chuté à 651 249 inscriptions équivalent à temps plein en 1995, soit 573 185 étudiants à temps plein et 273 225 à temps partiel. En 1996 et en 1997, de nombreuses universités ont fait état d'une autre baisse allant de 1 p. 100 à 3 p. 100.

Qu'est-ce qui a contribué à cette longue période de hausses des inscriptions et pourquoi celles-ci diminuent-elles maintenant?

D'après des données de Statistique Canada, qui ne sont pas mentionnées dans le rapport de Little, la hausse des inscriptions dans les universités au cours des vingt dernières années est surtout attribuable à l'arrivée d'un plus grande nombre de femmes cherchant à s'assurer un meilleur avenir. Ainsi, alors que les inscriptions à temps plein pour les hommes ont augmenté de 25 p. 100 de 1975 à 1995, les inscriptions à temps plein pour les femmes ont grimpé de 107 p. 100, soit une hausse globale de 50 p. 100. En 1975, près de 60 p. 100 des étudiants à temps plein étaient des hommes. En 1995, les femmes représentaient environ 57 p. 100 de la population étudiante. De même, pendant cet intervalle de vingt ans, les inscriptions à temps partiel ont augmenté de 31 p. 100 chez les hommes et de 89 p. 100 chez les femmes.

Les variations dans les taux de participation des étudiants sont attribuables à l'évolution des perspectives d'emploi. Pendant les périodes de récession, où le taux de chômage est élevé, plus de gens retournent sur les bancs d'école pour améliorer leurs compétences. À l'inverse, lorsque l'économie reprend, moins de gens sont prêts à renoncer à un revenu pour augmenter leur scolarisation. Il est possible que le système d'enseignement postsecondaire soit en train de se stabiliser et que les taux de participation n'augmentent pas beaucoup plus que les niveaux actuels de 18 à 19 p. 100 pour la tranche des 19 à 24 ans. Toutefois, les hausses considérables des droits de scolarité sont également un facteur du ralentissement et de la baisse des inscriptions. Des hausses supplémentaires des droits de scolarité intensifieront la baisse des inscriptions et empêcheront, par le fait même, de nombreux étudiants de s'inscrire à l'université.

Les étudiants provenant de milieux moins favorisés sont touchés plus durement par des frais de scolarité plus élevés. À ce jour nous disposons de peu de statistiques sur les antécédents sociaux des étudiants. Le nouveau Centre des statistiques de l'éducation et le ministère du Développement des ressources humaines étudieront ce secteur. Les observateurs, cependant, commencent à se demander ce qu'il advient des étudiants moins bien nantis, une question que l'on ne s'était pas posé depuis la fin des années 1970. La situation en dent de scie des inscriptions au secteur postsecondaire est déjà inquiétante. Si l'effet de la hausse des frais de scolarité est cependant plus grave pour les familles à faibles revenus, on risque peut-être d'avoir encore plus de raisons de s'inquiéter.

D'après M. Little, les frais de scolarité moyens des étudiants à l'université ont augmenté de 62 p. 100 en termes réels de 1990 à 1995. En 1997-1998, les droits de scolarité au Canada ont grimpé de 9 p. 100 en moyenne. Les niveaux varient d'une province à l'autre, entre les établissements et entre les programmes. Cette année, par exemple, les étudiants en arts du 1er cycle paieront en moyenne 3117 $ par année, sans compter les fournitures ainsi que les frais de subsistance et d'hébergement2.

La hausse des droits de scolarité et les modifications apportées au Programme canadien de prêts aux étudiants ont contribué à faire grimper le niveau d'endettement des étudiants des 2e et 3e cycles. En 1996, un groupe de travail fédéral sur la jeunesse a prévu que d'ici 1998, de nombreux étudiants entameraient leur carrière avec des dettes d'études de 25 000 $, une hausse de 8 700 $ par rapport à il y a huit ans3. Au Québec, où les droits de scolarité sont moins élevés et où il existe un solide régime de bourses en plus des prêts, le montant moyen de l'endettement étudiant se chiffre à 8 000 $. Toutefois, si les droits de scolarité continuent d'augmenter, l'endettement s'alourdira. Les futurs étudiants hésiteront peut-être à poursuivre des études supérieures au risque d'entreprendre une carrière avec de lourdes dettes.

Pour les établissements d'enseignement, les revenus découlant des droits de scolarité ont sensiblement augmenté et représentent maintenant presque 25 p. 100 des fonds généraux de fonctionnement, une hausse de 13 p. 100 par rapport à 1980. Ces revenus plus élevés proviennent d'un plus grand nombre d'inscriptions et des droits de scolarité plus élevés. De même, la part de financement du gouvernement a fondu, passant de 84 p. 100 en 1980 à 72 p. 100 en 1995.

La hausse des droits de scolarité, la baisse des inscriptions et le financement insuffisant du gouvernement sont des facteurs qui influent sur les effectifs professoraux. De nombreux programmes d'encouragement à la retraite anticipée, une diminution des nouvelles embauches et des remplacements ont donné lieu au départ d'environ 1200 professeurs à temps plein au cours des deux dernières années. Il n'existe aucune donnée récente révélant une hausse de l'embauchage de professeurs à temps partiel à la suite de ces départs.

Au Canada, l'éducation est financée par les deniers publics parce que les Canadiens et les Canadiennes reconnaissent l'importance d'une main-d'oeuvre hautement scolarisée pour diriger l'économie du pays. De fait, d'après un sondage que le ministère des Finances a mené en 1996 sur les questions économiques, 93 p. 100 des Canadiennes et Canadiens interrogés ont répondu que l'éducation était la préoccupation la plus importante à laquelle le pays faisait face. Le même sondage a révélé que la majorité des Canadiens et des Canadiennes appuyaient les mesures qui aident l'économie à long terme. L'une des ces mesures à long terme consiste à investir dans un système d'éducation fort. Toute la société profite d'une main-d'oeuvre scolarisée et apte au travail.

Le public appuie fermement l'enseignement postsecondaire mais le financement public s'étiole. On fait grand cas du rôle que joue une population active fortement scolarisée car elle place le Canada dans une solide position au sein de l'économie globale. Alourdir la dette des jeunes en retirant les fonds publics du système d'éducation va certainement à l'encontre des objectifs à atteindre pour le pays.

1. Don Little. «Financement des universités : Pourquoi les étudiants doivent-ils payer davantage?», Statistique Canada, Revue trimestrielle de l'éducation. Été 1997, Vol. 4, No 2, Pages 10-26.

2. Statistique Canada. Le Quotidien, 25 août 1997.

3. AUCC. «La prévision des inscriptions au premier cycle : un exercice complexe. Dossier de recherche. Vol. 2, No 1, avril 1997, page 9.