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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

avril 2001

Pleins feux sur un désastre financier

Le 10 mars, une journée complète d'audience, présidée par le journaliste Parker Barss Donham, le président du Nova Scotia Teachers' Union, Brian Forbes, et Susan Le- Fort, représentante de la Nouvelle-Écosse de l'Organisation nationale anti-pauvreté, a commencé avec les projecteurs braqués sur le sort des étudiants.

Pamela Wetzel, diplômée récemment de l'Université Mount Saint Vincent, a dit qu'elle s'en sortirait mieux financièrement sans grade universitaire : « C'est triste à dire, mais si j'avais la chance de pouvoir remonter le temps, je n'irais probablement pas à l'université ».

Elle aussi diplômée de l'Université Saint Mary's, Michelle Tompson a expliqué qu'elle a quitté l'école avec 32 000 $ de dettes et qu'elle n'a pu trouver qu'un emploi de réceptionniste avec un salaire annuel de moins de 15 000 $.

« Mon cas n'est pas le pire, a-t-elle poursuivi, j'ai un collègue qui passe la plupart de son temps à éviter les agences de recouvrement. Un autre paie 1 000 $ par mois pour rembourser ses prêts étudiants. »

Ces récits ont amené Thoda Zuk, professeure à Mount Saint Vincent, à faire le commentaire que « les étudiants sont punis pour avoir des aspirations ».

Plus tard dans la journée, Keith Hotchkiss, directeur des services étudiants à Saint Mary's, a indiqué clairement que de nombreux étudiants sont dans une situation difficile. Il a ajouté que la moyenne combinée des droits de scolarité et du coût de la vie en Nouvelle-Écosse est de 14 000 $ à 16 000 $ par an. Les étudiants finissent leurs études avec une dette moyenne de 20 000 $.

« Quelles sont les répercussions de cette situation? a demandé M. Hotchkiss. Ici, à Saint Mary's, les étudiants utilisent plus souvent les banques alimentaires que nous avons dû installer sur le campus. Étant obligés d'avoir des emplois à temps partiel, ils suivent moins de cours et prennent ainsi plus de temps pour terminer leur grade. Le problème est réel. »

Susan Boyd, professeure à Saint Mary's, a expliqué au comité que la hausse des droits de scolarité avait aussi des effets néfastes sur les nouveaux professeurs d'université : « Je suis arrivée récemment à l'université avec une dette d'études importante et un niveau de vie inférieur à celui de mes collègues plus âgés. Certains nouveaux professeurs versent le tiers de leur salaire pour rembourser leurs dettes d'études. Nous avons vraiment besoin d'un programme d'allégement de l'endettement étudiant ».

D'autres témoins ont indiqué que même si les étudiants paient leur éducation plus cher, ils reçoivent souvent moins de services et que la qualité laisse parfois à désirer. Paul Matte, président de l'association étudiante du Nova Scotia College of Art and Design, a décrit comment les réductions touchant le matériel compromettent l'expérience éducationnelle : « Dans nos laboratoires médiatiques, nous avons 12 ordinateurs et 18 étudiants. Cela signifie que certaines personnes ne peuvent pas faire leur travail ».

Pour sa part, Gary Schmeisser, directeur des installations de l'Université Saint Mary's, a fait remarquer que son établissement fait face à un arriéré d'entretien impossible à gérer. Le béton d'un édifice s'effondre, le matériel de ventilation ne répond pas aux normes et les systèmes d'alarme à incendie ne respectent pas les codes : « En ne remédiant pas à la détérioration des installations, on s'expose à de graves problèmes. Des activités éducatives peuvent être interrompues et des expériences scientifiques ruinées. Les pannes ont des conséquences sérieuses sur les systèmes d'urgence et de secours et mettent ainsi en danger les occupants des édifices ».

Madeleine Lefebvre, bibliothécaire à Saint Mary's, a aussi déploré les conséquences néfastes que les restrictions budgétaires imposées aux bibliothèques universitaires ont sur la population étudiante et le corps professoral : « Notre capacité d'offrir des services est réellement compromise. L'année dernière, nous avons pu acheter moins de la moitié d'un livre par étudiant ».

« Les bibliothèques universitaires des provinces de l'Atlantique ont dû annuler la valeur d'un million de dollars d'abonnements annuels à des périodiques. La situation des collections de périodiques est pathétique. Cette pénurie de moyens pour acheter ces ouvrages a de graves conséquences sur les recherches de nos professeurs. Et quand nos professeurs souffrent, nos étudiants souffrent ».

Marjorie Stone, vice-doyenne de la recherche à l'Université Dalhousie, a lancé une mise en garde contre les autres menaces à l'intégrité de l'université qui découlent du « corporatisme rampant ».

« Même si nous entendons parler de la nécessité d'avoir des fonds pour aider les étudiants et répondre aux besoins en matière d'infrastructure, la réalité est que le gouvernement injecte beaucoup d'argent dans le système, a-t-elle affirmé. Mais la presque totalité des subsides sont consacrés aux recherches liées au secteur privé. »

« Il y a eu un redéploiement massif des fonds -- par le truchement de la Fondation canadienne pour l'innovation, des Chaires de recherche du Canada, et du Fonds d'innovation de l'Atlantique -- qui soutiennent des recherches dont profitent les grandes entreprises. Cette situation est très grave, car il est vital que les universités demeurent des lieux de recherche indépendante. »

Steven Martin de la Dalhousie Chaplains Association s'est fait l'écho de ces propos en indiquant que les alliances des universités avec des partenaires commerciaux entraîneront de lourdes pertes : « Les universités sont de plus en plus tributaires des forces du marché plutôt que du mandat public ».

Puis il a ajouté : « Nos universités subissent des pressions pour adapter leurs programmes aux impératifs du marché. N'oublions pas cependant 'qui paie les violons'.Après tout, qu'arrive-t-il aux autres confessions quand c'est la foi du marché qui est seule tolérée? »

Le président de l'association des professeurs de l'Atlantic School of Theology, Tom McIlwraith, est lui aussi préoccupé par l'impact des forces du marché sur l'éventail de programmes offerts actuellement. Selon lui, le gouvernement oblige son établissement à conclure un « mariage à la pointe du fusil » avec un autre partenaire universitaire sans avoir beaucoup de preuves que des économies en résulteront.

Andy Wainwright, de l'association des professeurs de Dalhousie, a avancé que le sous- financement chronique de l'enseignement postsecondaire constituait réellement une tentative pour « museler la communauté universitaire ».

« Les sondages montrent que le public est largement en faveur d'un système universitaire bien financé et accessible, a affirmé M. Wainwright. Mais nos gouvernements ont mené nos établissements à la famine. Nos étudiants souffrent. Nos membres souffrent. Et nous avons créé une sous-classe d'enseignants à temps partiel. »

Chris Ferns, de l'ANSUT, a clôturé la séance en demandant pourquoi, quand le déficit fédéral s'est transformé en surplus, le financement de l'enseignement postsecondaire n'a pas été restitué : « Quel est le programme du gouvernement? C'est un programme qui fait en sorte que le secteur de l'enseignement n'enseignera pas. C'est un programme pour créer un monde où les étudiants sont trop pris par leurs emplois et trop endettés pour tirer pleinement parti de l'expérience éducative qui les préparera à devenir des citoyens actifs. De toute évidence, si un message se dégage de cette journée, c'est qu'il faut changer les priorités ».

Les organisateurs locaux ont été extrêmement satisfaits de l'audience d'Halifax et de la couverture médiatique qu'elle a attirée.

Selon Mme Van Esch, ce fut un magnifique événement : « Je pensais connaître tous les problèmes de l'enseignement postsecondaire. Maintenant je sais que la situation est encore pire. J'encourage réellement d'autres associations à organiser des audiences locales »