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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

février 2002

Le sous-financement des universités

Par TOM BOOTH
Dans la chronique de décembre, il était question des dommages que le sous-financement a causés à nos universités depuis les dix dernières années et de la réaffectation des fonds, rétablis en partie à leur niveau antérieur, à d'autres fonctions de base des établissements d'enseignement. Il a alors été dit que les frais de scolarité et l'endettement des étudiants étaient arrivés à leur point de rupture.

Le sous-financement public des universités a entraîné la réduction du nombre de professeurs et de chercheurs, l'augmentation des étudiants par classe, et a compromis les infrastructures. De nombreux établissements ont déjà commencé leur régime minceur en exerçant des compressions budgétaires. En général, ces compressions, appliquées d'une manière asymétrique, ont restreint la capacité des facultés principales à offrir leurs programmes. Malgré la vigueur et l'élasticité d'autres éléments et programmes des établissements d'enseignement, la dégradation des facultés principales a nui à nos universités et collèges en les empêchant de remplir leur mission communautaire.

Des administrateurs frustrés sont amenés à envisager la mise en œuvre de mesures extrêmes pour stimuler les recettes des universités et ainsi compenser la perte d'efficacité. On prétend qu'il faut hausser considérablement les frais de scolarité pour pallier la crise du financement. On prétend également qu'une telle mesure assurera un enseignement de qualité et favorisera des habiletés sociales afin d'être « concurrentiel » dans l'économie du savoir. Ces importantes hausses de frais de scolarité présagent la « déréglementation » des frais de scolarité. En autorisant la déréglementation, les gouvernements offrent aux universités la liberté d'augmenter les frais de scolarité. En d'autres termes, les établissements d'enseignement peuvent ainsi fixer le montant des frais de scolarité sans requérir l'approbation du gouvernement.

La déréglementation des frais de scolarité est un phénomène qui s'est répandu parmi les facultés au cours des dernières années. En peu de temps, les frais ont augmenté de 40 à 700 p. 100. Il ya de très bonnes raisons de croire que de fortes hausses des frais de scolarité entraînent naturellement la déréglementation. Appliquée à toutes les facultés universitaires, cette mesure est donc un fait sans précédent dans les établissements canadiens. À l'heure actuelle, les administrateurs de l'Université Queen's veulent obtenir la déréglementation des frais de scolarité malgré le tollé de protestations des étudiants et des professeurs. Il est largement admis que la décision de l'université pourrait avoir un effet domino dans toutes les universités.

Les médias régionaux et nationaux ont rendu compte des conséquences négatives de la déréglementation, notamment la réduction de l'accessibilité aux études postsecondaires sauf pour les bien nantis et les boursiers et les futurs superendettés. Des données prouvent que la participation aux programmes universitaires des facultés dont les frais des scolarité sont dérèglementés est de plus en plus limitée aux étudiants issus de familles aisées.

Un lourd endettement signifie des montants considérables à rembourser, ce qui oblige les étudiants, une fois leur diplôme en poche, à éviter les emplois importants mais mal rémunérés et à se dénicher un poste comportant une rémunération élevée. Les fortes hausses des frais de scolarité ont commencé à freiner les progrès faits en matière d'équité pour les femmes et les groupes défavorisés dans les domaines nécessitant une formation universitaire intensive. Les étudiants et d'autres groupes dénoncent le système à deux vitesses des universités, celui des « bien nantis » et des « démunis », qui augmente les frais de scolarité de manière excessive.

Il est intéressant de signaler la part des revenus de fonctionnement que représentent les recettes réalisées grâce aux frais de scolarité depuis le début des années 1990. Au cours des dix dernières années, la part des frais de scolarité dans le budget de fonctionnement de mon établissement, soit l'Université du Manitoba, est passée de 15 à 24 p. 100, à l'Université Queen's, de 18 à 37 p. 100, à l'Université de Calgary, de 19 à plus de 40 p. 100. Une bonne partie de ces hausses s'est probablement produite sans la déréglementation. Quel scénario nous attend en ce qui concerne le financement des universités? Est-ce que les fortes hausses des frais de scolarité sont la meilleure solution?

La déréglementation nous prive de nos valeurs fondamentales que sont la persévérance, la coopération, la globalité et l'égalisation. Inspirés et aveuglés par la hâte de financer à tout prix des établissements de calibre mondial, les administrateurs appliquent la déréglementation des frais de scolarité et de fortes hausses des frais de scolarité qui mettent en valeur et accélèrent la séparation entre nos universités, d'une part, et les collectivités et le pays qu'elles desservent, d'autre part. Les établissements locaux deviennent un territoire ennemi. Les frais de scolarité deviennent exorbitants pour les étudiants, ce qui contribue à favoriser la privatisation larvée de nos universités.

Les hausses massives des frais de scolarité démoralisent nos étudiants et les conséquences néfastes s'amplifieront à l'avenir à tous les paliers de la société. La déréglementation n'est pas une solution à la crise du sous-financement des établissements d'enseignement postsecondaire.