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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

juin 2002

Un scientifique de haut niveau quitte le Canada

Josef Penninger, un des scientifiques de haut niveau du Canada, quitte le pays parce que l'Université de Toronto et son plus important hôpital affilié, le University Health Network, n'ont pas agi à temps et d'une manière décisive pour démentir les allégations infondées faites contre lui et son laboratoire.

Brillant immunologiste de 37 ans, qui a bâti sa renommée grâce à des découvertes fondamentales dans la recherche pour guérir le cancer, les maladies cardiaques, l'ostéoporose et pour démêler les éléments génétiques de la douleur, le Dr Penninger s'est tourné vers des cadres supérieurs de l'université et de l'hôpital pour réfuter des allégations faites par Tak Mak qu'il trouvait destructrices. Ce dernier est directeur de l'institut de recherche Amgen, au UHN et à l'Université de Toronto, où le Dr Penninger travaillait et où il était professeur, au département de biophysique médicale.

Après avoir demandé, sans succès, de l'aide à maintes reprises, le Dr Penninger a accepté une offre généreuse de l'académie autrichienne des sciences l'automne dernier. Il déménagera son laboratoire dans des installations de 30 millions de dollars qui seront construites pour lui à Vienne.

Son départ suscite chez le Dr Penninger des sentiments partagés. D'une part, il est heureux de cette occasion d'aller en Autriche mais, d'autre part, il est triste de ne pas pouvoir poursuivre ses travaux à Toronto et d'être forcé de déraciner sa femme et sa famille.

" Il importe de comprendre que ce qui compte pour un chercheur, c'est sa réputation, un objectif pour lequel j'ai travaillé toute ma vie, ainsi que les personnes qui sont liées à moi, en vue de l'atteindre. Il est tout simplement inacceptable que cette réputation soit attaquée par de fausses accusations ", a déclaré le Dr Penninger.

" C'était comme si on m'avait chassé. Ni l'université ni l'hôpital ne posaient les bons gestes. J'étais triste mais résigné. Cependant, quand les allégations ont commencé à toucher mes étudiants et mes stagiaires postdoctoraux, j'ai senti que je devais parler. "

Le Dr Penninger s'est rendu en Californie pour rencontrer Roger Perlmutter, vice-président directeur de la recherche et du développement pour la société Amgen Inc., la société américaine de biotechnologie qui a subventionné l'institut de recherche Amgen, lequel fait partie du UHN.

" À l'inverse des cades supérieurs de l'hôpital et de l'université, Roger a immédiatement donné suite à mes préoccupations en procédant à un examen des ressources humaines pour enquêter sur le traitement que m'avait fait subir le directeur de l'institut. "

Même si le Dr Penninger avait déjà accepté l'offre de l'Autriche, M. Perlmutter a en outre demandé à un groupe d'experts d'examiner les allégations défavorables envers son laboratoire.

Il est ressorti de l'examen des ressources humaines que les propos de M. Mak étaient déplacés et que son comportement était inacceptable. La société Amgen a conseillé Tak Mak sur son comportement et l'a mis en garde contre toute récidive.

L'éminent groupe de scientifiques a constaté que les allégations au sujet des problèmes que connaissaient les travaux du laboratoire du Dr Penninger étaient mensongères et a conclu unanimement à l'évidence de la rigueur scientifique et des bonnes pratiques de laboratoire. Les allégations disant le contraire étaient sans fondement à son avis.

Les torts avaient déjà été causés cependant. Le Dr Penninger a déclaré qu'un rédacteur de la revue Nature, dans laquelle il a publié 30 articles, l'avait abordé lors d'un congrès scientifique et l'avait interrogé sur les rumeurs circulant au sujet de son laboratoire. À d'autres réunions, des collègues lui ont demandé, ainsi qu'à ses étudiants, ce qui se passait.

" J'ai demandé à M. Perlmutter et au président-directeur général du UHN, Tom Closson, des exemplaires du rapport d'experts pour que d'autres puissent le lire et pour ainsi faire taire les fausses rumeurs et les allégations. Ils m'ont tous les deux promis un exemplaire puis sont revenus sur leur parole, prétextant la protection de la confidentialité des procédures ", a ajouté le Dr Penninger.

C'est à ce moment qu'il a sollicité l'aide de l'ACPPU.

" J'étais furieux que ni l'hôpital ni l'université ne soient intervenus dès l'apparition des problèmes, ce qui l'a placé dans une situation où il n'avait pas d'autre choix que de partir ", a déclaré James Turk, le directeur général de l'ACPPU.

" Il est assez ironique que ce soit une société américaine de biotechnologie qui ait pris la décision d'agir.

Pourtant, après que le groupe de scientifiques eut prouvé que les allégations étaient fausses, le Dr Penninger s'est vu refuser un exemplaire du rapport. Il estimait que la publication du rapport restaurerait sa réputation et, ce qui comptait le plus pour lui, épargnerait ses étudiants et ses stagiaires postdoctoraux. "

Le Dr Penninger prenait très à cœur les torts causés à ses étudiants.

" Je m'en sortirai, mais je ne peux permettre que la carrière de mes étudiants et de mes stagiaires postdoctoraux, qui proviennent du monde entier, soit entachée à cause d'allégations injustifiées ", a affirmé le Dr Penninger.

Avec le concours de l'ACPPU, il a rencontré M. Closson qui a suggéré la médiation pour résoudre le problème de l'accès au rapport du groupe d'experts.

Aux termes de l'entente conclue avec l'aide de la médiation le mois dernier, le UHN a accepté d'envoyer des lettres aux dirigeants des organismes subventionnaires, à la faculté de recherche du UHN, à l'Institut ontarien du Canada et aux directeurs de la recherche des autres hôpitaux affiliés de l'Université de Toronto les informant des conclusions unanimes du groupe d'experts selon lesquelles les allégations contre le laboratoire du Dr Penninger étaient infondées.

Le UHN a également accepté de transmettre les conclusions au doyen de la faculté de médecine de l'Université de Toronto David Naylor, lequel écrirait aux organismes subventionnaires et aux personnes désignées par le Dr Penninger pour leur dire qu'il avait confiance en l'intégrité scientifique du laboratoire du Dr Penninger.

M. Naylor a ajouté qu'il mentionnerait que " les réalisations de Josef Penninger étaient reconnues de multiples façons, notamment par l'attribution d'une chaire dans le cadre du Programme de chaires du Canada et par sa promotion au rang de professeur titulaire. Je considère personnellement Josef comme l'un des plus éminents jeunes scientifiques à la faculté de médecine de l'Université de Toronto. "

Le UHN a accepté que M. Closson diffuse des excuses par écrit à tous les membres actuels et anciens du laboratoire du Dr Penninger dont la réputation peut avoir été entachée à cause des allégations sans fondement qui ont été faites.

Bien que le Dr Penninger quittera le pays pour l'Autriche en janvier, le UHN lui a garanti l'emplacement actuel de son laboratoire et l'allocation d'espace jusqu'à la fin de 2003 pour permettre à ses étudiants et à ses stagiaires postdoctoraux de terminer les études entreprises sous sa direction.

Le laboratoire aura accès à toutes les installations nécessaires du UHN et bénéficiera d'un budget de fonctionnement de 1,1 million de dollars.

M. Closson réglera tous les différends. En cas d'échec, les parties pourront recourir à des procédures d'arbitrage externe et indépendant aux frais du UHN.

En ce qui concerne les aspects pédagogiques, le Dr Penninger relèvera uniquement de M. Naylor.

Le départ du Dr Penninger coïncide avec la fin de l'institut de recherche Amgen que la société Amgen Inc. a fondé en 1993, de concert avec le UHN et l'Université de Toronto. La société Amgen devait subventionner l'institut avec un budget de 10 millions de dollars par année jusqu'en 2008.

Six cent candidats s'étaient disputés les six emplois de scientifiques à l'institut dirigé par M. Mak. Le Dr Penninger, étudiant au niveau postdoctoral au laboratoire de Tak Max, était du nombre. Il ne reste qu'un de ces six scientifiques.

" C'est dommage que l'administration respective de l'université et de l'hôpital n'ait pas réagi avant que la situation n'en soit rendue là ", a déploré M. Turk. " Nous continuerons à avoir ce genre de problème tant que les administrations universitaires ne défendront pas plus vigoureusement les membres du corps professoral travaillant dans les hôpitaux et les instituts de recherche affiliés. "