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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

mars 2005

L'affligeant problème du stress au travail chez les universitaires

Par Loretta Czernis
Si nous nous mettions tout à coup à saigner abondamment au travail, nous nous empresserions d'obtenir des soins médicaux. Pourtant lorsqu'il nous arrive de saigner du cœur, nous ne faisons rien pour panser la blessure. Le stress professionnel pose un sérieux problème dans nos établissements postsecondaires. Selon une récente étude sur le stress dans le secteur de l'enseignement supérieur, réalisée par une équipe de chercheurs britanniques de l'Université de Plymouth, les universitaires souffrent d'un niveau de stress plus élevé que chez les autres professionnels. Ils enregistrent les niveaux de stress les plus élevés qui sont associés à l'équilibre entre le travail et la vie privée, à la surcharge de travail et à leur emploi en général.

L'étude de Plymouth s'intéresse aux niveaux de stress qui caractérisent chacun des deux sexes. Nous savons maintenant que les hommes souffrent grandement d'anxiété et de dépression. Selon l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes : Santé mentale et bien-être, basée sur les données de Statistique Canada, le taux de dépression connaît une hausse chez les hommes et une baisse chez les femmes. Les statistiques sur le suicide sont encore plus alarmantes. Selon les résultats d'une enquête publiés l'an dernier par le Réseau canadien de la santé, « parmi la population canadienne de tout âge, quatre suicides sur cinq sont commis par des hommes ».

Il est difficile pour beaucoup d'enrayer les stigmates sociaux associés à la maladie mentale et de chercher de l'aide. Une étude menée par l'Association canadienne pour la santé mentale révèle que 34 % des Canadiens croient qu'ils seraient moins bien perçus par les autres s'ils savaient qu'ils avaient été atteints de dépression ou d'anxiété. La même étude constate que plus des trois quarts (78 %) des Canadiens estiment que la dépression et l'anxiété ont un effet important sur le succès qu'une personne connaît au travail, tandis que 86 % croient que la dépression et l'anxiété ont une incidence profonde sur les relations qu'une personne entretient avec sa famille et ses amis.

Malgré tout, près de la moitié (49 %) des répondants qui ont déclaré avoir éprouvé des sentiments et des symptômes correspondant à la dépression ou à l'anxiété n'avaient jamais consulté de professionnel de la santé. Si l'on applique ces données aux universitaires, il semblerait que bon nombre d'entre nous souffrent en silence.

Le théoricien des sciences sociales C. Wright Mills a écrit que les problèmes sociaux se trouvent au coeur même des difficultés personnelles. L'ACPPU a publié en 2003 une fiche de données sur les facteurs de stress professionnel. Tout en dressant la liste des nombreux signes et symptômes différents, cet outil constitue un bon point de départ pour cerner les sources de stress dans les campus des universités et des collèges. Souffrez-vous de maux de tête, de douleurs musculaires, de souffle court ou de douleur thoracique parce que vous êtes exposés à toutes sortes de pressions : obtenir plus de subventions, augmenter le nombre d'étudiants dans vos classes et assumer plus de responsabilités administratives? Puis il y a un bon nombre de ces facteurs qui favorisent les maladies physiques et psychologiques par suite d'un surplus d'engagements au travail. Parmi les grandes sources de pression auxquelles les universitaires sont exposés figurent les évaluations du rendement, les charges de travail et les attentes, les processus de communication et les pratiques de leadership. Ces pressions ne contribuent aucunement à préserver et à améliorer notre bien-être.

Tout le monde sait fort bien que le rendement d'une personne est plus efficace lorsque celle-ci se sent détendue et à l'aise. Il serait avantageux pour les comités mixtes de santé et de sécurité d'élaborer des stratégies destinées à mieux faire comprendre la maladie mentale et de renforcer l'obligation collective qui nous incombe de réduire le stress et d'améliorer le bien-être au sein de la communauté universitaire et collégiale. Nous serons en mesure d'apporter une contribution beaucoup plus importante à nos établissements postsecondaires lorsque notre milieu de travail sera profondément axé sur la santé.