Back to top

Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

avril 2008

Un règlement au point mort

Programme des chaires de recherche

La mise en oeuvre du règlement conclu il y a un an et demi dans le dossier d’une plainte en discrimination contre le Programme des chaires de recherche du Canada (CRC) est au point mort. Non seulement les attentes des co-plaignantes parties à ce règlement sont frustrées, mais la
situation contrevient à l’esprit et à la lettre de l’entente intervenue.

Bien qu’il ait souscrit à l’entente conclue avec l’aide d’un médiateur en novembre 2006 et qu’il ait convenu de la nécessité de réformer le programme de sorte à prévenir toute discrimination dans l’attribution des futures chaires, le secréta­riat des CRC a pris du retard sur le calendrier d’exécution de l’entente et n’a pas encore établi, tel que le requiert celle-ci, un mécanisme efficace pour corriger les iniquités qui existent dans l’octroi des chaires.

Il en résulte que le processus de mise en candidature des chercheurs dans le cadre de ce programme prestigieux, qui a été lancé il y a sept ans par Industrie Canada, continue de fonctionner comme auparavant. Le gouvernement avait affecté à l’origine un crédit de quelque 900 millions de dollars à la création de 2 000 professorats de recherche dans les universités canadiennes afin d’appuyer l’excellence en recherche et en développement au Canada.

« C’est terriblement frustrant », a déclaré Marjorie Griffen Cohen, l’une des huit professeures de diverses universités au Canada qui ont déposé la plainte de discrimination systémique dans l’attribution des chaires, en violation de l’article 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Mme Cohen, professeure de science politique à l’Université Simon Fraser, se dit découragée par le processus et par le temps excessif que prend la mise en place des changements. « Nous pensions être parvenues à une entente. Mais il semble impossible de la faire respecter par Industrie Canada. »

Les professeures, avec l’aide de la conseillère juridique Rosemary Morgan de l’ACPPU, ont déposé une plainte collective auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, en mai 2004, pour protester contre la sous-représentation des groupes aspirant à l’équité dans les candidatures aux chaires de recherche, en invoquant des allégations de discrimination dans les modalités d’attribution des chaires, l’accès au programme, le processus de mise en candidature et les résultats.

L’entente conclue l’an dernier prévoit notamment l’élaboration d’une méthode devant permettre au programme de fixer des objectifs concrets pour l’attribution de chaires aux membres des quatre groupes protégés par la charte des droits et libertés : les femmes, les personnes handicapées, les peuples autochtones et les minorités visibles.

Pourtant, aucune méthode n’a encore été annoncée publiquement et, selon les plaignantes, c’est à peine si le secrétariat des CRC les a consultées dans ses tentatives pour concevoir un plan approprié. À la fin de 2007, les 2 000 chaires prévues à l’origine étaient toutes pourvues, mais les chaires conti­nueront d’être attribuées indéfiniment à mesure que les mandats et les renouvellements de mandats arriveront à échéance, tout comme seront maintenus les programmes de recherche et de soutien aux salaires des chercheurs, selon les représentants du secrétariat.

« Les modalités d’attribution des chaires favorisaient l’iniquité », a affirmé une autre des plaignantes, Susan Prentice, professeure de socio­-logie à l’Université du Manitoba. « Nous avons respecté fidèlement la loi, nous avons suivi la procédure établie, et pourtant ces pratiques de discrimination systémique ont toujours cours. Il y a vraiment quelque chose qui cloche là-dedans. »

Depuis que l’entente de règlement a été signée, le formulaire de mise en candidature a été révisé de façon à permettre aux membres des quatre groupes désignés de s’identifier volontairement ainsi, et le programme des chaires de recherche invite les titulaires de chaires actuels à s’auto-identifier.

« Nous allons continuer de surveiller de près la mise en oeuvre du règlement », a prévenu le directeur général de l’ACPPU, James Turk. « Il n’en demeure pas moins que les retards inacceptables et l’absence de suivi des principales obligations convenues au sujet des méthodes à utiliser sont fort préoccupants pour tous les gens de bonne foi, pour les plai­gnantes et pour tous les membres des quatre groupes protégés. »

M. Turk a fait savoir que la conseillère juridique de l’ACPPU avait été chargée de suivre la situation et d’encourager la direction du programme et la commission des droits de la personne à assurer la mise en oeuvre complète du règlement.