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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

janvier 2009

La santé et la sécurité au travail : des enjeux vitaux

Par Penni Stewart
Les accidents du travail et les ma­­ladies professionnelles font plus de deux millions de victimes chaque année, et le cancer est la première cause des décès prématurés. Si un nombre particulièrement élevé de décès et de lésions surviennent dans les secteurs d’activité les plus dangereux au monde, le personnel académique ne demeure pas pour autant à l’abri des accidents mortels, des lésions et des maladies professionnelles.

Prenons le cas, par exemple, des professeurs d’arts visuels qui sont appelés à manipuler couramment des acides, solvants, teintures et métaux corrosifs. Les peintres sont exposés depuis toujours à des pigments à base de métaux lourds (comme le plomb, le mercure, le cadmium et le chrome). Les potiers, se trouvant en contact avec des poussières d’argile, sont menacés par la silicose. Et les graveurs manipulent des acides dangereux. S’il est vrai qu’un grand nombre des cas d’exposition accidentelle aux dangers professionnels peuvent être prévenus, il est aussi vrai qu’une exposition invisible, fréquente ou à long terme à des concentrations de matières aussi faibles soient-elles peut entraîner une surcharge toxique. Les données probantes recueillies ces dernières années éta­blissent un lien entre l’exposition chroni­que aux peintures et aux sol­vants et le cancer, celui de la vessie particulièrement.

Les artistes de la scène sont con­frontés eux aussi à des risques pro­fessionnels aussi divers que la dermatite, les troubles musculosque­let­tiques et les accidents associés au gréage de scène et à la réalisation d’effets spéciaux. Les danseurs sont prédisposés aux traumatismes sé­v­è­res et aux microtraumatismes ré­­p­­étés. Les musiciens connaissent également leur part de problèmes professionnels : les lésions cervicales chez les violonistes, les infections fongiques chez les joueurs de cornemuse, les lésions labiales chez les trompettistes.

Le décès de deux anthropolo­gues de l’Université du Manitoba des suites d’un mésothéliome, lié de façon concluante à leur exposition à l’amiante en milieu de travail, a sonné l’alarme. Ce minéral fibreux se trouve dans beaucoup de bâtiments universitaires sous di­verses formes : carreaux de plafond, carrelages, matériel isolant, adhésifs et plâtre. Les chercheurs soutiennent que les pays industrialisés sont en proie à une épidémie de maladies et de cancers dus à l’amiante chez des personnes qui ont été exposées en milieu de travail il y a 20 ou 30 ans lorsque cette substance était très répandue. Bien que l’utilisation des produits d’ami­ante soit interdite dans les nouveaux projets de construction, bon nombre des vieux bâtiments qui ornent nos campus contiennent de l’amiante. C’est pour­quoi nous devons continuer de surveiller de près la situation dans nos lieux de travail et exiger l’éla­bo­ration et le respect de protocoles de prévention adé­quats vis-à-vis de l’amiante.

La position du Canada face aux dangers de l’amiante pour la santé revêt une dimension internationale. Malgré les preuves irréfutables qui existent sur les effets nocifs de ce produit, le Canada figure, à notre grande honte, au rang des principaux exportateurs d’amiante chry­sotile vers des pays qui, dotés de normes environnementales peu contraignantes, continuent d’en auto­riser l’utilisation dans le bâtiment. Si l’exploitation minière de l’amiante au Canada a accusé un recul ces dix dernières années, nous ne continuons pas moins d’offrir un soutien technique considérable aux pays utilisateurs et producteurs d’amiante.

Cette année, le Canada a contri­bué à bloquer les efforts déployés pour inclure l’amiante chrysotile dans la Convention de Rotterdam, un traité international qui aurait obligé les pays exportateurs à four­nir des informations aux pays importateurs sur les dangers d’employer cet agent cancérogène en quantités minuscules. L’ACPPU s’est jointe à des organisations syndicales et à des ONG pour demander au gouvernement fédéral de mettre fin aux exportations canadiennes d’amiante et d’exercer des pressions en vue d’interdire l’utilisation de l’amiante à l’échelle mondiale.

Beaucoup d’autres risques guettent nos milieux de travail au quotidien. Vous éprouvez des étourdis­sements après quelques heures d’en­seignement, vous avez de la difficulté à respirer ou bien à vous con­­centrer? Vous souffrez peut-être du « syndrome des bâtiments malsains »
qui entraîne des effets aigus et immédiats sur la santé des occupants d’un immeuble en raison de la mauvaise qualité de l’air intérieur. Une exposition aux spores de moi­sissure présentes dans les immeubles qui affichent des problèmes per­pé­tuels d’humidité peut causer
diver­ses réactions allergiques et immunitaires : sinusite bénigne, asthme et infections pulmonaires graves. L’utilisation des claviers d’ordinateur est souvent associée à une sé­rieuse pathologie professionnelle appelée syndrome du canal carpien.

Que doivent faire nos associations pour se prémunir contre les menaces qui pèsent sur la santé
et la sécurité du personnel sur les campus? La protection relève, bien entendu, des collèges et des universités qui nous embauchent, et il est raisonnable de s’attendre à ce que ceux-ci remplissent les ob­ligations qui leur sont faites en la matière par les règlements féd­é­raux et provinciaux, notamment en mettant en place des politiques et procédures efficaces. Mais la
réglementation est souvent inadé­quate, les mesures de prévention, parfois insuffisantes, tardent à être prises, et nos employeurs craignent le coût des actions correctives.

Chacun de nous doit certes demeurer bien informé et vigilant quant aux risques qui pèsent sur notre propre environnement de travail, mais cela doit se faire dans un cadre organisé. Lorsque celui-ci n’est pas prévu expressément par la loi, tous les collèges et les universités devraient avoir en place un comité mixte de santé et de sécurité formé de représentants du personnel académique choisis par le syndicat ou l’association. Ce comité devrait avoir la qualité d’organe central responsable du règlement des questions de santé et de sécurité au travail.

Ces questions doivent également être prises en charge dans les conventions collectives par la voie de recours efficaces et de mesures de protection solides là où il y a des lacunes dans les dispositions légis­latives. Le soin apporté aux ques­tions de santé et de sécurité contribue non seulement à protéger les intérêts de nos membres mais aussi à renforcer nos associations. À l’université où j’enseigne, les questions de santé et de sécurité au sein de la faculté des sciences ont servi de catalyseur à l’organisation d’un caucus de tous les syndicats qui est parvenu à exiger des changements. Une telle démar­che mobilisatrice autour de la sé­curité a aussi permis d’amener de nouveaux membres à s’engager plus activement dans les activités de leur association de personnel académique.

L’ACPPU veille en permanence à ce que ses associations membres soient pleinement informées des questions de santé et de sécurité. Nous créons et diffusons des res­sources sur ces sujets; nous avons tenu en novembre une deuxième conférence sur la santé et la sécurité au travail; et nous publions ré­gulièrement sur notre site web des fiches d’information sur la santé et la sécurité ainsi que des mises à jour.