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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

avril 2013

Des membres de CÉR déplorent le refus d’uOttawa de défendre la confidentialité

Cinq des membres des comités d'éthique en recherche de l'Université d'Ottawa qui ont signé la lettre envoyée au recteur Allan Rock. Dans le sens horaire à partir du coin inférieur gauche : Giuliano Reis (CÉR en sciences sociales et humanités), Brendan Walshe-Roussel (CÉR en sciences de la santé et sciences), Hélène Laperrière (CÉR en sciences de la santé et sciences), Joel Westheimer (CÉR en sciences sociales et humanités) et Sheena Sumarah (CÉR en sciences sociales et humanités).
Cinq des membres des comités d'éthique en recherche de l'Université d'Ottawa qui ont signé la lettre envoyée au recteur Allan Rock. Dans le sens horaire à partir du coin inférieur gauche : Giuliano Reis (CÉR en sciences sociales et humanités), Brendan Walshe-Roussel (CÉR en sciences de la santé et sciences), Hélène Laperrière (CÉR en sciences de la santé et sciences), Joel Westheimer (CÉR en sciences sociales et humanités) et Sheena Sumarah (CÉR en sciences sociales et humanités).
Vingt membres des comités d’éthique en recherche (CÉR) de l’Université d’Ottawa ont écrit à Allan Rock, recteur de cet établissement d’enseignement, pour lui faire part de leur indignation face au refus de l’université d’assumer les frais judiciaires de deux professeures de criminologie qui ont recouru aux tribunaux pour protéger la confidentialité des renseignements recueillis dans le cadre d’une recherche.

Les membres des CÉR ont rappelé que les travaux de recherche avaient été approuvés par l’université à la condition explicite que les chercheuses s’engagent à protéger le carac­tère confidentiel des renseignements sur les participants.

« L’inaction de la part des dirigeants de l’université, qui ont comme mission de faire progresser les connaissances et de favoriser la cu­riosité intellectuelle, est inexcusable », peut-on lire dans cette lettre, où l’on ajoute qu’« en s’abstenant de soutenir les professeures (Chris) Bruckert et (Colette) Parent, l’université établit un dangereux précédent. »

Les auteurs de la lettre soulignent aussi les conséquences possibles d’une telle inaction : (cela pourrait constituer) « un facteur dissuasif susceptible de nuire à la conduite de recherches exigeant la participation de volontaires à qui l’on promet un respect absolu de la confidentialité des renseignements à leur sujet — aspect qui fait d’ailleurs l’objet d’une entente signée par les deux parties. » Par ailleurs, cela pourrait conduire à « de la censure exercée par les organismes de financement de recherches tels que le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada » et, aussi, au « refus de ces organismes de libérer des fonds dans le cas où l’attitude d’une université ne cadre pas avec l’esprit de l’Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains ».

Cet énoncé de politique, en fait, reconnaît que les travaux des universitaires amènent parfois à faire de la recherche « portant sur des sujets de nature délicate (des activités illégales, par exemple), (ce qui) exige habituellement de solides promesses en matière de confidentialité pour qu’un rapport de confiance soit établi avec les participants ». Cette politique précise aussi que « recueillir des renseignements en contrepartie d’une promesse de confidentialité confère aux chercheurs un devoir éthique qui est essentiel au maintien du respect des participants et à la préservation de l’intégrité du projet de recherche ».

Les difficultés des professeures Bruckert et Parent ont commencé en juin 2012 lorsque la police de Montréal leur a fait part de son intention de saisir les enregistrements et les transcriptions d’entrevues menées en 2007 avec des travail­leurs du sexe. Les criminologues ont refusé d’obtempérer, invoquant les ententes de confidentialité qui avaient été conclues avec les participants à leurs travaux de recherche. L’affaire a été soumise à la Cour supérieure du Québec.

L’ACPPU a assumé les frais judiciaires substantiels engagés par Mmes Bruckert et Parent, le temps que l’Université d’Ottawa décide de sa position. En décembre dernier, M. Rock a fait savoir à l’ACPPU que l’établissement n’avait pas l’intention de soutenir financièrement les deux criminologues.

Un groupe d’étudiants a organisé une campagne épistolaire pour dénoncer la position de l’université.

Meg Lonergan, une étudiante de troisième année en criminologie et en études féminines, a confié au journal étudiant Fulcrum qu’elle remettait en question son désir de faire des études de cycle supérieur à l’Université d’Ottawa, ne sachant pas si son alma mater allait soutenir le principe de la protection des données recueillies dans le cadre de recher­ches. Elle croit d’ailleurs que la décision du tribunal influencera les étudiants en sciences sociales et en épidémiologie.

« C’est là une cause appelée à faire jurisprudence. On verra comment les tribunaux traiteront l’enjeu de la confidentialité des données à laquelle s’engagent les chercheurs universitaires envers ceux et celles qui acceptent de participer à des activités de recherche », a déclaré James Turk, directeur général de l’ACPPU. « Tout comme les journalistes d’enquête, les chercheurs de nos universités jouent un rôle essentiel dans la compréhension d’enjeux importants, d’intérêt public et cela n’est possible que lorsqu’on peut garantir le caractère confidentiel des propos recueillis auprès des volontaires. »

M. Turk fait observer qu’une solide jurisprudence existe en ce qui concerne les journalistes et le respect de la confidentialité qui protège leurs sources, mais que cela n’est pas encore le cas pour les chercheurs universitaires.

« Nous espérons que l’université va revenir sur sa décision de ne pas aider financièrement les professeures Bruckert et Parent, car c’est quelque chose de juste à faire mais aussi une obligation en vertu de la politique des trois Conseils », a-t-il conclu.