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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

février 2015

Flambée des salaires des dirigeants des universités et collèges albertains

[Nikolay Petkov / Shutterstock.com]
[Nikolay Petkov / Shutterstock.com]
La flambée des salaires et avantages sociaux des dirigeants des établissements postsecondaires en Alberta se poursuit en dépit des coupes budgétaires et de la hausse des droits de scolarité.

Les copieux régimes salariaux des recteurs et vice-recteurs dans la province sont révélés dans les rapports annuels des établissements présentés au gouvernement le 31 décembre. Dans de nombreux cas, ces régimes rivalisent avec ceux de leurs homologues d’établissements mieux cotés partout au pays, ou les surpassent.

La rectrice et vice-chancelière de l’Université de l’Alberta, Indira Samarasekera, qui prend sa retraite en juin, domine le classement avec un salaire de base de 544 000 $. Elle compte parmi les dirigeants universitaires les mieux payés non seulement en Alberta, mais au Ca­nada. En poste depuis quelques années, elle cumule des gains de quelque 1,1 million de dollars, incluant les primes et avantages non pécuniaires, comme les cotisations au régime de retraite.

« Tant le nombre de dirigeants que leur rémunération sont en progression constante », a affirmé Doug Short, président de l’Alberta Colleges and Institutes Faculties Association. « Et les salaires des administrateurs ont crû à un rythme beaucoup plus rapide que ceux de la population en général, au détriment de l’enseignement. »

Les quatre universités de la pro­vince vouées à l’enseignement et à la recherche (Université de l’Alberta, Université de Calgary, Université de Lethbridge et Université Atha­basca) ont versé près de 12,5 millions de dollars en rémunération totale à leurs recteurs et vice-recteurs au cours de l’exercice 2013-2014.

Les salaires des six vice-recteurs de l’Université de l’Alberta, allant de 383 000 $ à 496 000 $, étaient largement supérieurs à ceux des recteurs de l’Université McGill, de l’Université de Toronto et de l’Université de la Colombie-Britannique qui s’établissaient en moyenne à 373 000 $.

La rectrice de l’Université de Cal­gary, Elizabeth Cannon, a reçu une rémunération totale de 732 000 $, tandis que celle de son homologue de l’Université MacEwan, David Atkinson, était en deçà de 400 000 $.

Les échelles salariales sont de plus en plus litigieuses, d’autant que le gouvernement permettait en décembre à 10 établissements postsecon­daires d’augmenter les droits de scolarité pour 25 programmes — jusqu’à 56 % —, en fonction de la mesure de « modificateur de marché » et malgré la loi qui limite normalement ces augmentations à une indexation au coût de la vie.

L’ex-ministre de l’Enseignement supérieur Thomas Lukaszuk avait promis il y a deux ans un examen des régimes salariaux des dirigeants universitaires, qui n’a jamais eu lieu.

Le ministre de l’Innovation et de l’Enseignement supérieur albertain Don Scott vient de prévenir les universités et collèges qu’ils devront resserrer les cordons de leur bourse compte tenu de l’impact considéra­ble de la chute des prix du pétrole sur les finances de la province. Il a seulement pu les assurer qu’ils ne seraient pas pris par surprise comme deux ans auparavant, alors que la province retranchait abruptement 100 millions de dollars du financement postsecondaire.

Selon Doug Short, la flambée des salaires et du nombre de dirigeants accapare une portion croissante du budget des établissements. Dans certains d’entre eux, le taux d’augmentation des effectifs de direction a atteint 100 %, tandis que le nombre de professeurs ne bougeait pas et que le nombre d’étudiants grimpait.

Cette escalade des salaires et des effectifs ne touche pas que l’Alberta, et quand l’Université de l’Alberta a lancé son appel à candidatures pour trouver un successeur à Mme Samarasekera l’an dernier, plusieurs « groupes » ont postulé, affirmant que le salaire était amplement suffisant pour quatre personnes qui partageraient le poste et qui mettraient à contribution leurs abondantes compétences et expérience.

Soucieuses de souligner « la disparité entre les énormes salaires de ces dirigeants et la rhétorique d’austérité qu’ils épousent », Kathy Cawsey, professeure agrégée à l’Université Dalhousie, et trois de ses collègues ont proposé leur candidature commune au poste et créé une page Facebook pour encourager d’autres groupes à emboîter le pas.

Environ 14 groupes ont postulé pour le poste, a indiqué Mme Cawsey, et ils ont tous reçu la même lettre de refus. Elle espérait néanmoins que ces candidatures ouvrent le dialogue sur leurs doléances, mais sans succès.

« J’ai écouté Doug Goss (président du conseil des gouverneurs de l’Université de l’Alberta) discuter de la situation après avoir reçu nos candidatures, et il n’a jamais prononcé les mots “enseignement” ou “éducation”. Il a employé des termes comme “excellence, mondialisation et innovation”. »

Cela témoigne de la « corporatisation » des établissements postsecondaires, de dire M. Short, se déclarant également préoccupé par le fait que la divulgation complète et transparente des renseignements financiers, outre la publication des salaires des dirigeants, n’est pas au rendez-vous.

« Selon les principes d’une saine gestion, les gens doivent connaî­tre quels sont les gains et les motifs qui les sous-tendent », a-t-il ajouté. « Pourquoi certains ad­ministrateurs reçoivent-ils d’énormes primes, et quelles en sont les justifications? »