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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

avril 2015

Le gouvernement albertain coupe dans l’éducation postsecondaire

Le secteur de l’éducation postse­condaire albertain, qui ne s’était pas encore relevé des coupes massives de 2013, subit de nouveaux assauts dans le budget provincial 2015.

Le gouvernement progressiste-conservateur réduit de 1,4 % les subventions de fonctionnement des établissements postsecon­daires cette année, et de 2,7 % en 2016-2017. Le gouvernement explique qu’il s’agit de coupes inférieures à celles pré­vues, parce qu’il veut laisser aux établissements le temps nécessaire pour faire la transition vers un modèle de « viabilité financière » et pour dégager des « efficiences ».

Rob Sutherland, président de la Confederation of Alberta Faculty Associations, convient que les coupes sont peut-être moins importantes qu’on ne l’avait craint, mais il souligne qu’« elles viennent comprimer des budgets déjà très serrés et s’accompagneront de pertes d’emplois, de suppressions de programmes, et de nouveaux obstacles à l’apprentissage pour les étudiantes et les étudiants ». 

Dans son discours du budget, le 26 mars dernier, le ministre des Finances Robin Campbell a sou­ligné que l’Alberta visait, pour l’éducation postsecondaire, un rapprochement avec les indicateurs nationaux fondés sur les subventions gouvernementales, le paiement par l’utilisateur et la production de revenus. Il précisait que « 58 % des revenus des universités en Alberta proviennent du gouvernement provincial, comparativement à 42 % en Ontario ».

Selon M. Sutherland, l’approche du gouvernement est arbitraire et à courte vue.

« Les ‘indicateurs nationaux’ sont des instruments contondants loin de constituer une assise solide à l’élaboration des politiques en Alberta, puisqu’ils font abstraction des larges écarts entre les provinces », dit-il. « Ils fournissent toutefois une excuse utile à la province qui cherche à réduire la part gouvernementale du financement postsecondaire et à favoriser de nouvelles sources de revenus. »

Parmi ces sources de revenus, semblent figurer les droits de scolarité. En 2014, la province a approuvé des hausses des droits de scolarité variant de 8 % à plus de 70 % dans 25 programmes, y compris en commerce, pharmacie, droit et administration, de manière à en harmoniser les coûts avec ceux d’autres établissements postsecon­daires au Canada.

Doug Short, président de l’Alberta Colleges & Institutes Faculties Association, dénonce aussi les indicateurs sur lesquels s’est appuyé le gouvernement pour établir son budget.

« Pourquoi devrions-nous tendre vers des indicateurs nationaux, d’autant plus qu’ils sont basés sur la situation ontarienne? », dit-il. « En quoi l’Ontario, où les droits de scolarité sont les plus élevés au Canada, serait un modèle à suivre? Pourquoi pas l’Allemagne, où l’enseignement postsecondaire est gratuit? »

M. Short concède qu’il y a place à plus d’efficiences, mais les me­sures de compression des coûts devraient selon lui s’attaquer aux lourdeurs administratives sans toucher à l’enseignement et à l’apprentissage.

En outre, le budget laisse planer la possibilité d’ingérence gou­ver­nementale dans les décisions re­latives aux programmes. « Nous travaillerons avec les établissements postsecondaires afin de pré­server les programmes très populaires et de grande valeur, et d’identifier et abolir les programmes de faible valeur dont le rendement laisse à désirer », déclarait le ministre Campbell dans le discours du budget.

Selon M. Short, les réactions à cette éventualité fusent de toute part. « Le rendement des investissements est-il donc devenu le prin­cipal critère? Comment déterminera-t-on la valeur d’un programme? Sera-t-elle fonction de la concordance entre l’enseignement et la recherche et les priorités économi­ques du gouvernement? »

Pour sa part, M. Sutherland est d’avis que l’établissement par le gouvernement de priorités aux fins d’éliminer des programmes serait une atteinte « inacceptable » à l’autono­mie et à la gouvernance des établissements.

« La prise de décisions académi­ques, du moins au sein des universités, appartient au personnel académique, non pas au gouvernement », conclut-il. « C’est tout simplement l’intégrité de la mission académique de nos universités qui est ici menacée. »