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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

novembre 2015

Tollé de critiques à l’égard des parachutes dorés dans le secteur de l’éducation postsecondaire

À ceux qui les accusent d’être des grippe-sous, les dirigeants des universités et des collèges répondent que le tiroir-caisse est vide.

Cela n’empêche pas ces chantres de la rigueur budgétaire de recevoir d’importantes augmentations de salaire et des parachutes dorés à leur départ à la retraite.

Le clou de la dernière année : le scandale suscité à l’Université Western par le million de dollars versé en salaire et en avantages sociaux au recteur Amit Chakma en 2014. Un million? En fait, le recteur est passé à la caisse deux fois : pour toucher, d’abord, la rémunération de son poste, puis la contrepartie d’un congé non pris inclus dans sa rémunération globale négociée à titre de recteur. Depuis, il a accepté d’en remettre la moitié à l’Université et de refuser cette double rémunération à la fin de son deuxième mandat.

« La récente explosion de contro­verses entourant les salaires et les avantages indirects exorbitants des administrateurs a sensibilisé le public à la question », de déclarer David Robinson, directeur général de l’ACPPU. « Les chèques de un million de dollars sont malheureusement devenus la norme parce que les universités et les collèges adoptent de plus en plus le modèle de l’entreprise privée, où la rémunération des dirigeants est négociée dans le plus grand secret. »

En 2007, l’Université McGill a remis 760 000 $ en salaire et indemnité de départ à la vice-rectrice Ann Dowsett Johnston, qui venait de démissionner 19 mois seulement après son arrivée. La principale, Heather Monroe-Blum, a défendu l’Université, faisant valoir que le paiement était justifié dans le contexte de la vive concurrence entre universités qui existait lors de la négociation de cette entente. Aucune information concernant le départ de Mme Dowsett Johnston n’a transpiré en raison de la clause de confidentialité imposée par l’Université.

Ironiquement, Mme Munroe-Blum a quitté son poste de principale à McGill en 2013, au terme de deux mandats de cinq ans chacun. Elle a alors touché un an de salaire — auquel elle avait droit —, alors même qu’elle était professeure invitée, contre rémunération il va sans dire, à l’Université Stanford en Californie. L’année suivante, elle a pris une retraite anticipée au lieu de retourner enseigner à McGill comme prévu, empochant ainsi une autre année de salaire au taux du poste de principal.

En 2011, l’Université Concordia a été sur la sellette quand la rec­trice Judith Woodsworth a fait sa sortie tout juste à mi-mandat, soi-disant éjectée de son siège par le conseil d’administration. Son indemnité de départ de 703 500 $ a été vertement critiquée par l’Association des professeurs, et devant le refus du conseil de dévoiler les circonstances de son départ, une série de votes de défiance ont mis à mal la direction.

Rappelons que l’Université venait d’ouvrir les cordons de sa bourse pour verser plus d’un million de dollars au prédécesseur de Mme Woodsworth, Claude Lajeunesse, qui avait soudainement remis sa démission deux ans après le début de son contrat de cinq ans.

Plus près de nous en 2014, l’ex-recteur de l’Université Dalhousie, Tom Traves, figurait en tête de la liste des plus gros salariés de l’établissement — à 457 521 $ —, même s’il avait pris sa retraite en 2013. En vertu de son contrat, il avait droit à une année de salaire supplémentaire pour chaque mandat de cinq ans accompli à l’Université. Reconnais­sant que les universités avaient les mains liées par les contrats déjà signés, la ministre du Travail et de l’Éducation postsecondaire de la Nouvelle-Écosse Kelly Regan leur a toutefois demandé de cesser cette généreuse pratique à l’égard des ex-recteurs.

Un examen de la situation financière et des méthodes budgétaires de l’Université Dalhousie menée récemment par l’association du personnel académique révèle qu’à l’inverse de la flambée des salaires des dirigeants, la part des fonds de fonctionnement totaux réservée aux unités académiques ou aux unités de soutien académique a régressé de façon régulière sur une période de dix ans.

« Dalhousie doit se recentrer sur sa mission fondamentale, l’enseignement et la recherche », a affirmé David Mensink, qui préside l’association du personnel académique. « Si l’Université affectait aujourd’hui à ces deux activités le pourcentage de son budget de fonctionnement qu’elle leur attribuait en 2002-2003, elle serait plus riche de 56 millions de dollars cette année seulement, pour pourvoir des postes menant à la permanence et soutenir des activités académiques. »

En 2012, l’association des profes­seurs d’université de la Nouvelle-Écosse, l’ANSUT, a publié un rapport sur la rémunération des cadres supérieurs de l’établissement, intitulé A Culture of Entitlement. Pour la période 2004-2011, les salaires des recteurs des universités de la pro­vince ont grimpé d’environ 25 % et la rémunération globale des cadres supérieurs des niveaux inférieurs, de 35 %. L’association expliquait ces bonds en partie par la « dérive administrative », à savoir l’augmentation progressive des postes de niveau intermédiaire ou supérieur.

Parmi les modifications à la politique de rémunération recommandées dans le rapport, mentionnons le renforcement du rôle du personnel académique et des étudiants au sein des conseils d’administration — y compris pendant les discussions de nature financière — et la mise en place de mécanismes clairs d’information de la communauté académique et du public.

Dans certains ressorts canadiens, les universités et les collèges n’ont pas l’obligation de communiquer les modalités de la rémunération de leurs hauts dirigeants. Au Nouveau-Brunswick, les associations de personnel académique ont engagé une poursuite contre l’Université St. Thomas pour la forcer à divulguer les montants des indemnités de départ de trois employés.

L’administration de l’Université déclare que l’enjeu principal dans cette affaire est davantage le respect des obligations contractuelles et de la vie privée que la communication de données financières.

« Ce manque de transparence n’est pas unique », souligne M. Robinson. « C’est un exemple des problèmes qui minent plus profondément le milieu académique. Alors que les étudiants doivent payer plus cher pour s’instruire et que le personnel académique se fait dire d’être moins “gourmand”, les excès de la rémunération des dirigeants sont un véritable camouflet. »