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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

mars 2002

La stratégie d'innovation tant attendue déçoit

Le livre blanc du gouvernement fédéral sur l'innovation et le perfectionnement des compétences, qui a tant tardé à venir, a été rendu public le 12 février. Ses critiques estiment toutefois qu'il est beaucoup trop vague.

Divisé en deux parties, le livre blanc est l'œuvre des ministères fédéraux de l'Industrie et du Développement des ressources humaines. Il demande au gouvernement de stimuler la recherche et le développement et d'assurer un plus grand accès aux études postsecondaires mais offre peu de solutions sur la manière d'y parvenir.

" Le moment est venu de passer à la vitesse supérieure, d'amener les Canadiens à se surpasser en leur proposant des objectifs ambitieux et de travailler ensemble pour les réaliser, a déclaré le ministre de l'Industrie Allan Rock, lors d'une brève conférence de presse à Toronto. " Le gouvernement ne peut y parvenir seul. Nous devons nous appuyer sur le consensus croissant qui se dessine parmi les gens d'affaires, les entrepreneurs, les syndicats, les universitaires et tous les paliers de gouvernement, à savoir que le succès futur du Canada dépend de sa capacité d'innover dans tous les secteurs de son économie et dans toutes ses régions. "

L'ACPPU se félicite d'avoir l'occasion de discuter des questions soulevées dans les deux documents mais est surprise d'y constater l'absence de nouvelles idées ou propositions.

" Ces deux documents, censés être le fondement du plan d'action du gouvernement pour les dix prochaines années, manquent de substance ", a déclaré le président de l'ACPPU, Tom Booth. " Ils contiennent beaucoup de recommandations recyclées et de commentaires satisfaits mais peu d'idées neuves. "

Il a fait remarquer que les propositions avancées dans ces deux documents dans le but de promouvoir la commercialisation des résultats de la recherche universitaire sont les mêmes qui circulent au gouvernement depuis dix ans et que les chercheurs universitaires ont rejetées parce qu'elles compromettent l'intégrité et l'indépendance de leurs travaux.

" Il existe un réel danger que la stratégie en matière de commercialisation amène la recherche universitaire vers des voies qui ne serviront pas l'intérêt public ", a t-il affirmé.

Le document d'innovation précise que " les universités doivent rendre beaucoup plus précisément compte des retombées économiques au Canada du très large investissement en recherche que les gouvernements consentent chaque année. " M. Booth estime que cette exigence est sérieusement préoccupante car de nouveaux programmes de financement peuvent être directement liés à des retombées commerciales étroitement définies, comme il est souligné dans le document. En effet, en contrepartie d'une plus grande commercialisation, les universités recevront un " engagement gouvernemental à long terme envers leur infrastructure du savoir ".

" Certains des meilleurs résultats de la recherche universitaire n'ont pas toujours des retombées commerciales immédiates ", a-t-il expliqué. "Nous serions très inquiets si le financement était tributaire des retombées commerciales. "

L'ACPPU se réjouit, a ajouté M. Booth, que le gouvernement reconnaisse les graves problèmes auxquels fait face l'enseignement postsecondaire, entre autres les préoccupations de plus en plus grandes au sujet de l'accessibilité et des coûts. Les documents demeurent toutefois muets sur les solutions à adopter pour résoudre le problème.

" Ce n'est pas difficile à comprendre. Nombre de personnes qualifiées ne font pas d'études collégiales et universitaires à cause de l'augmentation en flèche des frais de scolarité. Pourtant, les documents ne mentionnent pas du tout ce problème. Tant qu'aucune mesure ne sera prise, le problème ne se réglera pas, il va empirer, " a conclu M. Booth.

Le document sur les compétences laisse également entendre qu'il est possible d'accroître l'accès aux études postsecondaires grâce à l'apprentissage en ligne, ce qui peut aider " les établissements à répondre aux pressions croissantes causées par l'augmentation du nombre d'inscriptions ".

La stratégie d'innovation promet en plus d'augmenter le nombre d'étudiants diplômés de 5 p. 100 par année au cours des 10 prochaines années, un objectif qui sera réalisé en partie au moyen du Fonds Trudeau, récemment créé dans le but d'offrir des bourses de recherche pour les études doctorales et postdoctorales en arts et en sciences humaines.

M. Booth accueille avec satisfaction le fonds, qui porte le nom de l'ancien premier ministre Pierre Trudeau, mais déplore qu'il n'aide que 50 étudiants par année.

" Si vous voulez réellement augmenter la capacité d'enseignement et de recherche des universités et des collèges, la meilleure chose à faire serait d'accroître le financement de base de nos établissements d'enseignement ", a-t-il conclu.

Les documents de la stratégie d'innovation du Canada, Atteindre l'excellence et Le savoir, clé de notre avenir, sont disponibles à www.innovationstrategy.gc.ca.