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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

juin 2002

Les É.-U. exigent d'inclure l'éducation dans l'AGSC

Le gouvernement américain dit qu'il s'emploiera plus énergiquement à faire inclure les services d'enseignement postsecondaire dans le controversé Accord général sur le commerce des services.

Alors que les négociations visant à élargir l'accord sont déjà en cours à l'Organisation mondiale du commerce, des représentants du gouvernement Bush prenant la parole lors d'une conférence sur le commerce des services d'éducation à Washington le mois dernier ont fait savoir qu'une plus grande libéralisation commerciale dans ce secteur était un élément critique de la politique internationale de leur pays.

" Un plus grand commerce des services d'éducation stimule la balance commerciale des États-Unis et promeut la paix ", a déclaré Douglas Baker, secrétaire général adjoint au département du Commerce, lors de la conférence organisée par l'Organisation de coopération et de développement économiques et le département du Commerce des États-Unis. " Notre objectif est de créer les conditions d'une concurrence internationale dans le secteur des services d'éducation avec une intervention minimale des gouvernements. "

Le gouvernement américain estime qu'un certain nombre de pays imposent des barrières pour restreindre le commerce international dans le domaine de l'éducation. Selon les négociateurs américains, ces barrières comprennent les lois qui reconnaissent l'enseignement postsecondaire comme un produit de l'État et non comme une " fonction exclusive ", des politiques qui limitent l'accès au marché des fournisseurs étrangers de services d'éducation, les restrictions à la propriété d'universités et de collèges par des étrangers et les lois qui empêchent ou limitent l'agrément de fournisseurs étrangers de services d'éducation.

Joseph Popovitch, représentant adjoint américain du commerce extérieur a affirmé que les États-Unis désiraient l'élimination de ces barrières commerciales par l'entremise de l'accord et a prétendu que le système d'enseignement supérieur d'un pays ne risquait rien.

" Les engagements actuels dans le secteur de l'éducation et de la formation aux termes de l'AGCS sont peu nombreux. Par conséquent, les États-Unis chercheront à obtenir davantage d'engagements des pays membres de l'OMC ", a poursuivi M. Popovitch.

" Bien que beaucoup craignent que l'OMC impose une politique en matière d'éducation, l'accord, en réalité, est toutefois très souple et permet aux pays de conserver le droit de réglementer ce secteur. "

Les opposants s'inquiètent néanmoins de ce que l'inclusion des services d'éducation dans l'accord entraîne de graves conséquences pour la qualité et la nature de l'enseignement postsecondaire.

" J'ai de sérieuses réserves au sujet de l'AGCS ", a déclaré David Ward, président de l'American Council on Education. " J'y vois beaucoup de risques mais pas d'obstacles insurmontables se dressant devant la mondialisation de l'éducation. "

L'année dernière, le Council ainsi que l'Association Européenne de l'Université, l'Association des universités et collèges du Canada et le Council for Higher Education Accréditation ont rendu publique une déclaration conjointe dans laquelle ils enjoignaient leur pays respectif de ne pas prendre d'engagements dans le secteur de l'éducation dans le cadre de l'accord.

Selon les auteurs de la déclaration conjointe, " la raison d'être de l'enseignement supérieur est de servir l'intérêt public et ne constitue pas une " marchandise ". Face à ce mandat public, le pouvoir de réglementer l'enseignement supérieur doit demeurer la prérogative des instances compétentes désignées de n'importe quel pays. Rien dans les accords internationaux du commerce ne devrait restreindre ou limiter ce pouvoir. "

Donald Johnston, secrétaire général de l'OCDE a réfuté les critiques. " L'inclusion de l'éducation dans l'AGCS a suscité un débat d'orientation houleux mais les critiques se fondaient sur de fausses interprétations et des interprétations abusives " a-t-il précisé. " Selon diverses affirmations, l'AGCS menace les services publics comme l'éducation parce qu'il force les gouvernements à privatiser. De fait, l'AGCS n'impose pas de politique au secteur public. Les pays sont libres de décider quels services publics ils veulent offrir et ils sont libres de les réglementer ".

Cependant, les analystes commerciaux canadiens Scott Sinclair et Jim Grieshaber-Otto soutiennent que M. Johnston et d'autres tenants de la libéralisation commerciale sont coupables de leur propre interprétation abusive de l'accord.

" L'AGCS crée des droits légaux que les gouvernements étrangers peuvent invoquer au nom de leurs fournisseurs de services commerciaux ", ont conclu MM. Sinclair et Grieshaber-Otto dans une étude du débat sur l'AGCS rendue publique récemment. " On peut raisonnablement s'attendre à ce que cette menace mine de façon constante la prestation de services essentiels publics et sans but lucratif, entre autres les soins de santé, l'éducation et l'eau. La plus grande menace pour les services publics est le fait que l'AGCS fixe légalement leur commercialisation quel que soit l'endroit où s'installent les fournisseurs étrangers à but lucratif. "

Vic Catano, le président de l'ACPPU, se dit préoccupé par la volonté du gouvernement américain d'activer le projet d'amener les services d'éducation à la table de négociation de l'AGCS malgré l'opposition des universités et des collèges américains.

" Nous devons nous assurer que les États-Unis n'obtiennent pas d'engagement de la part du Canada en ce qui concerne les services d'éducation " a déclaré M. Catano. " Les risques d'une inclusion de l'éducation dans l'accord sont trop importants pour que l'on n'en tienne pas compte. "