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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

septembre 2005

Dans la salle de classe : dire franchement les choses

Par Loretta Czernis
Pendant mes vacances d’été, j’ai relu l’anthologie The Dissenting Academy, publiée sous la direction de Theodore Roszak et dans laquelle est paru pour la première fois le célèbre essai de Noam Chomsky, La responsabilité des intellectuels. Cette lecture m’a amenée à réfléchir sur la démarche d’enseignement et d’apprentissage. En ce début d’une nouvelle année universitaire, les étudiants attendent de moi que je leur transmette un large bagage de connaissances.

J’ai choisi de faire carrière au sein du milieu universitaire afin de participer aux travaux d’une communauté de chercheurs. J’aurais intégré le monde des affaires si j’avais été attirée par l’argent et le prestige. Ce que je veux, c’est initier mes étudiants à la vie de l’esprit et les aider à devenir de bons citoyens.

Theodore Roszak écrit : « Au siècle des Lumières, l’homme de lettres intellectuellement remarquable jouissait des droits afférents à la qualité de citoyen. Cela impliquait l’exercice de ce que Peter Gay appelait le «droit souverain de critiquer», lequel impliquait par voie de conséquence le droit de remettre en question tous les pouvoirs, privilèges et coutumes. » (traduction libre)

Les étudiants doivent commencer là où ils se situent. Ils apportent avec eux leurs expériences et leurs bagages qui, dans bien des cas, sont fort différents des miens. J’essaie de faire preuve d’ouverture d’esprit et de tirer les enseignements de leurs expériences. Je leur fais comprendre que nous n’en savons jamais trop sur l’enseignement. Je promets de ne pas les exploiter ni de les entraîner dans les querelles de départements.

La seule leçon qu’ils peuvent tirer de ces batailles intestines, c’est que les universités et les collèges peuvent se révéler des endroits très déplaisants. Le plus difficile dans l’enseignement (pour moi, du moins), c’est de tolérer les idées préconçues et les présomptions des étudiants. J’essaie de leur apprendre à améliorer la formulation de leurs questions avant qu’ils ne trouvent les réponses. J’essaie de les aider à progresser sur le plan intellectuel en les sensibilisant au problème du contexte social.

Pour citer Chomsky : « Si l’intellectuel a la responsabilité de réclamer la vérité, il a aussi le devoir de situer les faits dans leur perspective historique. » (traduction libre)

Je tiens aussi un discours franc à mes étudiants et j’essaie de leur montrer comment je parviens à mes réflexions. Je veux qu’ils se sentent libres de parler franchement et de n’être pas du même avis que les autres. Je leur donne des travaux à faire seul ou en groupe afin qu’ils apprennent les bienfaits de l’écoute et du travail d’équipe.

Robert Engler écrit : « L’université offre le mécanisme potentiel idéal pour une communauté d’intelligence et de conscience susceptible d’établir le dialogue dans la collectivité en général. Si les professeurs et les étudiants ... n’en reconnaissent pas la nécessité, vers où, donc, cette société peut-elle se tourner? » (traduction libre)

En tant qu’êtres humains et universitaires, nous sommes diminués par le silence et la peur. Pour réussir à animer nos étudiants, durant la nouvelle année qui commence et bien au-delà, nous devons dire franchement les choses. Nous devons exercer notre liber- té académique dans la salle de classe.