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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

septembre 2008

Un rapport fait état des tendances troublantes du recrutement

Sir David Watson
Sir David Watson
Le recours très répandu aux chas­seurs de têtes pour recruter et sélectionner les dirigeants d’université pourrait être plus préjudiciable que bénéfique, à mesure même où le nombre d’établissements postsecondaires faisant appel à des entreprises de recrutement continue de grimper, révèle un rapport pu­blié dans le numéro d’été 2008 du magazine Engage de la Leadership Foundation for Higher Education à Londres.

Sir David Watson, chaire de re­cherche en gestion des études su­pé­ri­eures à l’Institute of Education de l’Université de Londres, a ras­semblé et analysé des données qui mettent en lumière une forte tendance à la hausse, chez les universités du Roy­aume-Uni, à confier le recrutement de leurs dirigeants à des chasseurs de têtes ou à des cabinets spécialisés.

Le professeur Watson constate dans son rapport qu’aucune agence de recrutement n’avait été sollicitée pour la recherche de candidats aux postes de dirigeants annoncés dans le Times Higher Education Supplement en 1986-1987, alors que dix ans plus tard de telles agences avaient été engagées pour neuf des 16 postes annoncés et, en 2006-2007, pour 20 postes sur 21.

Sir Watson compare l’effet du cycle de vie des chasseurs de tête durant cette période à celui d’« une drogue raffinée. Ils ont commencé par provoquer des effets euphori­sants qui se sont peu à peu dissipés avant de faire place à des effets secondaires préjudiciables ».

Selon le professeur, le plus grave des effets secondaires associés à l’uti­li­sation des services de chasseurs de têtes est l’« impartition importante de responsabilités fondamentales propres aux universités ».

La délégation aux chasseurs de têtes d’une tâche considérée autrefois comme l’une des fonctions inhérentes au mandat du conseil d’ad­ministration est en voie d’entraîner une sorte de déqualification des dir­igeants, met-il en garde, tout en em­pêchant les candidats de prendre la pleine mesure du poste face au­quel ils se trouvent, en raison de la confidentialité imposée par les cab­inets de recrutement.

« On peut en dire autant de la situation au Canada », fait valoir le directeur général de la l’ACPPU, James Turk.

S’il est vrai que les agences de re­crutement de cadres se sont par le passé révélées utiles en élargissant le réservoir de candidats potentiels, tout particulièrement à d’autres sec­teurs d’activité, force est de constater, prévient M. Turk, que maintenant les effets négatifs de la « profession­nalisation » du recrutement des di­rigeants d’université l’emportent largement sur les bienfaits.

Et d’ajouter : « Nous avons constaté une importante augmentation du nombre de contrats de recherche de candidats qui sont passés avec des chasseurs de têtes pour pourvoir à des postes de recteur. Et bien que ces recruteurs puissent être en mesure d’établir un bassin de candidats dignes de considération, qui soit au départ plus large que celui que pourrait rassembler à lui seul le comité de recrutement d’une université, il n’en demeure pas moins que ces mêmes candidats sont proposés maintes et maintes fois sans jamais avoir la possibilité de bien comprendre les besoins particuliers de l’établissement concerné ».

Sir Watson appelle ce phénomène l’« antichambre de la concurrence ». C’est en quelque sorte « la salle où l’on fait attendre en permanence un groupe de candidats potentiels ou bien où l’on cherche constamment à introduire ces derniers à force de sollicitudes et de séduction ».

Le recours aux chercheurs de têtes aux États-Unis a aussi suscité récemment l’attention de William Bowen, l’ancien recteur de l’Université Princeton. Dans un article publié dans un numéro de mars du Chronicle of Higher Education, M. Bowen soutient que « la principale responsabilité du conseil d’ad­ministration » est d’assurer l’exé­cu­tion d’« une relève fructueuse ». Malgré cela, déplore-t-il, il se trouve un grand nombre de conseils d’administration qui, n’étant pas préparés à cette fin, confient cette res­ponsabilité capitale à des chasseurs de têtes à qui ils confèrent une autorité beaucoup trop importante sans leur fournir toutes les directives et orientations nécessaires.

L’ancien recteur reconnaît que l’ap­port professionnel des cabinets de recrutement peut être utile, mais il est d’avis que leur rôle devrait se li­­miter à établir « des listes de candi­­dats possibles, qui comportent également des candidats véritablement nou­­veaux », et non pas à éta­blir des descriptions de fonctions ni même à entrer en contact avec les candidats.

Sir Watson recommande aux universités de recréer un « sentiment de responsabilité partagée » à l’égard des activités de recrutement dans tout le secteur de l’éducation postsecondaire.