Le récent budget fédéral suscite une grande inquiétude au sein de la communauté canadienne des chercheurs universitaires, bon nombre d’entre eux mettant en garde que l’insuffisance du financement et le resserrement de la surveillance exercée par le gouvernement rendront encore plus difficile pour le Canada d’attirer et de retenir des chercheurs d’élite.
Alors que le ministre des Finances Jim Flaherty met en valeur les mesures de relance économique de son budget, qui établit sur deux ans un nouveau fonds de 2 milliards de dollars de modernisation de l’infrastructure des universités et des collèges, le directeur général de l’ACPPU, James Turk, a pour sa part bien du mal à comprendre pourquoi le budget n’accorde aucun financement accru aux trois organismes subventionnaires de la recherche du Canada.
« Il n’y a probablement pas de meilleure avenue à long terme pour l’économie et pour le bien-être des Canadiens que d’investir dans les gens et les idées », affirme M. Turk. « C’est pourquoi il est si déconcertant de voir que les trois conseils subventionnaires subiront une réduction de leur financement. »
Le budget mentionne discrètement, observe-t-il, que le gouvernement a recensé, à partir des examens stratégiques des programmes de subvention, les économies découlant des chevauchements et du double emploi, économies qui entraîneront une baisse des budgets
des conseils de près de 148 millions de dollars au cours des trois prochaines années.
De ces économies, la somme de 87,5 millions de dollars sera remise aux organismes subventionnaires non pas pour la recherche mais pour bonifier temporairement le Programme de bourses d’études supérieures. Le reste sera consacré au financement de l’infrastructure et à la rénovation des installations de recherche dans l’Arctique.
« Aux États-Unis, le gouvernement Obama, reconnaissant que l’investissement dans la recherche contribue au renouveau économique plutôt que de creuser le déficit tant national que mondial, propose dans ses mesures de relance près de 7 milliards de dollars en argent frais pour soutenir la recherche universitaire », indique M. Turk. « Parce que notre gouvernement n’a pas pris la décision d’appuyer les projets de recherche-développement, le Canada risque davantage de perdre certains de ses meilleurs chercheurs. »
Le gouvernement subordonne également le financement de la recherche à de nouvelles conditions. Ainsi, les bourses offertes temporairement par le CRSH doivent être axées sur les programmes d’études supérieures liés au commerce. De même, la Fondation canadienne pour l’innovation, qui recevra 150 millions de dollars au cours du présent exercice et jusqu’à 600 millions de dollars au cours des exercices futurs, sera tenue d’élaborer un nouveau plan stratégique de concert avec le ministère de l’Industrie, et tous les projets futurs financés par la fondation seront déterminés en fonction des priorités définies par le ministre.
« Ce sont là des mesures très inquiétantes qui risquent de politiser la recherche universitaire », soutient M. Turk. « Les décisions de financement devraient être évaluées selon leur bien-fondé et prises par le milieu de la recherche, non pas par les politiciens. »
Le budget accorde également 50 millions de dollars à l’Institut d’informatique quantique établi sur le campus de l’Université de Waterloo et 100 millions de dollars sur trois ans à l’Agence spatiale canadienne.
Les 2 milliards de dollars prévus dans le budget pour les infrastructures doivent permettre de « procéder à des réparations, des rénovations et des agrandissements dans les installations des établissements postsecondaires ». Les fonds réservés à ces projets seront gérés par Industrie Canada, la préférence devant aller aux projets qui peuvent améliorer la qualité des activités de recherche-développement dans les universités et renforcer la capacité des collèges à offrir des programmes de formation axée sur les compétences.
La présidente de l’ACPPU, Penni Stewart, s’inquiète des sérieuses failles dans le programme car, pour recevoir l’investissement annoncé, les établissements d’enseignement devront recueillir au moins la moitié du financement auprès d’autres sources.
« Les gouvernements provinciaux sont confrontés à de sévères contraintes financières et, avec le ralentissement économique actuel, obtenir l’appui du secteur privé sera tout un défi pour les
universités et les collèges », fait valoir Mme Stewart. « En somme, il n’y a rien qui garantit que cet argent sera véritablement dépensé. »
Selon elle, le budget n’a pas tenu compte des besoins les plus pressants du secteur de l’éducation postsecondaire : entre autres, les transferts aux provinces pour que celles-ci puissent procurer aux universités et aux collèges un financement d’exploitation de base; un financement accru de la recherche universitaire; et une contribution à l’aide financière aux étudiants.
« Dans l’ensemble, ajoute Mme Stewart, le budget ne stimulera pas véritablement l’économie canadienne, il viendra peu en aide aux personnes les plus vulnérables et il ne réussira pas à
satisfaire les besoins du secteur crucial qu’est l’éducation postsecondaire au Canada. »