Si l’issue du sommet sur les changements climatiques qui s’est tenu à Copenhague en décembre dernier a suscité la déception générale au sein de la communauté internationale, elle a imposé en plus à la population canadienne un sentiment de honte face au rôle que le gouvernement de notre pays y a joué pour compromettre la conclusion d’un accord satisfaisant. Malgré l’absence de tout consensus, la conférence s’est néanmoins terminée sur un rappel de l’urgence de tenir compte des manifestations de plus en plus nombreuses de la dévastation environnementale causée par le changement climatique.
Les membres du corps professoral contribuent de façon cruciale à promouvoir la prise de conscience environnementale au travers de l’enseignement et des travaux de recherche. En dépit du manque de fonds et des tentatives faites par le gouvernement conservateur pour intervenir dans l’orientation de la recherche, le pays n’est certainement pas à court de programmes de recherche environnementale novateurs. Par le biais de déclarations publiques internationales, certains recteurs d’université et directeurs de collège se sont engagés au nom de leurs établissements à réduire les émissions de carbone produites par ces derniers. C’est maintenant au tour des associations de personnel académique de s’attaquer aux défis environnementaux auxquels font face leurs établissements.
Nos lieux de travail font partie du problème. Des centaines de milliers de personnes font la navette tous les jours pour se rendre à l’université ou au collège. Elles mangent, dorment, travaillent et étudient dans des installations éclairées et chauffées ou climatisées (qu’elles soient utilisées ou non), aménagées sur d’immenses terrains équipés de parcs de stationnement et de voies d’accès, le tout nécessitant un entretien régulier et générant des tonnes de déchets éliminés par les services d’alimentation et de résidence.
Dans le document
Climate change a trade union responsibility in higher education (Le changement climatique : la responsabilité des syndicats du secteur de l’enseignement supérieur) qu’ils ont présenté en 2007 lors d’une conférence organisée par l’Internationale de l’Éducation (IE), Brian Everett et Rob Copeland du syndicat britannique University & College Union appellent les universitaires à prendre des mesures pour contrer les changements climatiques tant dans le cadre de leurs fonctions professionnelles que syndicales. L’intégration de la question environnementale dans le curriculum n’est qu’une étape. Les auteurs du document soulignent que notre calendrier d’enseignement n’est pas écologique. Au Canada et dans les pays nordiques en général, l’été est depuis toujours le temps de l’année privilégié pour la recherche chez le personnel académique et pour le travail chez les étudiants.
Si la plupart des établissements offrent certains cours pendant l’été, les bâtiments des campus, même les plus actifs, sont à moitié vides durant cette saison mais sont quand même climatisés et éclairés. Écologiquement, il peut sembler plus logique d’utiliser davantage les bâtiments en été et moins en hiver lorsque les besoins en chauffage et en éclairage atteignent leur maximum.
Bon nombre d’entre nous doivent parcourir de longues distances pour se rendre au travail, et nos établissements consacrent d’immenses surfaces des campus au stationnement des automobiles. Mais celles-ci ne sont pas seules à engendrer une empreinte carbone. Mon lieu de travail est une énorme station de transport en commun par laquelle transitent quotidiennement des centaines d’autobus. Diverses solutions innovatrices pourraient être envisagées à cet égard, entre autres, encourager les membres du personnel académique à travailler plus souvent à la maison et contribuer à faciliter le passage vers le télétravail. Des logements sur le campus, des prêts-subventions servant à constituer un versement initial ou d’autres programmes d’aide hypothécaire ou d’aide au logement sont autant de mesures qui pourraient, dans certaines localités, inciter le personnel académique à habiter plus près de leur lieu de travail.
Il y a bien sûr des compromis inévitables à faire entre les préoccupations environnementales et autres. Pour les établissements à court de fonds, le recrutement d’un plus grand nombre d’étudiants étrangers est l’un des moyens d’atténuer leurs difficultés financières, mais l’empreinte écologique des déplacements effectués par ces étudiants est énorme. Everett et Copeland font valoir qu’il serait plus écologique, voire plus politiquement rationnel, de construire des établissements d’enseignement dans les pays d’origine des étudiants.
Les déplacements en vue de faire de la recherche et d’assister à des conférences, qui sont inhérents aux activités professionnelles des universitaires, posent un autre dilemme. Dans ces cas, les nouvelles technologies de communications telles que les conférences peuvent offrir des solutions. Il serait également logique de réduire la périodicité des conférences.
Nos partenaires au sein de l’Organisation internationale du Travail et de l’Internationale de l’Éducation ont invité les syndicats de tous les secteurs d’activité à faire du changement climatique une question prioritaire. L’IE appelle tous ses membres non seulement à « réclamer des actions internationales urgentes » mais aussi à trouver des moyens de négocier avec leurs employeurs des réductions d’émissions.
Le syndicat britannique UCU a relevé le défi dès 2007 en créant un réseau environnemental doté d’au moins un représentant à chacune des antennes membres. L’idée était de commencer par établir un réseau de petite envergure à l’échelle locale et de l’étendre progressivement à toutes les régions. Une première étape cruciale a été de former les représentants pour qu’ils puissent devenir en mesure de conseiller les comités de négociation et les comités mixtes syndicaux-patronaux au sujet des émissions de carbone et des autres questions environnementales.
Ces premières étapes ont porté leurs fruits. Il en est résulté notamment le projet inédit
Solidarité climatique que plusieurs syndicats ont lancé pour mobiliser à grande échelle les militants du changement climatique à partir de campagnes de recrutement locales. L’automne dernier, l’UCU a couronné ces efforts par la tenue d’une conférence sur la solidarité climatique.
Ce qui est particulièrement intéressant dans le modèle de mobilisation de l’UCU, c’est le fait que la stratégie déployée s’appuie sur les réseaux en place de représentants en matière de santé et de sécurité. Au Canada, nous pourrions à la base recourir aux comités de santé et de sécurité ou bien aux réseaux de délégués syndicaux. La mobilisation autour des questions environnementales est susceptible de devenir une source de dynamisation importante pour nos associations.
Face à l’urgence du changement climatique, nous ne pouvons plus nous en remettre aux organismes « spécialisés » et aux divers paliers de gouvernement pour répondre à nos préoccupations environnementales. Chaque établissement doit être mobilisé. En tant que membres du personnel académique, nous devons nous assurer que nos associations jouent un rôle décisif à cet égard en aidant la population de nos campus à vivre de manière à assurer la durabilité de notre milieu et en trouvant des solutions aux problèmes que posent l’environnement et les changements climati-ques. La négociation collective demeure notre principal moyen de défendre ce rôle, tout comme notre capacité à envisager les questions relatives au changement climatique qui devront être soumises à la négociation. Nos associations doivent aussi mesurer l’impact de leur mode de fonctionnement sur l’environnement.
Finalement, comme nous le rappellent Everett et Copeland, les associations doivent veiller à la protection des droits et de la liberté académique des membres qui peuvent faire l’objet de représailles pour avoir dénoncé des pratiques environnementales inacceptables de la part de leurs employeurs.