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CAUT Bulletin Archives
1996-2016

November 2010

Enquête : Waterloo et Laurier prises en défaut

Le licenciement du directeur de l’école Balsillie, Ramesh Thakur, résulte d’un sérieux manque de jugement de la part des universités et d’un grave manquement à leur engagement vis-à-vis de l’autonomie institutionnelle et de l’intégrité académique. [Photo :  Mathew McCarthy / Waterloo Region Record]
Le licenciement du directeur de l’école Balsillie, Ramesh Thakur, résulte d’un sérieux manque de jugement de la part des universités et d’un grave manquement à leur engagement vis-à-vis de l’autonomie institutionnelle et de l’intégrité académique. [Photo : Mathew McCarthy / Waterloo Region Record]
Un comité d’enquête a conclu que le directeur de la Balsillie School of International Affairs avait été licencié injustement par l’Université de Waterloo et l’Université Wilfrid-Laurier pour s’être élevé contre les pressions indues exercées par le principal partenaire privé de l’école, le Centre pour l’innovation dans la gouvernance internatio­nale (CIGI).

L’enquête, commandée par l’ACPPU et me­née par l’éminent professeur Len Findlay de l’Université de la Saskatchewan, a révélé que le licenciement du professeur Ramesh Thakur en mai dernier résultait d’« un séri­eux man­que de jugement » de la part des deux universités et « d’un grave manquement à leur engagement vis-à-vis de l’auto­no­mie in­stitutionnelle, de l’intégrité académique, de la procédure équitable et de la justice naturelle ».

L’institut universitaire Balsillie, qui offre des programmes d’études supérieures en association avec Waterloo et Wilfrid-Laurier, a été créé en vertu d’un partenariat entre les deux universités et le CIGI — le centre d’études de recherches privé du magnat du BlackBerry, Jim Balsillie.

En 2007, ce dernier s’est engagé à verser 33 millions de dollars aux deux universités et au centre de gouvernance dans le cadre d’un projet de collaboration qui a donné naissance à l’école Balsillie. Une clause de l’entente pré­voyait qu’il serait loisible au CIGI de décider de ne pas participer à un projet de collaboration pendant les dix années de la durée de l’entente conclue avec le donateur. Le centre pourrait également mettre fin à l’entente après dix ans s’il se trouvait en désaccord avec les travaux des deux universités.

Le professeur Thakur, universitaire de réputation internationale et ancien vice-recteur principal de l’Université des Nations Unies à Tokyo et secrétaire général adjoint des Nations Unies, a été nommé en septembre 2008 le tout premier directeur de l’école Balsillie pour un mandat de deux ans.

Au début de 2009, il a accepté l’offre de prolongation de trois ans de son contrat jusqu’en août 2013.

Les difficultés se sont posées plus tard en 2009 lorsque le CIGI a voulu avoir voix au chapitre dans toutes les discussions des affaires académiques de l’école, pour en surveiller non seulement les répercussions financières mais aussi leur compatibilité avec les thèmes du mandat du CIGI. Après avoir man­ifesté son opposition à de telles vi­sées qui, selon lui, portaient atteinte à l’autonomie institutionnelle, à la liberté intellectu­elle et à l’intégrité académique, M. Thakur a été démis de son poste de directeur quelques mois plus tard.

« Le professeur Thakur a été trai­té injustement (car) il avait indéniablement le droit de s’attendre à rece­voir l’appui des recteurs des universités de Waterloo et Wilfrid-Laurier (…) lorsqu’il a tiré le signal d’alarme sur les propositions du CIGI », écrit M. Findlay dans son rapport (anglais seulement). « Dès lors que sa liberté académique reposait sur les garan­ties inhérentes à l’autonomie institutionnelle, elle s’est trouvée de plus en plus exposée aux menaces de l’extérieur et à une complicité à l’interne. »

Pour le professeur Thakur, note le rapport, il appartenait avant tout à l’école de s’assurer que les donateurs, si généreux puissent-ils être, ne dépassent pas la limite séparant le soutien financier du contrôle académique. Autrement, soutenait-il, la diminution conséquente de l’autonomie de l’établissement risque de se répercuter de façon similaire sur sa crédibilité, surtout dans les domaines où l’« excellence globale » est l’objectif visé, comme c’est le cas à l’école Balsillie.

Le rapport d’enquête engage l’Université de Waterloo, l’Université Wilfrid-Laurier et le CIGI à présenter des excuses publiques à M. Thakur pour l’avoir licencié injustement, et demande que la structure de gouvernance de l’école soit modifiée de sorte que les universités puissent exercer un contrôle indépendant sur les affaires académiques de l’école.

D’autre part, il est recommandé aux deux établissements d’éta­blir des lignes directrices claires et exhaustives qui régissent les liens avec les donateurs actuels ou éventuels ainsi que la mise en oeuvre d’autres initiatives de collaboration telles que l’école Bal­sillie, de manière à préserver l’autonomie et l’inté­grité académi­ques de tous les instituts, centres ou écoles associés aux universités.

« La réputation des universités de Waterloo et Wilfrid-Laurier et de l’école Balsillie a été sérieusement ternie par suite du licencie­ment injuste du professeur Thakur », a déclaré le directeur général de l’ACPPU, James Turk. « Mais la chance leur est donnée de se racheter en acceptant les recomman­dations du rapport d’enquête et en faisant en sorte qu’une situation de ce genre ne puisse jamais se reproduire. »

L’Australian National University a offert à M. Thakur un poste de professeur principal qu’il occupe­ra à partir de la prochaine année universitaire.