Une grève est toujours émotivement épuisante. Cela est vrai partout, en toute circonstance. À l'université Trent toutefois, où les professeurs étaient en grève, les sentiments étaient à vif.
Le climat qui régnait à l'Université Trent était celui d'une collectivité minée par l'attitude de l'administration. Après des années d'efforts pour obtenir un budget qui accorde autant d'importance à l'enseignement qu'à la recherche et pour maintenir l'excellente qualité du corps professoral et des programmes, nos collègues de Trent ont fait face à une administration dont la prise de décision n'est pas transparente ou dont la priorité n'est pas la qualité.
Ce n'est jamais bon pour le moral que d'affronter une administration mesquine et peu communicative. C'est encore pire lorsque cela se produit cinq ans après une expérience semblable, qui remonte au début des années 1990.
Les universités, d'ailleurs, ne sont-elles pas le foyer de la raison, de l'évidence et de l'argumentation serrée. Nous les considérons comme des communautés où les émotions politiques sont d'une autre espèce. Les enseignants, les étudiants, les membres du personnel et les administrateurs prennent des décisions et accordent leur vie de tous les jours en fonction de la transparence, de l'équité et du respect d'autrui.
C'est ce qui se passe, en théorie. Comment peut-on expliquer, alors, que les choses aient si mal tourné à l'Université Trent, seulement cinq ans après la dernière grève?
Comme la plupart des lecteurs du Bulletin, j'ai déjà une bonne idée des raisons qui sous-tendent cette crise. (On traite justement dans ces pages de ces raisons.) Je me souviens, cependant, d'une époque où les choses se passaient différemment. Je fais référence aux grèves et aux bouleversements sociaux de la fin des années 1969 et du début des années 1970.
Je me souviens, entre autres, d'une grève de la fonction publique au centre-ville de Toronto. L'administration est venue s'adresser aux dirigeants syndicaux pour leur confier qu'elle était aussi perplexe que les travailleurs devant la rapidité du changement économique et social. À la table de négociation, les administrateurs avaient une main de fer mais ils étaient prêts à expliquer leur vision de l'entreprise et à revoir cette vision dans le cadre des négociations. J'aimerais pouvoir ajouter que la grève de 1970, tout comme d'autres grèves au Royaume-Uni, en France, aux États-Unis et ailleurs, s'est terminée dans l'harmonie, les travailleurs et le patronat déposant des roses sur le bureau de leur adversaire. Cela ne s'est pas produit mais les deux parties ont conclu une convention collective qu'elles ont respectée.
Il n'y aura pas de roses à l'Université Trent non plus.
En déclarant qu'elle n'accorderait pas aux professeurs le traitement moyen en vigueur en Ontario, l'administration de l'université est revenue sur une entente conclue il y a cinq ans. En refusant d'expliquer sa position sur la question des effectifs enseignants et de la proportionalité du budget, l'administration a laissé entendre qu'elle était prête à augmenter le nombre d'étudiants par classe, à embaucher plus de personnel à temps partiel et plus de chargés de cours et à modifier le tissu universitaire.
En tentant à plusieurs reprises de s'approprier le surplus de la caisse de retraite de ses professeurs, l'administration a montré du mépris face aux normes habituelles de la collectivité et à l'honnêteté du milieu universitaire.
Les personnes qui forment le noyau de l'administration, soit le recteur, les comités centraux du conseil d'administration, sont demeurées invisibles. Un collègue de l'Université Trent a comparé le comportement d'un cadre supérieur à Casper le fantôme.
Voilà le comportement typique d'une administration gestionnariste et directoriale. En voulant garder le silence sur sa vision de l'université, l'administration a laissé entendre qu'elle était plus préoccupée par l'argent, l'efficacité et les indicateurs de rendement que par la collectivité de Trent.
Bien entendu, nous sommes extrêmement soulagées que la grève soit terminée. Nos collègues de Trent et leurs dirigeants ont traversé cette épreuve sans perdre leur détermination à offrir un enseignement public de grande qualité et en conservant leur engagement envers chacun.
La grève portait sur la qualité de l'éducation et sur la manière dont le pouvoir est utilisé dans le milieu universitaire. L'administration de l'université doit prouver de manière tangible qu'elle peut respecter ses promesses, qu'elle accepte avec plaisir l'obligation de transparence et d'équité procédurale et qu'elle tient aussi passionnément que les professeurs à la collectivité de Trent. Après deux semaines de piquetage, nous savons quelle est la position de nos collègues.