Il y a cinq ans, par un matin d’été, l’association des professeurs de l’Université de Colombie-Britannique recevait la visite de l’agent syndical de l’une des sections locales du Syndicat canadien de la fonction publique du campus. D’une humeur massacrante, il venait d’apprendre que l’administration prévoyait construire un collège résidentiels pour les étudiants asiatiques des 2e et 3e cycles titulaires d’un visa.
Au début, nous pensions que le collège résidentiel St. John’s, comme il devait s’appeler, allait offrir des programmes universitaires en études internationales et qu’il exercerait une certaine forme de discrimination en n’acceptant pas d’étudiants nés au Canada.
Nous nous sommes trompés sur ces deux points. Nous avons envoyé une employée de l’association au bureau du recteur David Strangway pour y mener une petite enquête. Elle est revenue avec une grande enveloppe vierge qui contenait une très belle brochure sur le collège St. John’s.
La brochure était illustrée de dessins de la mer et des montagnes. Le texte parlait d’un groupe de riches hommes d’affaires asiatiques qui proposaient, pour l’Université de la Colombie-Britannique, une version du collège St. John’s de Shanghai, un établissement qui a disparu après la révolution chinoise de 1949.
Entre temps, l’association des professeurs avait essayé de convaincre l’administration, de 1990 à 1993, de lui louer un terrain afin d’y construire une résidence pour les professeurs. Bien que nous étions disposés à payer le bon prix, l’administration a refusé notre demande au profit de logements du marché privés. Sur le campus. À notre avis, si nous ne pouvions obtenir un terrain de l’université, personne d’autre ne le pouvait non plus sans une consultation et des discussions à l’échelle de l’université.
Comme nous nous trompions! Or, nous sommes maintenant en 1997 et la construction du nouveau collège asiatique est fort avancée. Le problème du terrain pour le collège a été réglé comme par magie. Le conseil d’administration a approuvé la construction du collège lors de discussions tenues en privé. On a bien mentionné à l’occasion la question du collège aux réunions du conseil d’université, mais rien de soutenu. En fin de compte, le projet résidentiel s’adressait à la fois aux étudiants canadiens et asiatiques et ses programmes d’études étaient préparatoires au travail fait dans les départements et campus officiels.
À l’instar de nombreux membres de la communauté de l’Université de Colombie-Britannique, je pense que l’idée du collège St. John’s est bonne. Cependant, comme la plupart de mes collègues, et l’exécutif actuel de l’association, j’ai été étonné par la facilité avec laquelle les riches disciples de St. John’s ont eu accès au bureau du recteur de l’université.
Tout a commencé par de discrètes visites à David Strangway, le recteur de l’époque. Le reste s’est passé dans le bureau du développement, dans le bureau de la planification, dans les procès-verbaux confidentiels du sous-comité du conseil d’administration sur la gestion des immeubles. L’université n’est plus la même. Le conseil d’administration a été affaibli par une administration intéressée par les marchés et les produits, par une administration incapable d’offrir une vision convaincante du programme d’études du 1er cycle. Les installations «physiques» sont en bon état si elles ont bénéficié de dons directs de riches particuliers. Les classes «ordinaires», cependant, se détériorent lentement.
Depuis trois ans au moins, le scénario de l’Université de Colombie-Britannique s’est répété à d’autres campus. À l’Université York, par exemple, l’université offre désormais aux donateurs la possibilité de donner leur nom à un cours et non plus uniquement à des édifices ou à des chaires.
À Toronto ce mois-ci, l’inévitable politiquement s’est finalement produit. On a appris que deux donateurs avaient peut-être franchi la frontière invisible et avaient acquis un certain contrôle sur les programmes ou les carrières universitaires (les affaires Rotman et Nortel). Eux aussi, Ils ont rendu visite au recteur, dans l’intimité de son bureau (le bureau de Rob Prichard dans le cas qui nous occupe). Ils en sont sortis un peu plus pauvre mais plus influents dans la vie interne de l’université.
Les universités ont toujours accepté l’argent de particuliers, et ont parfois réussi. Toutefois, les universités dignes de ce nom ne dépendent pas de donateurs. Leur autonomie est leur richesse.
Il est un peu amusant d’opposer les entourloupettes de MM. Prichard et Strangway aux politiques de l’ACPPU sur la direction universitaire, la transparence et le financement public de l’enseignement supérieur. Pouvons-nous tous vivre sur la même planète? Bien entendu, nous vivons sur la même planète. Il est donc temps pour nous de faire comprendre à Rob et à Dave que l’intimité de leur bureau n’est pas le meilleur endroit pour conclure des affaires concernant l’université.