Faire une grève exige de l’énergie, du temps, de la bonne volonté et un solide leadership. Nos collègues de l'Université York ont prouvé qu'ils possédaient en quantité de l’énergie, du temps, de la bonne volonté et un solide leadership après avoir vécu la plus longue grève de l’histoire des universités canadiennes-anglaises.
Je n’oublierai pas de si tôt les heures et les journées passées avec les membres de la YUFA sur les lignes de piquetage par un temps froid et venteux, et parfois dans des circonstances dangereuses. Les conversations, la marche, les chansons, les manifestations et les arguments âpres étaient des signes d’une collectivité forte dans une grande université.
Dans tout le Canada, les gouvernements provinciaux et les administrateurs universitaires surveillaient chaque geste de la YUFA. La grève de l'Université York est considérée comme un précédent au Canada et en Ontario non seulement pour des questions fondamentales comme la rémunération, le régime de retraite, la taille des classes et les changements technologiques. Elle est aussi considérée comme un précédent pour deux grandes questions que nous, de l’extérieur, avons reconnu seulement à mesure que la grève s’étirait.
Vers la fin de la grève, j’ai pris la parole devant les membres de l’association venus massivement à une assemblée. Juste avant l’assemblée, comme pour toutes les réunions de la YUFA auxquelles j'ai assisté pendant la grève, une centaine de membres se sont réunis officieusement.
On a fait valoir à cette réunion que les revendications syndicales ne se limitaient pas seulement à la rémunération, à un régime de retraite équitable et à l’amélioration des conditions de travail (surtout des classes de taille raisonnable). Ces revendications étaient bien sûr importantes mais elles soulevaient aussi la question de l’équité. Il est en effet devenu évident que ni la rémunération des professeurs de York ni les prestations de retraite n'étaient équitables.
Bien que le système soit plus juste maintenant qu’il ne l’était avant la grève, il reste encore des progrès à faire avant que l'université devienne équitable à tous points de vue. Il en va de même pour toutes nos universités et nous pouvons remercier York de nous avoir montré comment on pouvait réfléchir de manière critique et constructive sur toute cette question.
Durant les derniers jours de la grève, un autre groupe informel s'est réuni pour discuter de la direction de l’université et de la manière de la modifier après la grève. Ces collègues appuyaient toujours aussi vigoureusement la grève, il n'y avait aucun doute là-dessus. Ils comprenaient les différends entre le syndicat et l’administration. Toutefois, ils prenaient aussi du recul et pensaient à l’avenir, se demandant comment ils pourraient réduire la probabilité d'une autre grève de ce genre.
Leur principal argument était simplement que la direction de l’université s’était éloignée du corps professoral. Il était maintenant possible de déclarer à York que la taille des classes et la qualité de l’enseignement n'étaient pas reliées, que les décisions budgétaires n'avaient rien à voir avec les décisions pédagogiques, que la participation du secteur privé était nécessaire et inévitable, et que la prise de décision centralisée et directive avait commencé à brouiller les différences entre la commodité administrative et financière et la nécessité universitaire.
Le groupe estime que sa solution, dont la mise en oeuvre risque de prendre du temps, est de loin préférable à une direction par décrets suivis de grèves.
La première étape consistera à récupérer la place du corps professoral au sein du conseil d’université, dans les limites prescrites par la loi. Il faudra ensuite redonner au conseil d'université la grande force politique et administrative qu'il mérite. L'équipe de la YUFA membre du conseil d’université a d’ailleurs joué un rôle de premier plan pendant la grève en veillant sans cesse à parer l’attitude unilatérale de l’administration. Si le conseil d’université a pu contribuer à atténuer la grève, voire à y mettre fin, il pourrait certainement devenir un agent de changement plus profond.
Le groupe de discussion sur la direction a conclu que les étudiants, le public et les professeurs de York devraient désormais se pencher sur la «culture» interne qui permet difficilement à des personnes d'intervenir aux comités, aux conseils de faculté et au conseil d'université. Ils devraient rendre transparent et participatif le comité des nominations du conseil d'université. Ils devraient surveiller le conseil d’administration et envisager la tenue de symposiums à l’échelle de l'université sur la culture et les normes de l’établissement. (Comment en sommes-nous arrivés à permettre d'accoler à des cours le nom d'entreprises privées sans en avoir discuté sérieusement au préalable?)
Cette grève a en effet porté sur les politiques et les pratiques dangereuses qui nous menacent tous dans chaque université du Canada. Elle a porté aussi sur l’équité et la direction. La grève de l’Université York a été et est un appel à l’action, un genre d’action que l'on voit trop peu souvent. Disons bravo au courage et à la détermination de nos collègues de York! Il nous incombe maintenant de reprendre nos universités.