Les universités n'ont jamais été totalement libres ni entièrement autonomes. Vers la fin du Moyen-Âge et au début de la Réforme, les universités étaient sur leur garde, craignant l'intervention des rois et des papes. Même au début du dix-neuvième siècle, alors que les universités s'engageaient publiquement pour la recherche de pointe à l'appui de l'enseignement supérieur, les universités européennes et nord-américaines savaient que l'État réagirait à leurs choix pédagogiques «radicaux», si elles en faisaient.
Des tensions créatrices, parfois vives sinon violentes, ont toujours existé entre les universités et les autorités externes cherchant à contrôler l'enseignement et la recherche. Au treizième siècle, ces tensions ont engendré de longues grèves (dont l'une à l'Université de Paris qui a duré près de dix ans) ou ont donné lieu à des poursuites judiciaires encore plus longues.
Avec l'évolution des nombreuses institutions démocratiques en cette fin de siècle, les nouvelles tensions créatrices opposeront désormais les universités et les diverses interprétations de l'intérêt démocratique.
La population comprend maintenant qu'une université a besoin de liberté. Elle accepte qu'une université soit définie par la liberté de ses professeurs et chercheurs, en particulier par la liberté d'apporter des résultats de recherche dans la salle de cours. Avec la garantie de la permanence, les professeurs d'université n'ont plus à craindre d'enseigner au risque d'une enquête disciplinaire.
La liberté et l'autonomie universitaires assurent à nos universités la capacité d'offrir ce qu'elles ont de mieux et leur évitent d'être les porte-paroles médiocres des bureaucrates ou des investisseurs recherchant leur avantage personnel.
Pourquoi les choses ont-elles si mal été alors en Colombie-Britannique? Comment et pourquoi une assemblée législative a-t-elle pu créé une «université publique», la Technical University of British Columbia, dont les objectifs sont explicitement liés à un développement économique étroit et définis par le gouvernement par l'entremise d'un conseil qu'il a nommé? Pourquoi le gouvernement a-t-il annoncé qu'il n'y aurait pas de permanence ou de liberté universitaire assurée dans le nouvel établissement? Qu'est-ce qui lui fait croire qu'on peut avoir une université sans conseil d'université ou l'équivalent, sans tribune assurée pour les débats francs et critiques sur l'enseignement et la recherche?
En créant, la Tech BC - vous remarquerez que je ne dis pas «université» - le gouvernement s'est écarté de la direction universitaire transparente, participative et responsable. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a jeté du revers de la main les leçons apprises depuis cent ans, période au cours de laquelle notre société a appris que la responsabilité nécessitait un débat franc et libre. Il a abandonné les leçons tirées de la période de l'après-guerre, lorsque la population canadienne et la collectivité universitaire ont obtenu un nouveau consensus sur l'importance d'avoir une direction universitaire participative et équitable au sein de conseils d'université convenablement constitués.
En Colombie-Britannique, les universités sont encore sur leur garde, comme dans les mauvaises années. Sauf que cette fois, nous ne nous inquiétons pas des «visiteur» et des «légats». Nous devons traiter plutôt avec de hauts fonctionnaires et de vagues membres du monde des affaires et des syndicats. Les fonctionnaires voudraient lier les deniers publics aux indicateurs de rendement qu'ils définissent, prenant ainsi le contrôle du programme d'études et de la recherche pour améliorer les «chiffres». Dans l'intervalle, le milieu des affaires et les syndicats voudraient que les universités, sans esprit critique, fassent ce qu'ils appellent le nécessaire pour créer des emplois, stimuler l'activité industrielle par la recherche appliquée, ou former et recycler des gens «prêts au travail».
Que ce soit les indicateurs de rendement ou la recherche axée sur l'économie, l'idée est de réduire, voire d'éliminer, la liberté de l'université de choisir. L'idée est de «restructurer» l'enseignement postsecondaire pour qu'il suive l'évolution de l'économie. Cela ne sera pas et ne peut pas être une question de choix : nous serons des suiveurs et non des chefs de file.
Cependant, pour que la recherche s'épanouisse, elle doit être libre. Pour que la recherche produise des connaissances fiables et importantes, elle doit jouir de la condition de la liberté universitaire. Pour que le Canada réalise la meilleure recherche en sciences humaines, en sciences sociales et en sciences naturelles, il faut qu'elle soit communiquée librement et immédiatement dans les salles de cours et par la publication. Pour que nous universités figurent parmi les meil-leures au monde, notre enseignement doit être dispensé librement par d'innombrables tributaires du savoir et de la recherche.
La Tech BC ne satisfait à aucune de ces conditions. Nous nous opposons à la loi et à la politique du gouvernement qui a créé la Tech BC. Nous espérons un jours accueillir la Tech BC au sein de la collectivité universitaire canadienne, lorsqu'elle se sera jointe à la collectivité plus large du débat libre, informé et critique.