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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

octobre 1997

La rationalisation des universités en Nouvelle-Écosse : la recette d'un désastre

Vers la fin des années 1980 et le début des années 1990, le gouvernement de Nouvelle-Écosse parlait avant tout de compressions budgétaires. Il n'était pas question alors de «contrôle de la qualité». Toutefois, face à une réduction des paiements de transfert, le gouvernement a prétendu qu'il n'avait pas beaucoup le choix. Pour que la santé et l'éducation survivent en tant que services publics, il fallait soit augmenter les impôts, soit réduire le financement, ou les deux.

Il a choisi les compressions.

Puis, le ton a changé. Tour à tour, les gouvernements Cameron et Savage ont décidé qu'ils savaient mieux que personne ce qu'il fallait faire. Le moment était donc venu de redéfinir les services de santé, de revoir les programmes sociaux et de rationaliser les universités.

À partir de ce moment, l'histoire de la «rationalisation» en Nouvelle-Écosse illustre une vérité fondamentale de l'analyse de la gestion publique. Si vous êtes un gouvernement préoccupé plus par la comptabilité que par les vraies questions comme la santé, les services sociaux et l'éducation, et si vous être pressé, vous prenez alors des décisions dont les conséquences sont involontaires, inattendues et, parfois, désastreuses.

Depuis dix ans, le gouvernement provincial et le Nova Scotia Council on Higher Education ont écrit un nouveau chapitre sur l'histoire du «Ministère des conséquences involontaires», un chapitre long et coloré sur le formidable désir du gouvernement de passer brusquement des compressions au contrôle.

Les conséquences? En 1997, tout le secteur public de la Nouvelle-Écosse laisse derrière lui cinq ans de gel et de compressions salariales. L'aspect financier n'est pas le seul qui importe : le secteur public négociera ferme pour rétablir les services publics de la santé, des programmes sociaux et de l'éducation à des niveaux suffisants. Il faudra rédiger et concevoir de nouveau des centaines de contrats. Les différends seront peut-être intenses et les négociations, difficiles. Pourtant, le gouvernement dispose des services d'une demi-douzaines seulement d'agents de conciliation! Nous ajoutons ces faits au «chapitre des Conséquences involontaires».

Pendant ce temps, à mesure que les compressions augmentaient, les droits de scolarité des universités de la province grimpaient. Ils sont d'ailleurs toujours en hausse. Trop d'étudiants se trouvent à travailler à temps plein tout en essayant de terminer un programme d'études à temps plein. Est-ce bien là l'idée de hausser la qualité de l'enseignement supérieur en Nouvelle-Écosse? Les électeurs ne s'y sont pas trompés et la popularité du gouvernement a chuté constamment pendant tout l'exercice de rationalisation et de compressions. Ajoutons-en encore à ce «chapitre».

L'ensemble des compressions a engendré d'inconvenantes querelles entre les recteurs d'université. (Est-ce aussi une conséquence involontaire? Car, pendant que les recteurs se chamaillent entre eux, ils ne peuvent pas s'en prendre au gouvernement évidemment.)

L'exercice de rationalisation en éducation, en informatique et en administration a entraîné de nouveaux coûts pour le trésor public : de l'équipement en éducation pour des programmes qui ont augmenté massivement et de façon inattendue, des bureaux supplémentaires pour les professeurs mutés, sans oublier le coût des programmes d'incitation à la retraite anticipée pour d'autres professeurs et les innombrables heures consacrées aux exercices bureaucratiques.

Au-delà de l'aspect financier cependant, la rationalisation et les gels de salaires ont provoqué une crise de direction. Avec ses mesures, le gouvernement n'a pas tenu compte des conseils d'université et a manoeuvré les conseils d'administration.

Les étudiants et leur famille ont tiré très peu d'avantages, sinon rien du tout, de ces dix ans de compressions, de contrôle et de rationalisation. Il en a résulté une direction universitaire affaiblie, une participation diminuée des professeurs et des chercheurs à la prise de décision, une autorité de moins en moins comptable dans les universités et l'accès réduit à l'enseignement supérieur.

Tout au long de cet exercice, les associations et les syndicats des professeurs ont été leurs premiers et leurs dernières défenseurs. Le professeur type espère le jour où l'on rétablira le financement à un niveau suffisant et où la direction autonome des universités sera de nouveau forte. Dans l'intervalle, cependant, la négociation de garanties justes pour les droits individuels et collectifs incombera à nos associations et à nos syndicats.

Parmi l'une de toutes ces conséquences inattendues, le gouvernement de Nouvelle-Écosse a réussi à prouver comment la liberté universitaire et la négociation collective sont bien liées, ce que peu d'entre nous pourrait faire.