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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

octobre 1997

Rationalisation des universités de la Nouvelle-Écosse

Lors d'une conférence de presse donnée le 29 août dernier, l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université a rendu public le rapport d'un comité d'enquête intitulé Rationalization of the Nova Scotia Universities qu'elle avait commandé sur la rationalisation des universités de la Nouvelle-Écosse effectuée par le gouvernement de cette province de 1991 à 1996.

Les auteurs du rapport concluent que la rationalisation a été mal conçue, qu'elle a exigé d'énormes sommes de temps et d'énergie de la part des administrateurs, du personnel et des professeurs et qu'elle n'a rapporté que de maigres avantages. Le processus a provoqué une avalanche de documents supposant un manque évident de clarté pendant toute sa durée. Selon le rapport de l'ACPPU, il s'agit de l'exemple classique d'une gestion descendante et d'une bureaucratie exagérée. «En Nouvelle-Écosse, un modèle bureaucratique caractérisé par une hiérarchie stricte domine», déclarent les auteurs. Les dirigeants, selon les auteurs, ont présumé que les fusions auraient nécessairement du sens du point de vue universitaire et qu'elles permettraient d'économiser de l'argent. Ils font toutefois remarquer qu'à l'ère de l'Internet et des sites W3, les gens n'ont pas besoin d'être regroupés tous au même endroit pour être créatifs. «Il est donc étrange, alors que l'ordinateur semble faire disparaître les bureaucraties désuètes, que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse soit tombé en amour avec elles.»

Dans la collectivité universitaire, il était répandu de croire que le Nova Scotia Council on Higher Education (NSCHE), organisme responsable de la rationalisation, fonctionnait comme une section du ministère de l'Éducation. Il prétendait toutefois le contraire, soulevant ainsi des doutes sur le processus de rationalisation. Pour les auteurs du rapport, cette attitude a été l'un des problèmes de la rationalisation. Coopers et Lybrand ont en fin de compte recommandé que cette situation de fait se concrétise, ce à quoi la collectivité universitaire s'est opposée unanimement car elle préférait un organisme indépendant pour conseiller équitablement le gouvernement.

Plusieurs évaluations de disciplines ont été effectuées au cours de cette période. Les auteurs du rapport de l'ACPPU ont de la difficulté à accepter la valeur de ces évaluations car les participants n'ont jamais eu la certitude que les critères utilisés se fondaient sur le mérite ou sur l'opportunisme politique et bureaucratique.

Le rapport laisse entendre que les solutions, en particulier l'évaluation des sciences de l'éducation, étaient politiques. Les universités qui l'ont reconnu dès le départ s'en sont mieux tirées. Il n'était pas clair non plus que ces évaluations étaient étayées par des recherches universitaires sérieuses. Ceux qui ont présumé que ces évaluations étaient des exercices de recherche ont constaté, parfois trop tard, à quel point ils s'étaient trompés.

Les auteurs du rapport estiment que l'évaluation des sciences de l'éducation, en particulier, a été injuste parce qu'elle a permis aux intervenants du système scolaire de présenter des mémoires publics sur les programmes de formation des enseignants dans les universités puis d'émettre en privé des opinions assez différentes sans que les personnes touchées ne soient informées de ces critiques.

Les auteurs du rapport de l'ACPPU sont d'avis que ces critiques confidentielles ont eu une incidence sur la fermeture de l'école des sciences de l'éducation de l'Université Dalhousie. Par le passé, des membres de l'école avaient critiqué le système scolaire primaire et secondaire de la Nouvelle-Écosse. Les auteurs du rapport ont constaté que, pour de nombreux Néo-écossais, cette fermeture visait à punir l'université pour ses positions radicales passées. Cette mesure était injuste et a fait conclure aux chercheurs universitaires de la Nouvelle-Écosse qu'ils valaient peut-être mieux pour eux de se consacrer à la défense du statu quo plutôt que de risquer d'offenser des intérêts puissants susceptibles de riposter lors de rationalisations futures. Selon l'ACPPU, ce message est regrettable.

La transition en éducation a également été inéquitable. Bernard Shapiro, président de l'évaluation des sciences de l'éducation, a d'abord recommandé que tous les professeurs permanents touchés aient le choix de déménager aux nouveaux centres fusionnés ou d'accepter un rachat d'emploi. En réalité, les professeurs n'ont pas eu le temps de réfléchir à l'offre et ont dû accepter un rachat sans recevoir l'assurance d'un emploi futur s'ils déclinaient l'offre. Il n'y a pas eu de véritable choix.

Tout le monde perd des plumes dans ce processus d'après les auteurs du rapport. Les recteurs des universités n'ont pas réussi à mettre en oeuvre les recommandations faites au début des années 1990 et ont encouragé l'ingérence du gouvernement, ce qu'ils ont tôt fait de regretter par la suite.

Les associations de professeurs et l'ACPPU ont été écartées efficacement. Elles n'ont pu investir les efforts suffisants pour défendre les membres pris dans l'engrenage bureaucratique. Le NSCHE a créé un monstre bureaucratique qui a absorbé les énergies du système universitaire pendant plus de cinq ans et qui a donné peu de résultats utiles.

Bien que le gouvernement se soit employé à réduire les budgets des universités, il ne s'est jamais préoccupé de trouver de vraies économies nettes (s'il y en a eu) réalisées grâce à ses efforts. Cela est particulièrement étrange si l'on ajoute les coûts annuels engendrés par la création du Nova Scotia Council on Higher Education et si l'on tient compte du fait que la Commission de l'enseignement supérieur des provinces Maritimes existe déjà depuis longtemps. De plus, personne ne semble avoir estimé le coût en heures-personnes dans le cas des administrateurs et des professeurs qui ont rédigé des réponses aux incessantes demandes du Conseil.

Les auteurs offrent des conseils pour l'avenir. Aux universitaires des quatre coins du pays, ils affirment qu'il leur faut une représentation forte, politiquement astucieuse et active à Ottawa et dans les capitales provinciales.

Ils recommandent aux ministres de l'enseignement supérieur de dire dès le départ qu'ils veulent fusionner des programmes ou l'équivalent. Ils devraient ensuite créer une commission publique vraiment indépendante pour faire la recherche, entendre les parties intéressées, conseiller s'il s'agit d'une bonne idée, et, le cas échéant, suggérer des choix pratiques. Les conseils et la décision du ministre devraient être débattus à l'assemblée législative et à l'échelle de la province dans un délai raisonnable. Le gouvernement devrait ensuite prendre une décision pour laquelle il serait responsable devant l'électorat aux prochaines élections.

L'ACPPU a distribué le rapport deux fois aux parties intéressées. Janet Halliwell, ex-présidente du Nova Scotia Council on Higher Education, a préféré discuter avec les auteurs de la méthodologie du rapport plutôt que de faire des commentaires sur des points précis. Elle a déclaré cependant que le rapport du comité d'enquête était discutable et que l'échéancier serré avait été dicté par le ministre et non par elle ou le Conseil. En février 1997, Marilyn Gaudet, la présidente intérimaire du Conseil, a également refusé de commenter le rapport en déclarant qu'elle n'était pas d'accord avec la démarche et les conclusions. Le ministre de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse, M. Robert S. Harrison, a adopté la même position. Le professeur David Cameron, président intérimaire de la Commission de l'enseignement supérieur des provinces Maritimes, a écrit que le rapport était choquant, inexact et insultant et qu'il était «l'invention d'une imagination infâme». Aucune de ces personnes n'a offert de rectifier les faits.

D'autre part, l'ex-recteur de l'Université St. Francis Xavier, David J. Lawless, a estimé que le rapport avait des mérites et qu'il approuvait la conclusion selon laquelle l'évaluation des sciences de l'éducation était un exemple horrible. Selon lui toutefois, le rapport, à l'instar de tout le processus, s'attardait surtout aux universités de Halifax. Le cours de l'exercice de rationalisation a très bien pu être influencé par la bataille entre les universités Saint Mary's et Dalhousie au sujet de la mise sur pied du programme de l'administration des affaires, a-t-il ajouté.

Selon le président de l'association des professeurs de l'Université Sainte-Anne, le rapport a exprimé des plaintes et des frustrations des professeurs, en particulier l'aspect confidentiel et la maladresse du processus, par trop évident à cette université. Il s'est également identifié aux frustrations des personnes qui ont travaillé d'arrache-pied aux évaluations internes, aux énoncés de missions et de perspectives d'avenir, et qui les ont vu ensuite être repoussés.

Après la conférence de presse, les associations de professeurs de Nouvelle-Écosse se sont réunis officieusement. Elles ont convenu de se rencontrer officiellement à l'assemblée du Conseil de l'ACPPU de novembre pour examiner les mesures qui pourraient découler du rapport.


Le comité d'enquête de l'ACPPU sur la rationalisation des universités de Nouvelle-Écosse était composé de Gerald Clark (sciences de l'éducation, Université du Nouveau-Brunswick), président, de June Chaikelson (psychologie, Université Concordia) et de Mark Graesser (sciences politiques, Université Memorial, Terre-Neuve). On peut joindre par courrier électronique le professeur Gerald Clarke, président du comité d'enquête, à gclarke@unb.ca. Des exemplaires du rapport intégral sont disponibles auprès de l'ACPPU au prix de 10 $ (TPS en sus). Un résumé de six pages est offert gratuitement au secrétariat de l'ACPPU ou sur le site W3 www.caut.ca.