À certains égards, par contre, on peut décrire statistiquement la réussite d'une université à réaliser sa mission. Ainsi, une université qui cherche à augmenter le nombre d'étudiants à faibles revenus utilisera des statistiques, parmi d'autres indicateurs, pour déterminer si elle attire cette catégorie d'étudiants. De même, une université qui vise à réduire autant que possible ses frais administratifs voudra certainement examiner la proportion des fonds d'exploitation qui y sont consacrés pendant une période raisonnable. On peut soutenir que ces «indicateurs» statistiques sont utilisés de manière appropriée en éducation.
L'objectif d'une université consiste toutefois à offrir au grand public ce qu'il y a de mieux en matière d'enseignement, de recherche et de services à la communauté. Les indicateurs de rendement ne réussissent pas facilement à reproduire cet objectif compliqué, ne serait-ce qu'en partie.
La mission et l'histoire d'une université diffèrent d'un établissement à l'autre. Aucune mesure du rendement, qu'elle soit provinciale ou nationale, ne peut montrer qu'une université fait son travail.
Les indicateurs de rendement ne tiennent pas toujours compte de la mission historique d'une université. De nombreux indicateurs s'attachent plutôt à évaluer le degré de satisfaction envers l'enseignement postsecondaire (dans quelle mesure les étudiants approuvent l'enseignement dispensé, le taux d'approbation des programmes d'études par les diplômés et les employeurs). Cet engouement pour les principes du marché, ajouté à la faveur que donne le milieu de la comptabilité aux indicateurs de rendement, sèment des doutes persistants sur l'application des indicateurs de rendement aux résultats éducationnels.
Les indicateurs de rendement constituent une forme d'analyse statistique. Ils mesurent la vitesse, la puissance, l'efficacité ou la productivité surtout si la productivité est une mesure du facteur de production nécessaire à l'obtention du produit final. Plus précisément, l'expression «indicateur de rendement» devrait être limitée à l'analyse statistique des facteurs de production par rapport au produit final. En pratique, toutefois, l'expression est aussi utilisée pour désigner toute analyse statistique du travail des universités ou des collèges.
Les tenants des indicateurs de rendement estiment que des mesures statistiques des facteurs de production, du produit final, de la production et de l'efficacité sont nécessaires à l'obligation de rendre compte. Selon eux, les universités devraient se faire concurrence pour obtenir des résultats toujours plus élevés malgré l'évidence insuffisante que cette quête de résultats sans cesse plus élevés améliore nécessairement l'enseignement, la recherche ou les services à la collectivité. La responsabilité publique est beaucoup plus que des mesures.
Certains «indicateurs» sur l'accessibilité, la transparence dans la direction, la taille et le coût de l'administration ainsi que sur les nouvelles méthodes didactiques pourraient stimuler une transformation continue mais responsable de l'enseignement postsecondaire au Canada. La collecte de preuves statistiques et administratives pourrait susciter d'autres arguments informés sur le programme d'études, la pratique de l'enseignement, les habitudes administratives et les services, sur le financement de l'université ainsi que sur l'organisation des disciplines et des professions au sein de l'université.
Toutefois, il semble que les indicateurs de rendement ne visent pas principalement à stimuler une transformation. La popularité grandissante des indicateurs de rendement est directement attribuable aux coupes faites au financement public des universités et des collèges depuis les années 1980. On se sert des indicateurs de rendement pour décider comment les compressions seront exercées et quand elles seront faites, pour modifier de force le programme d'études et l'enseignement à la grandeur du système postsecondaire et pour permettre au gouvernement de gérer directement les universités et les collèges. En ce sens, les indicateurs de rendement pavent la voie à une médiocrité certaine.