Dans un geste sans précédent, l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université lance une campagne nationale de sensibilisation pour attirer l'attention du public sur l'aggravation de la crise à laquelle fait face le monde de l'enseignement postsecondaire au Canada. Lors de son assemblée tenue du 20 au 22 novembre à Ottawa, le Conseil de l'ACPPU a voté en faveur d'une importante campagne à long terme qui mettra en lumière les effets des compressions budgétaires, de la montée en flèche des frais de scolarité, du rôle croissant du secteur privé dans les universités canadiennes. En outre, la campagne préconisera des changements pour améliorer la qualité de l'enseignement postsecondaire et son accessibilité.
«Sans l'appui du public, nos meilleurs efforts de lobbying ne rapporteront rien et les problèmes que vivent les universités empireront», a déclaré au Conseil Bill Graham, le président de l'ACPPU. «Je ne pense pas que les Canadiens et les Canadiennes sont pleinement au courant de la situation de l'enseignement postsecondaire au Canada. C'est pourquoi nous devons lancer une campagne nationale pour sensibiliser le public aux problèmes et leur offrir de vraies solutions.»
Depuis plus de dix ans, l'enseignement postsecondaire subit des réductions considérables du financement gouvernemental. Ces coupes ont fait grimper de 90 p. 100 les frais de scolarité depuis 1990 et ont entraîné la réduction de l'accès aux universités, l'augmentation du nombre d'étudiants par professeur, la diminution des ressources pédagogiques et de recherches ainsi qu'une hausse de 240 p. 100 de l'endettement des étudiants.
Or, à mesure que le financement public se raréfie, les universités se tournent de plus en plus vers le secteur privé pour combler leur manque à gagner, ce qui amène de graves conséquences pour la liberté universitaire et la recherche. À titre d'exemple, l'affaire du Dre Nancy Olivieri, de l'hôpital des enfants malades et de l'Université de Toronto, illustre de manière flagrante le danger de dépendre du secteur privé. Les recherches du Dre Olivieri ont révélé qu'un nouveau médicament qu'elle expérimentait comportait de graves effets secondaires. La compagnie qui coparrainait le projet a presque annulé les recherches du médecin. Les preuves s'accumulent selon lesquelles une plus grande dépendance des fonds privés restreint l'orientation des universités et de la recherche universitaire et pourrait conduire à un système à deux paliers.
«Nos membres et leurs étudiants faisant face à une détérioration continuelle de leurs conditions, nous devons mobiliser et informer le public», a déclaré James Turk, le directeur général de l'ACPPU, dans son rapport au Conseil.
Le Conseil a adopté en principe le plan d'action de la campagne qui s'articule autour de quatre activités principales la recherche et le lobbying, les communications, la mobilisation et la création de coalitions.
La première étape sera lancée le 4 janvier 1999 et consistera à accroître la capacité de l'ACPPU à analyser de manière critique les problèmes qui touchent actuellement l'enseignement postsecondaire ainsi qu'à informer et à mobiliser les membres et le public.
Étant donné que l'ACPPU compte parmi ses membres de nombreux grands spécialistes au Canada, un comité consultatif bénévole de recherches, formé de membres spécialisés dans les questions reliées à l'éducation, sera créé. Il déterminera les besoins actuels en recherche et aidera à mettre au point un plan d'action à plus long terme en matière de recherche. Pour aider à soutenir cette initiative de recherche, l'ACPPU est en voie de créer une bourse de recherche et invitera des chercheurs en études sur l'enseignement postsecondaire.
De même, un comité consultatif de communications formé de professeurs en journalisme et en communications sera mis sur pied pour aider à concevoir une stratégie efficace des médias et des relations publiques. Le comité sera chargé de donner des conseils spécialisés sur la manière d'élaborer et de communiquer les messages clés de la campagne.
La campagne aura également comme objectif d'augmenter la ferveur militante chez les membres de l'ACPPU et d'augmenter le nombre de membres qui sont engagés. Un éventail de projets et d'activités, des plus modestes aux plus dramatiques, sont proposés afin que chaque association locale puisse déterminer ce qu'elle estime approprié pour ses membres et sa collectivité. Il pourrait s'agir, par exemple, de mener des pétitions, de tenir des audiences publiques et des séances d'études, d'organiser des manifestations publiques ou d'autres activités pour attirer l'attention du public sur des problèmes et des solutions.
Enfin, le projet de campagne reconnaît l'importance de nouer des liens avec des coalitions. L'ACPPU prévoit collaborer avec des partenaires d'optique commune des milieux étudiant, syndical et communautaire pour partager de l'information et des activités. L'ACPPU a récemment contribué à la fondation du Réseau pour l'éducation publique/Public Education Network, une coalition pancanadienne qui réunit pour la première fois toutes les grandes associations de professeurs, d'enseignants et d'étudiants du Québec et du reste du Canada.
Lors de l'assemblée du Conseil de l'ACPPU, les associations locales ont convenu que le lancement de la campagne donnerait lieu à un engagement important et à long terme. On a fait remarquer que des campagnes fructueuses ne donnaient pas de résultats immédiats mais nécessitaient de la planification, de la persévérance et de la créativité.
«La campagne contre la dette et le déficit entreprise par le secteur privé n'a pas eu d'échos dans l'opinion publique avant le début des années 1990, soit au moins dix ans après le premier avertissement sur la prétendue «crise», a signalé Bill Graham. «De la même façon, de nombreux groupes ont mis en garde les Canadiens et les Canadiennes contre les conséquences des compressions dans le domaine de la santé dès l'arrivée au pouvoir du gouvernement conservateur de Brian Mulroney. Cependant, la question de la santé n'a dominé l'opinion publique qu'au cours de la dernière année», a-t-il ajouté.
«Les universités où nous travaillons, les étudiants à qui nous enseignons et notre profession doivent relever des défis sérieux», a déclaré M. Turk après que le Conseil a adopté le plan d'action de la campagne. «Cette campagne de sensibilisation du public aidera l'ACPPU à réagir avec vigueur, créativité et efficacité.»