Lorsque la Dre Nancy Olivieri a défié les menaces de poursuite de la puissante compagnie pharmaceutique Apotex et les manoeuvres d'intimidation de l'administration de l'hôpital qui l'employait, elle plaçait la sécurité de ses patients avant tout, avant même sa propre sécurité et sa carrière. Le professeur Arthur Shafer, éthicien à l'Université du Manitoba et directeur du Centre for Professional and Applied Ethics de l'université a qualifié le scandale de l'hôpital des enfants malades comme le plus grand scandale de notre temps. Il touche à des enjeux fondamentaux, soit la sécurité des patients, l'intégrité de la recherche, la liberté universitaire ainsi que la santé publique qu'il oppose à des entreprises pharmaceutiques privées, risquées et lucratives.
Au début, l'hôpital a tenté d'éviter les enjeux en considérant l'affaire comme un simple différend scientifique. Lorsque d'éminentes personnalités, notamment le lauréat du prix Nobel John Polanyi, ont protesté, l'hôpital a institué un processus d'évaluation entaché sous la direction de l'ancien recteur de l'Université du Manitoba, Arnold Naimark. Sa nomination pouvait d'ailleurs soulever de sérieuses questions de conflit d'intérêts. Ce processus a davantage brouillé les cartes en permettant à Naimark de choisir unilatéralement deux évaluateurs pour l'assister après qu'une grande partie de l'enquête eut été terminée. Il a continuellement refusé d'accepter les évaluateurs que suggérait la Dre Olivieri. Elle n'a donc pas eu d'autre choix que de refuser de collaborer à cette enquête biaisée. Le rapport Naimark a été rendu public et il est malheureusement insatisfaisant. Il ne mérite pas le sceau de la crédibilité scientifique ou publique.
Tout au long de cette affaire scandaleuse, la Dre Olivieri n'a eu droit à aucun soutien juridi-que, professionnel et moral de la part de l'hôpital et de l'Université de Toronto où elle est profes-seure de pédiatrie et directrice du programme d'hémoglobinopathie. Malgré les appels à l'aide de la Dre Olivieri et de ses plus proches alliés, les deux établissements ne lui ont pas fourni le soutien qu'elle demandait pour défendre sa liberté universitaire, l'intégrité de ses recherches et la sécurité de ses patients. De fait, l'administration de l'hôpital l'a intimidée et l'a harcelée et a même tenté de la forcer à démissionner. Elle continue de subir du harcèlement de même que trois de ses plus proches alliés, soit la Dre Brenda Gallie, la Dre Helen Chan et le Dr Peter Drurie.
Pendant tout ce temps, l'Université de Toronto a continué de courtiser la compagnie pharmaceutique Apotex pour un don de 20 à 30 millions de dollars. Dans son rapport, le professeur Arthur Shafer a déclaré que la crise du sous-financement par les gouvernements semblent pousser même nos plus célèbres hôpitaux et universités à supplier les commanditaires privés et à ramper à leur pied. Si, sur l'ordre de l'industrie pharmaceutique, d'éminents établissements publics peuvent devenir complices d'une entreprise tentant de censurer des travaux scientifiques, aucun chercheur canadien ne peut par conséquent avoir la certitude de jouir en toute sécurité de la liberté universitaire. La confiance des patients dans l'objectivité de la recherche scientifique peut certainement être ébranlée.
Seule une enquête indépendante et irréprochable sur le scandale de l'hôpital des enfants malades et de l'Université de Toronto peut rétablir la confiance du public et du milieu scientifique envers ces deux grands établissements publics. L'ACPPU peut et devrait jouer un rôle en lançant une enquête externe entièrement indépendante.