Le 26 janvier, aux petites heures, l'ACPPU a négocié une entente entre Dre Nancy Olivieri et l'hôpital des enfants malades de Toronto. L'entente donne raison à la chercheure et lui permet de reprendre ses fonctions à la direction du programme d'hémoglobinopathie à l'hôpital des enfants malades et à l'hôpital de Toronto.
Selon Bill Graham, président de l'ACPPU, l'entente est intervenue principalement parce que l'ACPPU et l'University of Toronto Faculty Association ont réussi à convaincre le recteur de l'Université de Toronto, Robert Prichard, d'intercéder auprès de l'administration de l'hôpital des enfants malades pour que Dre Olivieri réintègre ses fonctions.
«Il a agi de la sorte après avoir constaté que Dre Olivieri ne pourrait de toute évidence poursuivre ses travaux, qui sont d'une importance capitale à l'échelle internationale, à moins qu'elle conserve l'entière responsabilité du programme», a déclaré Bill Graham.
L'ACPPU a invité deux spécialistes de renommée mondiale en maladies du sang, Sir David Weatherall, d'Oxford, et Dr David G. Nathan, président du Dana-Farber Cancer Institute d'Harvard, à venir à Toronto pour aider à convaincre la direction de l'Université de Toronto d'agir dans le dossier. Les Drs Weatherall et Nathan ont rencontré à huis clos le recteur Prichard et le doyen de la faculté de médecine.
Après avoir élaboré, non sans difficulté, les grandes lignes d'une entente, Weatherall et Nathan ont entamé une navette diplomatique entre les parties, avec l'aide de Bill Graham et du président du Comité de la liberté universitaire et de la permanence de l'emploi, Pat O'Neill. Prichard s'est occupé de persuader la direction de l'hôpital de ratifier l'entente. Rhonda Love, vice-présidente responsable des griefs de l'UFTA, et Evelyn Napier, la conseillère de l'UFTA, ont également joué un rôle de premier plan.
«L'entente ne met pas un terme à l'affaire, ni même ne constitue-t-elle le début de la fin», a mis en garde Bill Graham. «Pour reprendre les paroles de Winston Churchill, ce n'est que la fin du commencement.»
L'entente ne protège pas entièrement la liberté universitaire de Dre Olivieri ni ne protège les droits et les libertés de ses collègues de l'hôpital des enfants malades qui l'ont soutenue tout au long de cette épreuve. Il s'agit du Dr Peter Durie, chef de la recherche sur la fibrose kystique à l'hôpital des enfants malades, Dre Brenda Gallie, chef de l'unité de recherche sur le sang et le cancer et superviseure de recherche pour Dre Olivieri, et Dre Helen Chan, chercheure principale dans l'unité de Dre Gallie. Les trois médecins ont reçu des ordonnances de nondivulgation, tout comme Dre Olivieri, et tous les trois ont été victimes d'intimidation et de harcèlement à l'hôpital des enfants malades.
D'une importance historique
Pour le professeur Arthur Schafer, directeur du centre d'éthique professionnelle et appliquée à l'Université du Manitoba, l'affaire Olivieri est le plus grand scandale universitaire de notre époque.
«L'ACPPU n'avait pas défendu une affaire d'une telle ampleur et d'une telle importance historique depuis l'affaire Crowe au United College, maintenant l'Université de Winnipeg, au début des années 1950», a ajouté Bill Graham. «L'affaire Crowe portait sur la religion et l'Église. De nos jours, le problème tient de l'influence virulente qu'ont les sociétés à but lucratif sur nos institutions publiques comme les hôpitaux et les universités. Le scandale de l'hôpital des enfants malades et de l'Université de Toronto est un symptôme de la maladie qui ronge les soins de santé et le financement de la recherche au Canada», a-t-il conclu.
L'affaire Olivieri a pris de l'importance du fait que deux des maladies du sang dont elle est une spécialiste de renommée mondiale, soit la thalassémie et la sicklémie, sont les maladies déterminées par un seul gène les plus communes au monde. À l'heure actuelle, ils touchent une personne sur sept en général, en majorité originaires de la Méditerranée, de l'Asie, du Moyen-Orient, de l'Afrique et de l'Indonésie. Le programme de recherche clinique du Dre Olivieri est le principal maillon d'une chaîne internationale de recherche en vue d'un traitement efficace et humainement acceptable.
Pendant toute cette pénible période pour Dre Olivieri, l'ACPPU lui a offert un solide appui en intercédant auprès de la direction de l'hôpital des enfants malades, de l'hôpital de Toronto et de l'Université de Toronto.
L'University of Toronto Faculty Association a déposé des griefs au nom des Drs Olivieri, Durie, Gallie et Chan, accusant l'université d'avoir omis de protéger leur liberté universitaire et de les protéger contre la discrimination, le harcèlement et l'intimidation.
L'UFTA a également déposé un grief au nom de l'association, accusant l'université d'avoir violé les politiques garantissant aux professeurs certains droits et certaines libertés. Ironie du sort, l'administration de l'hôpital des enfants malades, après s'être réunie à huis clos avec ses «chefs», a limogé Dre Olivieri de son poste de directrice du programme d'hémoglobinopathie le même jour, en riposte à une lettre que ses avocats avaient envoyée à l'hôpital.
La lettre faisait référence aux origines ethniques des patients suivis dans le cadre du programme du Dre Olivieri et précisait que leur nombre était passé de 150 à 450, alors que le soutien clinique avait diminué de 42 p. 100. La lettre demandait une aide supplémentaire pour permettre au Dre Olivieri de respecter les conditions de ses subventions de recherche et de continuer à superviser les soins clinique de ses patients.
D'après le procès-verbal de la réunion à l'hôpital des enfants malades, rendu public depuis, l'administration aurait trouvé odieux et inexact que l'on ait insinué dans cette lettre que l'hôpital avait fermé les yeux sur un accès différentiel aux traitements pour les enfants et leurs familles fondé sur l'origine raciale et ethnique.
Questions non réglées
En janvier, l'UFTA a prévenu l'administration de l'Université de Toronto de ne pas renouveler l'entente d'affiliation avec l'hôpital des enfants malades, qui a pris fin le 31 décembre, tant que les droits et les libertés des professeurs de cliniques ne seraient pas garantis totalement. Deux jours plus tard, l'université a renouvelé l'entente de toute urgence pour un an sans les protections nécessaires. L'UFTA a alors aussitôt ajouté ce problème au grief déposé au nom de l'association.
Peu de temps après, l'ACPPU a pris des dispositions pour réunir à Toronto les Drs Nathan et Weatherall, ainsi que le Dr John Porter, professeur de médecine au University College de Londres, et le Dr Alan Schechter de Bethesda, au Maryland, afin qu'ils prêtent main forte aux efforts visant à réintégrer Dre Olivieri dans ses fonctions.
À la demande de l'ACPPU, les Drs Porter et Schechter ont entrepris un examen scientifique du programme clinique du Dre Olivieri à l'hôpital des enfants malades et à l'hôpital de Toronto tandis que les Drs Nathan et Weatherall ont cherché à obtenir un règlement satisfaisant. Le rapport sur le programme clinique sera rendu public sous peu.
«En fin de compte, et c'est à son honneur, l'université a pris la bonne décision», a déclaré Bill Graham. «La direction a fait pression sur l'hôpital pour qu'elle réintègre Dre Olivieri dans ses fonctions à la direction du programme. Toutefois, il faudra enquêter en profondeur sur le scandale à l'hôpital des enfants malades.»
Le Comité de la liberté universitaire et de la permanence de l'emploi de l'ACPPU étudiera la possibilité de mener une enquête indépendante à sa prochaine réunion au début de mars.
Traduit de l'article «CAUT Brokers Settlement in Olivieri Case».