Pour la première fois, le Conseil des ministres de l'Éducation, Canada (CMEC) a convenu de principes et de grandes lignes pour l'enseignement postsecondaire au Canada. Leur rapport intitulé les Attentes du public relatives au secteur postsecondaire au Canada constitue un précédent. L'effort est louable, tout comme le sont les domaines clés des attentes, entre autres la qualité, l'accessibilité, la mobilité et la transférabilité, la pertinence et l'adaptabilité, la recherche et l'avancement des connaissances, la transparence.
De plus, le CMEC a énuméré cinq fonctions clés de l'enseignement postsecondaire, ce qui est également louable : inspirer les individus et leur permettre de développer leurs capacités jusqu'aux plus hauts niveaux de potentiel pendant toute leur vie; faire avancer les connaissances et la compréhension, les préserver et les diffuser; satisfaire les besoins en matière d'apprentissage et de savoir d'une économie adaptable, viable et fondée sur les connaissances aux niveaux local, régional et pancanadien; encourager l'application des connaissances et de la compréhension au profit de l'économie et de la société; aider à façonner une société démocratique et civilisée.
Les ministres reconnaissent «que l'enseignement postsecondaire constitue un investissement à long terme dans la société», et que «(l)es gouvernements financent l'enseignement postsecondaire, car cela est dans l'intérêt du public». Ils reconnaissent qu'ils devraient le faire «dans le respect de la gestion distincte et souvent autonome des établissements d'enseignement postsecondaire et les normes d'admission» et que les établissements devraient «garanti(r) la liberté d'enquête et d'expression dans l'avancement des connaissances, la recherche et l'éducation».
Malheureusement, le rapport ne mentionne pas la Recommandation sur la condition du personnel enseignant du secteur postsecondaire de l'UNESCO qui énonce clairement les droits et les libertés, dont la liberté universitaire, des membres du corps universitaire, tant dans leur enseignement que dans leurs fonctions de recherche. Le CMEC a appuyé la recommandation de l'UNESCO et a élaboré la position du Canada à l'intention de l'UNESCO. Les ministres devraient s'attribuer le mérite de leur bon travail dans ce dossier en mentionnant la recommandation chaque fois que l'occasion s'y prête.
Bien qu'ils admettent que l'enseignement postsecondaire soit un avantage à long terme pour la société, les ministres sont contre le principe d'évaluer cet avantage en mesurant les intrants, soit les dollars dépensés par étudiant et étudiante ou le nombre de volumes d'une bibliothèque par étudiante et étudiant, car les associations de professeurs et les administrations le font pour montrer le niveau de financement des gouvernements.
Pour mesurer le rendement, les ministres sont plutôt en faveur des résultats réels d'apprentissage des étudiantes et étudiants, la réussite à trouver ou à créer des emplois, et les avantages découlant de la recherche. Ces mesures du rendement sont toutefois inadéquates pour mesurer la qualité des universités.
Au contraire des États-Unis, le Canada ne dispose pas d'un système indépendant d'agrément de l'enseignement postsecondaire. En 1993, le Groupe d'étude sur la direction des universités, mis sur pied par l'ACPPU, a recommandé la création d'un organisme indépendant d'agrément du Canada. Seul un système d'agrément national et indépendant pourrait mesurer la qualité de manière appropriée.
La plus grande faiblesse du rapport du CMEC réside peut-être dans le fait que ses auteurs admettent d'entrée de jeu que «(l)e présent document ne vise pas à déterminer la façon de répondre aux attentes ni la façon dont les deniers publics sont affectés. Il s'agit-là de questions importantes, mais elles relèvent de la compétence des provinces et des territoires».
En demeurant muets sur la hausse constante des droits de scolarité et de l'endettement, sur l'aide financière aux étudiants dans le contexte du domaine clé de l'accessibilité et en n'abordant pas les aspects particuliers du financement dans le cadre des coupes sombres effectuées dans le financement de base des universités entre 1989 et 1998, les ministres laissent le rapport au rayon des «platitudes et souhaits sans conséquences»
Il faudrait comparer les salaires et les conditions de travail des universités canadiennes aux salaires et aux conditions de travail d'universités équivalentes aux États-unis. Les crédits fédéraux et provinciaux affectés à la recherche et aux infrastructures au Canada devraient être comparés au budget disponible aux États-Unis. Il faudrait faire le même exercice pour le financement fédéral et provincial des universités, les régimes de retraite des universités, les programmes de prêts et bourses pour les étudiants et pour nombre d'autres mesures cruciales touchant les domaines clés d'attentes énoncés dans le rapport.
Sans ses comparaisons dans les domaines qui comptent le plus, on ne peut répondre à la question «Comment pouvons-nous combler les attentes?». Pis, nous ne saurons même pas ce qu'elles signifient.
Traduit de l'article «CMEC Report Ignores Funding Issues»