Un rapport du gouvernement recommande que les professeurs et les étudiants chercheurs soient dépouillés des droits de la propriété intellectuelle qu'ils créent et que leurs découvertes soient cédées au secteur privé.
Commentant le rapport final du Groupe d'experts sur la commercialisation des résultats de la recherche universitaire, Bill Graham, président de l'ACPPU, a soutenu que le document contenait essentiellement les mêmes imperfections et la même promesse de financer davantage la recherche que la version préliminaire malgré quelques modifications superficielles.
«Les mêmes données discutables et les mêmes preuves sélectives et non scientifiques sont utilisées pour étayer les prétentions selon lesquelles les universités doivent se concentrer sur la recherche qui peut être exploitée commercialement pour que les sociétés privées génèrent rapidement des profits», a déclaré M. Graham. «Si les recommandations du groupe d'experts sont adoptées, elles risquent à la fois de mettre en péril la recherche qui est socialement et culturellement valable bien qu'elle ne soit peut-être pas rentable et d'encourager celle avec laquelle le secteur privé fait des profits bien qu'elle soit peut-être banale.»
M. Graham a donné l'exemple de la recherche en génie génétique qui a le potentiel d'éradiquer des maladies telle la fièvre aphteuse dans les pays en développement. Toutefois, on peut faire des gains commerciaux plus élevés en modifiant génétiquement les fruits et les légumes pour prolonger leur durée de conservation et leur donner une meilleure apparence sur les étalages des supermarchés du monde industrialisé.
«En recommandant que la principale priorité de la recherche soit le profit commercial, le groupe d'experts banalise la recherche universitaire», a poursuivi M. Graham.
Rédigé pour le Conseil consultatif des sciences et de la technologie du premier ministre, le rapport recommande en outre que les universités offrent davantage de mesures incitant les professeurs, le personnel et les étudiants à s'engager dans des recherches que les entreprises privées peuvent commercialement exploiter. Il suggère d'ailleurs que les possibilités de bénéfices commerciaux découlant de la recherche s'inscrivent dans la mission des conseils subventionnaires et soit un critère d'octroi des subventions de recherches. Le groupe d'experts recommande également que les chercheurs dont les travaux présentent un potentiel commercial soient reconnus dans le cadre des politiques universitaires en matière de titularisation et de promotion.
«Cette recommandation transgresse manifestement la liberté universitaire et l'autonomie des universités», a déclaré Jim Turk, le directeur général de l'ACPPU. «Elle permettra aux intérêts privés de mieux s'ingérer dans la recherche universitaire.»
Il a signalé que les recommandations du groupe d'experts feront de l'exploitation commerciale de la recherche par le secteur privé une mission fondamentale de l'université et des conseils subventionnaires. «Nos universités existent pour servir l'intérêt public et nous devons empêcher qu'elles soient à la merci des sociétés ou d'autres intérêts particuliers», a ajouté M. Turk.
Sous prétexte qu'il est nécessaire d'améliorer le climat des affaires au Canada pour que les sociétés privées recrutent plus facilement le personnel talentueux nécessaire et exploitent les découvertes de la recherche universitaire, le rapport recommande en outre fortement au gouvernement de réduire les taux marginaux d'imposition plus élevés et d'étendre l'exemption de 500 000 $ des gains en capital aux options d'achat d'actions des employés.
«Ces recommandations risquent de coûter au trésor fédéral des centaines de millions de dollars chaque année sans avoir la preuve d'aucune retombée commerciale», a prévenu M. Graham. «Cet argent serait certainement mieux investi dans le financement de base des universités dont elles ont grandement besoin.»
L'ACPPU a répliqué au rapport en écrivant au ministre de l'Industrie, M. John Manley, et lui a sollicité un entretien pour discuter de ses préoccupations et de ses objections. Insistant sur le caractère tellement imparfait du rapport, l'ACPPU a conseillé vivement au gouvernement de soumettre la question à un nouveau comité mieux représentatif.
«Des neuf membres du groupe d'experts, deux sont des administrateurs d'université et six sont des représentants du milieu des affaires», a signalé M. Turk.
Dans le cadre de sa campagne visant à sensibiliser le public sur les menaces auxquelles font face les universités et les collèges du Canada, l'ACPPU tiendra à Ottawa une conférence sur la commercialisation de l'enseignement postsecondaire du 29 au 31 octobre 1999.
Traduit de l'article «CAUT Deplores Final Expert Panel Report».