Les syndicats et les associations en éducation préviennent que les nouvelles règles auxquelles songe l'Organisation mondiale du commerce assujettira davantage l'enseignement postsecondaire aux exigences de l'entreprise privée.
Les observateurs montrent du doigt un document de l'OMC rédigé en préparation des négociations du millénaire qui se tiendront l'année prochaine. Dans ce document, l'OMC considère l'enseignement postsecondaire comme un nouveau marché potentiellement lucratif et prêt à être exploité.
Mentionnant avec fierté l'augmentation des campus annexes, de «l'enseignement virtuel» et de la commercialisation à l'échelle internationale de programmes d'études et de programmes universitaires, l'OMC signale dans ce document que les services offerts en enseignement postsecondaire ont connu une explosion commerciale au cours des récentes années. À titre d'exemple, les exportations américaines des services de l'enseignement supérieur se sont chiffrées à 7 milliards de dollars en 1996 seulement, plaçant les États-Unis au cinquième rang des exportateurs de services.
Néanmoins, l'OMC soutient que la croissance continue de ce marché est gênée par de soi-disant barrières commerciales dans ce secteur. Les sociétés privées qui cherchent à s'assurer une présence commerciale à l'étranger peuvent être limitées dans de nombreux pays par des restrictions imposées au fonctionnement des universités et des collèges privés. D'autre part, selon l'OMC, les établissements privés qui s'implantent dans les pays qui le permettent risquent de faire face à d'autres obstacles. Ainsi, dans certains pays, les étudiants inscrits à des universités ou des collèges privés peuvent ne pas être admissibles à de l'aide financière ou même, selon l'OMC, à des cartes d'autobus subventionnées.
Le document affirme que ces règlements constituent non seulement des pratiques commerciales restrictives mais ils empêchent aussi «l'innovation» au sein des universités et des collèges. L'OMC félicite un certain nombre de pays qui ont une plus grande faculté d'adaptation au marché et qui se dirigent vers la privatisation des universités publiques, ce qui augmente la concurrence et incite le secteur privé à participer au secteur de l'éducation et à y investir.
Selon le directeur général de l'ACPPU, Jim Turk, la pression est de plus en plus forte en faveur de l'ouverture de l'enseignement postsecondaire au Canada et dans d'autres pays à une plus grande privatisation et commercialisation, ce qui est en contradiction directe avec les tenants d'un enseignement de qualité financé par les deniers publics.
L'Internationale de l'éducation, qui représente 294 syndicats et associations en éducation à travers le monde, s'inquiète également de l'initiative de l'OMC. «Compte tenu des énormes disparités entre les pays, le fait de placer les systèmes d'éducation nationaux dans une situation de concurrence, équivaut-il à vendre le système d'éducation des pays les plus faibles à une poignée de grandes sociétés transnationales», se demande l'IE en réaction au document de l'OMC.
L'IE fait remarquer que l'importation de services en enseignement supérieur par l'Asie du Sud-Est nous donne une idée des conséquences néfastes de la libéralisation du commerce : «Une dépendance accrue envers les ressources pédagogiques étrangères, une acculturation causée par l'usage d'une langue étrangère pour l'enseignement, une tendance à la normalisation de l'éducation et une réduction de la souveraineté.»
Les membres de l'OMC, dont le Canada, doivent se rencontrer à Seattle en novembre où l'on s'attend à ce qu'ils conviennent de lancer une nouvelle ronde de négociations commerciales du millénaire en vue d'augmenter la libéralisation du commerce international dans les services, notamment l'enseignement postsecondaire.
«Traduit de l'article «New Trade Rules Target Education».