L'Association canadienne des professeures et professeurs d'université a lancé ce mois-ci une grande campagne sur le thème Nos universités, notre avenir dans le but de sensibiliser le public aux conséquences des compressions budgétaires gouvernementales pour les collèges et les universités du Canada.
«À mon avis, la plupart des Canadiens seront stupéfiés lorsqu'ils constateront l'ampleur des réductions», a déclaré le président de l'ACPPU, Bill Graham. «En tant que part de l'économie, les paiements de transfert fédéraux au titre de l'enseignement postsecondaire sont à leur plus faible niveau en 30 ans.»
D'après les statistiques compilées par l'ACPPU, les paiements de transfert en espèces, une fois rajustés en fonction de l'inflation, ont chuté depuis 1992 de 2,9 milliards de dollars à 1,6 milliards de dollars, une remarquable baisse de 44 p. 100. En dollars constants par habitant, les paiements de transferts sont passés de 102 $ en 1992 à tout juste 54 $ en 1998. La baisse la plus importante s'est produite en 1996 lors de la mise en oeuvre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS).
«Les professeurs, les étudiants et leur famille ont subi le choc des réductions», a ajouté M. Graham. «Aujourd'hui, le nombre d'universitaires a diminué, de même que le soutien de la recherche, le nombre de cours offerts, et les classes sont plus populeuses, les frais de scolarité plus élevés et les étudiants sont plus endettés.»
Bill Graham a fait remarquer que le nombre de professeurs d'université à temps plein a baissé de plus de 7 p. 100 entre 1992-1993 et 1996-1997. Au sein des catégories d'universitaires, la plus forte diminution s'est fait sentir chez les professeurs adjoints, leur nombre ayant diminué de près de 20 p. 100. Pendant la même période, les effectifs étudiants à temps plein et à temps partiel n'ont chuté que de 2 p. 100, ce qui a augmenté le rapport étudiants-professeur.
«Les coupes sombres effectuées dans les paiements de transfert minent sérieusement les fonctions de base de l'enseignement et de la recherche dans nos universités et collèges», a déclaré le directeur général de l'ACPPU, Jim Turk.
Il a fait une mise en garde contre les compressions gouvernementales qui menacent l'intégrité et l'indépendance des universités et collèges du Canada à mesure que les administrateurs se tournent vers les dons et les fonds de l'entreprise privée qui peuvent imposer des conditions restrictives et, dans les cas extrêmes, qui peuvent censurer la recherche scientifique.
«Nous avons été témoins, par le passé, de conflits qui peuvent facilement opposer les intérêts du secteur privé et l'éthique de la recherche», a fait remarquer M. Turk, en rappelant l'affaire Nancy Olivieri, cette clinicienne de l'Université de Toronto qui a été congédiée lorsque l'un des deux bailleurs de fonds privés de ses travaux s'est opposé aux résultats de ses recherches. Dre Olivieri a pu réintégrer son poste seulement après l'intervention de l'ACPPU en son nom.
M. Turk a évoqué des statistiques récentes selon lesquelles la part du gouvernement fédéral dans l'ensemble du budget de fonctionnement des universités est passée de 74 p. 100 en 1980 à seulement 58 p. 100 en 1997. Pendant la même période, les fonds du secteur privé ont doublé.
«La dépendance envers les fonds privés est inquiétante et il est à se demander quelles conséquences elle aura sur le genre de recherches qui seront effectuées», a jouté M. Graham. «La recherche fondamentale est très difficile à vendre auprès des conseils d'administration des plus grandes sociétés canadiennes.»
«Le rétablissement des fonds publics est nécessaire pour maintenir la qualité et l'autonomie de nos universités et de nos collèges et pour protéger la liberté universitaire», a fait savoir M. Turk. «Mais nous devons aussi éliminer l'inefficace TCSPS et créer un nouveau mécanisme de financement fédéral. Comme il s'agit d'une subvention globale, les provinces ne sont pas tenues de dépenser pour l'enseignement postsecondaire les crédits qu'elles reçoivent au titre du TCSPS.»
Pour remplacer le TCSPS, l'ACPPU propose qu'Ottawa crée un nouveau fonds ciblé pour l'enseignement postsecondaire. Les paiements de transferts fédéraux en espèces seraient haussés et maintenus à 0,5 p. 100 du PIB, soit le même niveau de la fin des années 1970 et du début des années 1980. Pour l'année courante, il faudrait investir une somme supplémentaire d'environ 2,7 milliards de dollars, portant le transfert à 4,5 milliards de dollars.
En outre, l'ACPPU propose que le fonds pour l'enseignement postsecondaire soit régi par une loi sur l'enseignement postsecondaire qui établirait les principes nationaux suivants :
* Une administration publique : L'enseignement postsecondaire est dispensé sans but lucratif et les crédits pour l'enseignement postsecondaire sont affectés aux universités et collèges publics.
* L'accessibilité : La garantie que tous les étudiants aptes aux études universitaires ont librement et également accès à des études postsecondaires;
* La polyvalence : L'enseignement postsecondaire au Canada est un système public qui offre aux étudiants une gamme complète de choix éducationnels.
* La liberté universitaire : La protection du principe de la recherche libre et indépendante ainsi que l'autonomie universitaire et intellectuelle des établissements postsecondaires;
Selon le projet de l'ACPPU, un conseil consultatif indépendant sur l'enseignement postsecondaire serait également mis sur pied et il ferait rapport chaque année sur la manière dont Ottawa et l'ACPPU respectent leurs engagements à l'égard des principes de la loi.
«À l'aube du troisième millénaire, il est temps que les gouvernements reconnaissent le besoin d'investir dans notre avenir en réparant les torts causé à nos universités et à nos collèges», a déclaré M. Graham. «Puisque le gouvernement jouit d'un surplus budgétaire de 10 milliards de dollars, des sommes sont donc disponibles. Nous devons nous assurer qu'il existe aussi une volonté politique.»
Dans le cadre de sa campagne, l'ACPPU organise une importante conférence en octobre sur l'influence que les intérêts commerciaux privés exercent sur les universités et les collèges. Un lobby national sera ensuite organisé en novembre à Ottawa.
Traduit de l'article «CAUT Begins Campaign to Shore Up Funding».