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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

novembre 1999

La tendance à la commercialisation : un prix à payer pour les universités?

Ursula Franklin a mis en garde les 150 participants à la conférence de l'ACPPU, intitulée «Universities and Colleges in the Public Interest», contre la commercialisation qui éloigne le système d'enseignement postsecondaire du Canada de son engagement envers l'utilité publique et de son principal objectif, soit de munir les jeunes des connaissances, des compétences, d'une largeur de vue et d'un sens de la critique pour affronter l'avenir.

Mme Franklin, professeure émérite de l'Université de Toronto, s'est également inquiétée du fait que les intérêts privés minent l'intégrité de la recherche et des chercheurs en orientant de manière préjudiciable la recherche fondamentale et appliquée.

Prenant la parole à la suite de Mme Franklin, Janice Newson a décrit la commercialisation comme un phénomène qui modifie principalement la mission de service public de l'université pour en faire une mission de service privé, ce qui limite la quête du savoir et prépare les étudiants à un avenir prédestiné. Wayne Renke a offert aux participants un regard critique sur les termes du sous-titre de la conférence, à savoir «Stopping the Commercial Takeover of Post-Secondary Education», et a laissé entendre que nous disposions des structures pour relever ces défis.

Le président de l'ACPPU, Bill Graham, a fait état des ententes secrètes de plus en plus courantes entre les universités et les collèges et des donateurs du secteur privé pour faire face aux compressions budgétaires des gouvernements. Il a donné l'exemple d'ententes entre l'Université de Toronto et Nortel, Barrick Gold, la Fondation Rotman, et Bell-Emergis. Il a fait remarquer que ces ententes compromettaient l'intégrité de l'établissement, tentaient de gouverner la recherche et l'enseignement et de miner les structures collégiales de direction.

Ann Clark, Nancy Olivieri, et Michèle Brill-Edwards ont montré comment les intérêts de l'entreprise privée nuisaient à la recherche médicale et agronomique.

La tentative des sociétés d'utiliser les universités et les collèges comme sites de mise en marché de biens et services privés est un autre sujet qui a été soulevé. Les conférenciers ont signalé de nombreuses formes, du contrat exclusif avec des fournisseurs à la publicité sur les murs des couloirs, en passant par des rétributions financières pour les professeurs qui mentionnent le nom d'un produit dans leur cours.

David Noble et Langdon Winner ont traité d'une troisième forme de commercialisation, soit la tentative d'utiliser de nouvelles technologies pour transformer l'enseignement en un produit de base. La présentation ironique que Winner a faite de la nouvelle machine de la compagnie Edu-Sham, le PA (professeur automatisé), lui a valu une ovation debout.

Bill Bruneau, Maureen Shaw et Michael Conlon, le président national de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, ont traité du dernier thème, soit l'imposition d'un modèle de gestion des universités et des collèges calqué sur le secteur privé.

Marjorie Griffin Cohen a prévenu les participants que le Canada risquait de ne plus pouvoir maintenir et améliorer son système public d'enseignement à cause des prochaines négociations commerciales de l'Organisation mondiale du commerce. Elle a fait remarquer que des pressions étaient exercées pour inclure l'éducation dans l'Accord général sur le commerce des services qui sera renégocié au cours des trois prochaines années.

Jean-Paul Lainé, de l'Université de Rouen, Sir David Weatherall, professeur de médecine à Oxford, et Denise Angers, vice-présidente de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, ont composé un groupe d'experts qui ont respectivement traité de la commercialisation de l'enseignement et de la recherche en France, en Angleterre et au Québec.

Des défis aux solutions, Paul Axelrod et Claire Polster ont expliqué comment les universités et les collèges pouvaient reprendre leur rôle axé sur l'intérêt public.

Dans les ateliers tenus tout au long de la conférence, les participants ont mis au point une liste de mesures spécifiques que les associations locales, provinciales et nationales pourraient prendre et ont proposé des initiatives que les membres du corps universitaire pourraient réaliser pour défendre leur profession et leur établissement d'enseignement public.

Au cours des quatre prochains mois, les états de la conférence et les listes de mesures spécifiques seront publiés dans le deuxième volume de la nouvelle série de monographies édité par James Lorimer & Company. «Dans l'intervalle, les associations locales qui désirent des exemplaires des listes de mesures spécifiques devraient communiquer avec nous directement», a recommandé le directeur général de l'ACPPU, Jim Turk.

Une déclaration a été adoptée à la plénière finale qui réaffirme l'engagement envers l'enseignement postsecondaire au service de l'intérêt public et qui s'oppose aux restrictions imposées à la création ou à la diffusion du savoir.

L'ACPPU se fera un plaisir d'aider les associations locales qui aimeraient organiser à leur université un colloque sur la commercialisation.