L'administration de l'Université de Moncton semble déterminée à restructurer ses unités académiques, en dépit de la forte opposition du corps professoral et de la population étudiante.
À l'automne 1999, pour la troisième fois en trois ans, le campus était replongé dans la controverse avec le dépôt successif du Rapport d'un consultant externe, M. Michel Gervais, ancien recteur de l'Université Laval, et celui de notre recteur, M. Jean-Bernard Robichaud, qui reprenait les principaux éléments du précédent. Le Plan Robichaud prévoit notamment créer quatre nouvelles facultés, dont une Faculté des sciences de la santé, fusionner deux des plus grosses facultés, celle des Arts, et celle des Sciences sociales, changer le statut des écoles professionnelles, et fusionner des départements.
La position de l'ABPPUM (Association des bibliothécaires, des professeures et professeurs de l'Université de Moncton) en la matière a toujours été que nous sommes prêts à discuter de scénarios de restructuration, mais que celui-ci est carrément inadéquat.
De plus, les disciplines fondamentales, que l'on devait protéger dans l'exercice de restructuration, verront leur influence encore plus rétrécie face aux disciplines appliquées.
En plus de tout cela, il n'y a pas eu de véritable consultation autour du rapport Robichaud. Malgré l'objection très forte de l'ABPPUM et de la fédération étudiante, le recteur soumettait son rapport pour approbation au Sénat académique le 3 décembre dernier. Lors de cette réunion tendue (une séance publique, à la demande de l'ABPPUM), une proposition fut adoptée, soit celle créant la nouvelle Faculté des sciences de la santé. La suivante portait sur la fusion de la Faculté des arts et de la Faculté des sciences sociales : le scrutin secret donna lieu à un vote égal : 19 pour, 19 contre. Le président d'assemblée, qui n'est pas membre du Sénat et qui n'a donc pas droit de vote, donna alors le vote prépondérant au président du Sénat, le recteur Robichaud, qui avait déjà voté sur la motion. Celui-ci s'est empressé de briser l'égalité et de faire approuver sa proposition. Devant la consternation générale, le président d'assemblée ajourna la réunion jusqu'au 28 janvier pour étudier les 17 propositions restantes du rapport.
Le Conseil des gouverneurs, à sa réunion du 11 décembre, adopta les deux mesures approuvées au Sénat académique, et en ajouta une troisième, soit la mise en oeuvre de ces décisions le 1er juillet 2000.
L'ABPPUM convoqua une assemblée générale extraordinaire pour le 16 décembre afin de faire le point sur cette question et sur celle de nos négociations en cours (voir le texte de notre président, Greg Allain, dans le Bulletin de janvier). L'assemblée générale extraordinaire demanda par un vote massif au Bureau de direction d'opposer une résistance farouche aux tactiques de l'administration, et ce, au plan syndical et au plan légal.
Sur le premier front, nous avons, dans les jours qui ont suivi l'assemblée générale extraordinaire, déposé deux griefs faisant état de nombreuses violations de la convention collective. Ils ont été bien sûr refusés par l'administration et ont été depuis renvoyés à l'arbitrage.
Sur le deuxième, nous avons déposé une requête devant la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick pour faire annuler les décisions prises car nous les estimons illégales, et obtenir une injonction pour empêcher le processus de restructuration de continuer tant que la cause ne serait pas entendue en cour. Les éléments invoqués sont notamment le double vote du recteur et le fait que les gouverneurs se sont prononcés sur une proposition non votée au Sénat.
Le juge convoqua les deux parties devant la Cour le 25 janvier. Nous y apprenions que la direction de l'Université avait accepté «de bonne foi» de reporter la réunion du Sénat académique du 28 janvier au 9 mars prochain, ce qui annulait la demande d'injonction, puisque le juge avait fixé les dates du 14 au 15 février pour entendre la cause sur le fond. Il a assuré les deux parties que sa décision serait prise rapidement par la suite.
Nous avons annoncé à nos membres que nous considérions ces développements comme une victoire, car sans nos démarches syndicales et juridiques, le rouleau compresseur de l'administration aurait continué ses ravages lors
de la réunion du Sénat académique annoncée pour le 28.
Nous estimons que cette lutte est cruciale, car l'enjeu est le respect par la haute administration de son corps professoral et de son corps étudiant. La tentative d'imposer une fois de plus un projet de restructuration mal conçu et sans consultation véritable illustre de nouveau une attitude arrogante et méprisante de la part du recteur Robichaud et de son administration.
Paul Dubuc est vice-président à l'interne de l'Association des bibliothécaires, des professeures et professeurs de l'Université de Moncton.