La Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université a vivement réagi au projet de financement des universités rendu public par le ministre de l'Éducation du Québec, François Legault, en avril dernier. Après une Politique à l'égard des universités qui suscitait légitimement l'inquiétude par son approche de la mission des universités et l'atmosphère comptable dans laquelle elle baigne, le ministre de l'Éducation a lancé un projet de financement qui illustre jusqu'à quel point il n'a toujours pas compris la richesse du réseau universitaire québécois dont il est en train d'étouffer la générosité et le dynamisme par des mesures mercantiles sans précédent dans le monde de l'éducation et totalement inadaptées au développement des universités.
La FQPPU s'oppose à ce document parce qu'il propose seulement un assortiment de mesures à court terme qui ne répondent en rien aux véritables problèmes des universités québécoises et ne tiennent pas compte de leur spécificité. Il cible des secteurs privilégiés de développement liant ainsi les universités à l'évolution des besoins de la main d'œuvre, au détriment de la qualité de l'enseignement, et favorisant la dépendance des universités à l'égard de l'industrie.
De plus, la FQPPU estime que le projet de financement porte atteinte à l'autonomie des universités et que la recherche obsessive de « productivité du personnel » émane d'une ignorance étonnante des conditions réelles du travail universitaire, de l'équilibre à maintenir entre la recherche et l'enseignement et des exigences d'encadrement de la population étudiante.
Enfin, selon la FQPPU, le document ministériel traite la formation universitaire, l'accès à la culture et à l'esprit critique et l'acquisition de compétences comme des denrées de supermarché.
Rappelant que la base essentielle du contrat qui lie les universités à la société repose sur le respect de leur autonomie, respect dont elles doivent être assurées de la part d'un gouvernement qui a pour rôle de soutenir leur développement comme institutions autonomes de caractère public, la FQPPU déplore que le projet du ministre Legault montre, au contraire, le mépris avec lequel le gouvernement traite la tâche professorale, l'insouciance à l'égard des effets pervers d'une telle politique de financement sur la qualité de l'enseignement, de l'encadrement et de la recherche universitaire.
Le projet témoigne d'une vision fragmentée du monde universitaire, essayant sans succès de réconcilier les responsabilités administratives, les préoccupations comptables, les nécessités du marché et de la compétition et les objectifs de rendement. Il ignore notamment que la vie universitaire repose fondamentalement sur une relation pédagogique entre les professeures et les étudiants qui ne peut porter de fruit que si elle est enracinée dans la liberté universitaire.
Selon la FQPPU, le projet de financement favorise une dilution progressive de la nature et du rôle spécifique de l'université dans la société.
Les professeurs d'université ne cessent de donner. Depuis que la vague des compressions budgétaires les a frappés de plein fouet, ils ont accepté un alourdissement considérable de leur tâche telle que, de l'avis même des administrations d'université, la qualité de la formation est maintenant en jeu. Cela n'empêche pas le ministre de vouloir étrangler un peu plus le système.
La FQPPU convient que les universités doivent avoir des comptes à rendre mais elle ne tolère pas que la reddition de comptes prenne l'allure d'une véritable enquête quasi-policière. La politique de financement actuelle est un ensemble de mesures coercitives destinées à contrôler le monde universitaire sans égard à la qualité de l'enseignement et de la recherche qui s'y pratiquent. L'équilibre atteint dans chaque établissement entre les administrations universitaires et le corps professoral est menacé. Le ministre doit savoir qu'il y aura des conséquences graves à toute atteinte à cet équilibre enchâssé dans les conventions collectives.
Ainsi que l'a répété à maintes reprises la FQPPU, si le gouvernement traite les réformes organisationnelles et la rationalisation des programmes en cours dans les universités comme des préalables au redressement du financement public dont les universités ont un urgent besoin, il continue alors à cautionner une politique de coupures budgétaires et de désengagement à l'égard des universités. Il n'a donc pas compris la nature de sa responsabilité face à l'enseignement et à la recherche universitaires.
La FQPPU invite le ministre à reprendre contact et à consulter l'ensemble des acteurs du monde universitaire avant d'arrêter un texte définitif. Il doit revoir ses positions afin que, dans un document de cette importance, les véritables intérêts de la société soient respectés.