l'aube de notre cinquantième anniversaire d'existence, nous devons lutter autant maintenant pour préserver la liberté universitaire qu'aux premiers jours. Certains estiments que la liberté universitaire est un produit de base, comme si elle faisait partie intégrante de notre rémunération en tant que groupe d'employés (voir la récente décision arbitrale relative à l'Université Queen's). Le plus grand danger se situe peut-être du côté de l'enseignement virtuel, de la réification, de l'internationalisation et des objectifs des négociateurs commerciaux qui, à Genève et à huis clos, sont en train de renégocier l'Accord général sur le commerce des services (GATS).
Sans opposition, les résultats des discussions du GATS seront mis en valeur et l'influence des intérêts commerciaux dans nos universités continuera de s'étendre et de s'intensifier. Notre enseignement et nos efforts de recherche seront classés parmi les services commerciaux. L'inclusion des services d'éducation touchera nombre de nos activités qui seront traitées comme des produits de base. Le contrôle et l'influence d'éléments étrangers ne feront qu'augmenter. Un processus de classement et de reclassement accordera un caractère spécifique aux services d'éducation, ce qui accentuera l'ingérence extérieure dans les programmes et les cours. Selon la définition actuelle des subventions, nombre de nos pratiques, notamment l'aide financière publique à nos étudiants et à leurs recherches peuvent être perçues comme des obstacles au libre-échange et être soumises à un mécanisme de règlement des différends, ce qui créerait du coup un climat de conflit.
En bout de ligne, un monde idéal d'uniformité et d'homogénéisation prévaudra, au nom de la valorisation du commerce. Les diverses façons d'aborder et de livrer le contenu d'un programme, comme cela se fait actuellement dans nos universités, ne seront plus que chose du passé. La diffusion virtuelle de l'information aux étudiants permettra de transformer l'enseignement universitaire en un produit de base commercialisable. La quête de la connaissance s'effectuera séparément de l'enseignement. Les conseils d'université, les conventions collectives et la liberté universitaire tomberont, victimes de la tendance à vendre les services d'éducation. Le commerce sans contraintes n'aura que faire de ces obstacles sur son chemin. Enfin, l'autonomie des universités souffrira de cette situation, si elle n'est d'ailleurs pas complètement en péril. Notre profession deviendra précaire. Les mots et les idéaux tels l'engagement à long terme, la responsabilité sociale et la connaissance pour l'intérêt commun seront, au mieux, funestement compromis ou, au pire, anéantis.
Voilà, sans l'ombre d'un doute, un sombre tableau. Chose certaine, il a été voulu ainsi pour attirer l'attention. C'est une situation qu'aucun d'entre nous n'est prêt à accepter.
Avant toute chose, nous pouvons comprendre à fond les conséquences possibles du GATS sur nos établissements d'enseignement et sur l'éventail des outils que nous utilisons dans notre enseignement et nos recherches. La quête de la connaissance et l'enseignement de ces connaissances ne doivent pas être séparés. Il faut prendre les mesures nécessaires pour les promouvoir à l'intention de l'ensemble du corps professoral.
Nous devons nous rendre compte des effets à long terme de l'accord sur nos fonctions professionnelles et tenter de découvrir ce qui se passe à la table de négociation du GATS. L'analyse des effets possibles sur l'enseignement postsecondaire nous permettra d'élaborer des positions et des arguments en vue de contester le fonds et le processus de cet accord.
À une autre échelle, nous pouvons chercher des alliés résolus à conserver la liberté universitaire, la diversité des programmes et des méthodes, les organes décisionnels collectifs, entre autres les conseils d'université, et l'autonomie des universités. On trouvera certains de nos plus solides alliés en Amérique. Le Red-SEPA (le Civil Society Network for Public Education in the Americas) par exemple, excroissance de l'IDEA (Initiative for Development of Education in the Americas), énonce des objectifs et des programmes qui abordent des préoccupations au sujet de la mondialisation, de la réification, de l'internationalisation et de l'enseignement. Les membres du SEPA et de l'IDEA se réuniront à la cinquième conférence tripartite pour la défense de l'enseignement public devant avoir lieu à Zacatecas, au Mexique, du 3 au 5 novembre 2000. Les thèmes de cette rencontre porteront sur le financement de l'éducation, la réification et l'internationalisation. Les organisateurs de la conférence ont invité l'ACPPU à y participer. En outre, ils invitent en particulier la participation de nos associations locales.
Divers stratèges commerciaux préconisent une recherche concertée pour analyser l'incidence du GATS et de l'ALENA sur l'enseignement postsecondaire. Ils proposent également des recherches sur les priorités éducationnelles dans les régions en développement de l'hémisphère. Le programme de recherche du SEPA sur des questions éducationnelles de l'hémisphère est un élément digne d'intérêt. Je considère ces recherches comme d'importantes possibilités pour nous tous.
Le SEPA et l'IDEA nous offrent sans aucun doute une occasion d'échanger avec des alliés des idées et des méthodes au niveau inférieur sur des points d'intérêt commun. J'espère que vous serez avec nous lors de la cinquième conférence tripartite pour la défense de l'enseignement public.