Trente-cinq ans après le rapport Duff-Berdahl (University Government in Canada), la direction des universités canadiennes a évolué. Il s'avère intéressant de faire un tour d'horizon des changements survenus.
Nous pouvons évoquer trois moments marquants de l'histoire de notre association pour illustrer cette évolution, soit le rapport Duff-Berdahl, publié en 1966, le rapport du Groupe indépendant sur la direction des universités (GIDU), paru en 1993, et les événements des deux dernières années.
Les recommandations du rapport Duff-Berdahl ont été formulées à une époque où les universités étaient financées en majeure partie par les deniers publics et alors que « (...) la direction interne des universités n'était pas influencée de manière importante par les programmes fédéraux ». Les principes d'autonomie universitaire et de direction partagée sont mentionnés tout au long du rapport. Les auteurs laissent clairement entendre que le conseil d'administration est l'autorité suprême en matière financière et que les questions pédagogiques relèvent du conseil d'université. Ils reconnaissent également au conseil d'administration un rôle juridique puissant dans l'avancement de l'autonomie des universités.
Dans son rapport, le GIDU a en outre défendu le besoin, pour le conseil d'administration, de protéger l'autonomie de l'établissement et le rôle du conseil d'université dans la prise de décision collégiale. Les auteurs ont recommandé comme l'une des principales responsabilités du conseil d'administration « (...) la tâche de servir d'intermédiaire entre l'université, d'une part, et ses nombreux publics, de l'autre ». Ils ont mentionné la hausse considérable du nombre de représentants de sociétés nommés par le gouvernement au sein des conseils d'administration. Le GIDU a également recommandé une meilleure communication entre le conseil d'université et le conseil d'administration en suggérant qu'un ou deux membres du second siègent au premier.
Depuis la publication du rapport du GIDU, le conseil d'administration de divers établissements est représenté au sein du conseil d'université. La question est problématique car nombre de conseils d'université, ou l'équivalent, ne comptent environ que 50 p. 100 de membres élus. La nomination d'autres membres non élus seulement est donc préoccupante. Par ailleurs, le nombre de représentants du corps universitaire au conseil d'administration a diminué, soit en raison de la réduction du nombre d'universitaires élus, soit à cause de l'augmentation du nombre de membres nommés par le gouvernement.
Depuis deux ans, il arrive de plus en plus que le conseil d'administration délaisse son rôle historique important pour outrepasser le champ de compétence du conseil d'université, faisant fi, parfois, de cette instance supérieure de l'université. Au cours de la dernière année, le Bulletin de l'ACPPU a d'ailleurs fait état d'un cas de ce genre à l'Université Trent.
Les conseils d'université recourent à la direction commune et à la prise de décision collégiale, en dépendent et l'incarnent. Si ces principes sont dévalués, les conseils d'université sont diminués et nos établissements se rapprochent encore plus d'un modèle de gestion intégrée. Les structures qui permettent aux membres du corps professoral et du corps universitaire d'avoir la maîtrise des décisions éducationnelles sont primordiales pour le maintien de l'intégrité et de la qualité de l'université. En continuant d'insister sur une gestion descendante et sur l'élimination de la direction commune ainsi que de la prise de décision collégiale, on risque d'endommager gravement la structure et la fonction de l'université et de diminuer la qualité de l'enseignement supérieur.
Nos associations de professeurs ont contribué à intensifier la collégialité sur nos campus par la négociation de conventions collectives, l'une de leurs plus importantes réalisations depuis la publication du rapport Duff-Berdahl. Les conseils d'université doivent demeurer l'incarnation de la direction universitaire commune et de la collégialité.