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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

juin 2001

L'ex-recteur de l'Université de Toronto prône le modèle d'un marché

Robert Prichard, ex-recteur de l'Université de Toronto, estime que les universités devraient dépendre moins de l'État et profiter des forces du marché pour maintenir leur autonomie.

Prenant la parole à l'assemblée annuelle de la Société canadienne pour l'étude de l'enseignement supérieur, dans le cadre du 70e congrès annuel des sciences sociales et humaines à l'Université Laval, au mois de mai, M. Prichard a déclaré que les récentes tentatives des gouvernements d'imposer aux universités des indicateurs de rendement constituent, au mieux, un fardeau inutile, et, au pire, un non-respect injustifié de leur autonomie.

« Il existe un mode de pensée au gouvernement préconisant le contrôle des universités, afin de presser un peu plus le citron pour éliminer le gaspillage et l'inefficacité », a déclaré M. Prichard à un auditoire composé principalement d'universitaires. « En Ontario, nous avons sans arrêt des études qui examinent le gaspillage et l'inefficacité du système universitaire. Chaque fois, ces études concluent que la racine du problème est la nécessité d'injecter de nouveaux fonds. »

M. Prichard a soutenu que les universités devraient exiger moins de réglementation et de contrôle gouvernemental et qu'elles devraient se faire plus directement concurrence.

« Par rapport au système actuel, nous avons besoin d'un système plus axé sur le marché, déréglementé, compétitif et différencié. Tous les secteurs qui ont été déréglementés ont eu des retombées positives, encourageant la prestation de meilleurs services aux consommateurs. Ce modèle de marché procure aux universités plus de liberté, la liberté d'innover », a affirmé M. Prichard.

Il a également recommandé la déréglementation des frais de scolarité, ce qui permettrait ainsi aux administrateurs d'exiger des frais plus élevés que la limite actuelle imposée par les gouvernements provinciaux. Selon lui, les universités devraient diversifier leurs sources de financement en sollicitant plus énergiquement les donateurs du secteur privé afin de moins dépendre des subventions gouvernementales.

Une table ronde a suivi l'allocution de M. Prichard au cours de laquelle le directeur général associé de l'ACPPU, David Robinson, a fait part de sa profonde inquiétude quant à l'adoption par les universités d'un modèle axé sur les forces du marché.

Il a fait remarquer que la dépendance à l'égard du financement privé s'accompagne souvent de plus de conditions qui peuvent compromettre l'autonomie de l'université et la liberté universitaire du corps professoral.

« Il est curieux que certaines personnes veuillent la soumission des universités au marché au nom de l'autonomie », a déclaré M. Robinson. « Qu'on l'on se rappelle comment l'Université de Toronto s'est comportée lorsque la nomination du Dr David Healy a été annulée après qu'il eut critiqué les fabricants d'antidépresseurs, des sociétés qui sont également d'importants bailleurs de fonds. Je me demande ce que cet exemple révèle quant à l'autonomie de l'université ou à la liberté universitaire du Dr Healy. »

Arpi Hamalian, présidente de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université et participante à la table ronde, a affirmé que les universités devaient être davantage subventionnées par les deniers publics et devaient être plus responsables devant l'intérêt public en général afin de préserver leur autonomie.

« La déréglementation de l'enseignement postsecondaire, que certaines personnes proposent, minera sérieusement la liberté universitaire », a précisé Mme Hamalian. « Nos universités ont toujours mieux réagi à l'évolution des conditions économiques et ont mieux servi une population étudiante plus nombreuse lorsque les gouvernements les finançaient suffisamment. »

Le CRSH rend public un rapport sur l'avenir des humanités

Le Conseil de recherches en sciences humaines a rendu public le rapport d'un groupe de travail mis sur pied il y a deux ans dans le but de recommander des moyens de consolider les travaux d'érudition et l'enseignement dans ce domaine au Canada.

Lors d'une conférence de presse tenue dans le cadre du 70e congrès annuel des sciences sociales et humaines à l'Université Laval, le président du CRSH, Marc Renaud, a déclaré que ce rapport se voulait « à la fois une prise de conscience et un appel à l'action ».

« Il est en effet essentiel que les chercheurs, les universités et le CRSH jouent un rôle de premier plan afin que la recherche dans les humanités et l'enseignement dans ces domaines soient de nouveau reconnus comme indispensables au développement d'une société informée et productive », a précisé M. Renaud.

« Le fait de comprendre l'histoire, la philosophie, les religions, les langues, la littérature et les beaux-arts contribue à l'amélioration de notre culture nationale, à la promotion d'une société civile, ainsi qu'à l'enrichissement intellectuel, mais aussi économique, de tous les Canadiens. »

Formé de huit chercheurs en humanités, le groupe de travail a été mis sur pied en 1999 afin de répondre aux inquiétudes grandissantes face aux gouvernements et aux administrateurs d'université qui ne tenaient pas compte de la valeur des sciences humaines. Le groupe a été chargé de cerner les enjeux actuels et de définir les tendances futures pour la recherche en sciences humaine et à recommander divers moyens de consolider le domaine.

Le rapport attribue aux années de compressions imposées au financement des universités et aux budgets des conseils subventionnaires les nombreux problèmes avec lesquels sont maintenant aux prises les sciences humaines, dont une baisse de 13 p. 100 des professeurs à temps plein depuis 1978.

Le groupe de travail recommande l'injection considérable de nouveaux fonds dans l'enseignement et la recherche en sciences humaines.

« Il y a cinquante ans, la Commission Massey avait recommandé d'injecter de nouveaux fonds publics pour aider à nourrir la vie culturelle du Canada », peut-on lire dans le rapport. « Le groupe de travail reconnaît lui aussi la nécessité d'accroître les fonds alloués à l'enseignement et à la recherche dans le domaine des humanités. »

Le groupe de travail recommande fortement aux administrateurs d'université de s'assurer que, durant le processus de renouvellement du corps professoral, une part équitable et proportionnelle des nominations soit allouée aux disciplines des humanités ainsi que de revoir les critères de promotion et de permanence dans les universités, afin de reconnaître et de récompenser la valeur des travaux intellectuels publics et des activités de diffusion.

« Il faut insister de nouveau, auprès d'un vaste auditoire, sur le fait que l'enseignement et la recherche dans le domaine des humanités sont essentiels au développement et au maintien d'une main-d'oeuvre bien informée et productive, ainsi qu'à la viabilité des cultures nationales et de la société civile, et à la santé des institutions démocratiques », conclut le groupe de travail dans son rapport.

M. Renaud admet que le rapport obligera le CRSH à évaluer ses politiques actuelles de soutien des sciences humaines.

Selon M. Renaud, il faudra réviser les politiques du CRSH. Le rapport sera soumis au conseil d'administration qui discutera sérieusement des mesures à prendre.


Les chercheuses en minorité
D'après des statistiques provenant du Programme de chaires de recherche du Canada, dévoilées le mois dernier dans le cadre du 70e Congrès des sciences sociales et humaines à l'Université Laval, les chercheuses canadiennes sont sous-représentées au sein du Programme.

Les administrateurs du programme ont fourni des données désagrégées selon le sexe qui révèlent que les femmes ont obtenu moins de 17 p. 100 des Chaires de recherche du Canada. Ces données ont été fournies à la demande de Wendy Robbins, vice-présidente des questions féministes à la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales et de ses collègues Judy Stanley et Rosemary Morgan, agente d'équité et conseillère juridique de l'ACPPU.

Les trois femmes ont consacré plusieurs mois à rassembler des données sur la situation des femmes dans le secteur de l'enseignement postsecondaire. Elles ont divulgué les résultats de leur étude au colloque du Réseau des questions féministes le 29 mai à l'Université Laval.

Mme Robbins a estimé que certains résultats étaient encourageants mais que d'autres montraient qu'il y avait encore du chemin à parcourir. « Les femmes forment près de 57 p. 100 des diplômés mais demeurent minoritaires chez les titulaires d'un doctorat », a-t-elle expliqué. « Par ailleurs, les données révèlent qu'elles sont toujours sous-représentées au sein du corps professoral. » Ainsi, seulement 26 p. 100 des professeurs canadiens, à tous les rangs, sont des femmes et près de 44 p. 100 sont des professeures de rangs inférieurs.

Le génie et les sciences sont deux disciplines où les professeures sont toujours minoritaires. Bien que le nombre de femmes titulaires d'un doctorat en génie soit passé de 3,3 p. 100 en 1972­1973 à 11,2 p. 100 en 1996­1997, leur représentation à tous les rangs n'a augmenté que de 0,94 en 1972 à 8,13 p. 100 en 1998.

En ce qui concerne l'écart entre les revenus, Mme Morgan a soutenu que les femmes demeurent perdantes mais que leur situation s'est améliorée. Selon Statistique Canada, le traitement des professeures, tous rangs confondus, se situe à 94 p. 100 de celui de leurs collègues masculins (lorsque le rang, l'âge et l'expérience sont égaux).

« Les statistiques montrent que l'équité salariale est encore à l'horizon, » a conclu Mme Morgan. La comparaison des traitements et des taux de représentation des professeures occupant des postes à temps partiel n'est pas connue (les universités ne tiennent pas toutes des dossiers à jour). Toutefois, des données non scientifiques suggèrent que les femmes demeurent majoritaires au sein de ce groupe d'universitaires le moins bien rémunéré.