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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

novembre 2001

Mal avisé, le projet de loi porte atteinte aux libertés fondamentales

Par Tom Booth
Les événements violents du 11 septembre survenus aux États-Unis ont horrifié la population canadienne. Dans le climat de peur qui s'est installé après les attentats, le gouvernement canadien s'est acharné à élaborer une riposte à ces atrocités qui a pris la forme, en partie, du projet de loi antiterroriste C-36.

Malheureusement, ce projet de loi est fondamentalement mal avisé. Il suscite des espoirs non pas pour les Canadiennes et les Canadiens mais pour les auteurs des attentats contre le Pentagone et le World Trade Center. Le projet de loi C-36, à l'instar des événements du 11 septembre, porte atteinte à la sécurité et à la liberté.

Les personnes qui ont planifié et exécuté les actes violents du 11 septembre visaient le même objectif, soit semer la panique, et elles ont réussi. Rédigé dans la hâte, ce projet de loi mal conçu n'est pas le fruit d'une mûre réflexion mais plutôt d'une réaction à la peur engendrée par les auteurs des attentats et, peut-être, de personnes impatientes de faire progresser leur propre programme politique en fonction des événements de cette journée.

La partie du projet de loi qui tente de définir « l'activité terroriste » illustre bien cette panique.

Les mots « terrorisme » et « terroriste » sont des péjoratifs utiles mais, d'un point de vue analytique, ils ne veulent rien dire. À la base, ils font référence à l'usage de la violence contre des civils à des fins politiques. Hélas, cette définition saisit un comportement pratiqué par la plupart des sociétés à un moment donné.

Il est impossible de formuler une définition du terrorisme qui saisisse le sens de l'activité que nous voulons censurer mais qui exclut la conduite que nous sanctionnons. Néanmoins, les rédacteurs du projet de loi ont travaillé dans l'urgence de produire des résultats, ce qui a donné, comme l'ont fait remarqué l'Association du Barreau canadien et l'Association canadienne des libertés civiles, une définition de « l'activité terroriste » qui englobe un vaste éventail d'actes de désobéissance civile non violents. Cette définition ne fait pas la distinction entre la violence visant des organes de l'État et la violence ciblant des civils. Elle ne distingue pas non plus entre l'usage légitime et illégitime de la violence contre des organes de l'État.

La définition de l'activité terroriste du projet de loi englobe de nombreuses tactiques pacifiques, notamment les piquets de grève et les barrages qui sont régulièrement utilisés par les Premières nations, les syndicats et les manifestants antimondialisation entre autres. Le projet de loi définit en outre comme « activité terroriste » la réaction armée de personnes, dont les récriminations sont légitimes, contre la répression de l'État. Si ce projet de loi avait été adopté il n'y a pas si longtemps, on aurait donné à Nelson Mandela, au Congrès national africain et à leurs partisans l'étiquette de terroristes.

Si ce projet de loi est adopté sans modification, il réduira la dissension légitime au Canada et confortera les chefs des états étrangers qui répriment les droits de leur population ou ceux d'autres peuples. Dans le contexte de cette tentative de définir « l'activité terroriste », il est tout aussi effrayant de constater que le projet de loi C-36 prévoit des dispositions permettant au gouvernement de supprimer le droit au silence, d'emprisonner des gens sans chef d'accusation, d'intercepter des communications personnelles sans autorisation judiciaire, d'interdire la divulgation de renseignements gouvernementaux sans révision ou appel et d'utiliser des preuves secrètes contre des groupes et des individus.

Bien que ces dispositions doivent inquiéter tous les Canadiens et Canadiennes, elles suscitent particulièrement des préoccupations chez les universitaires. Même avant le 11 septembre, l'État a fait preuve d'un comportement équivalant à criminaliser la dissension. À preuve, l'État a réprimé l'offensive pacifique de manifestants étudiants contre des dictateurs du tiers monde lors du sommet de l'APEC à Vancouver ou a lancé des gaz lacrymogènes sur des étudiants manifestant pacifiquement au sommet de la ZLEA à Québec. La liberté universitaire, fragile aux meilleurs moments, fait également face à de nouvelles attaques, dont le harcèlement injustifié de professeurs par les forces de sécurité de l'État.

Les expériences passées montrent que, lorsqu'une loi est amenée au parlement dans la hâte et dans un climat de panique, les libertés civiles et la vie des citoyens canadiens peuvent subir des torts considérables. Alors que le fédéral réfléchit à sa riposte aux événements du 11 septembre, l'internement, de triste mémoire, de Canadiens d'origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale devrait demeurer à l'esprit.

Il est maintenant temps de tirer des leçons de l'histoire. Nous devons agir calmement et de manière rationnelle. Nous devons aussi protéger les libertés civiles qui définissent le caractère de la société démocratique que nous voulons défendre. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-36 ne le fait pas. Il doit être révisé.