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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

février 2002

Les communautés rurales et isolées sont les plus touchées par la pénurie de fonds

Un ancien ministre de l'Éducation de la Colombie-Britannique et ex-président du Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) affirme que les universités et collèges du pays souffrent à cause d'un manque de leadership et de volonté des élus.

Paul Ramsay a fait ce commentaire lors de sa première intervention publique depuis son départ de la politique, à l'occasion des audiences sur l'avenir de l'enseignement postsecondaire organisées par l'ACPPU à Prince George le mois dernier.

« À mon avis, il existe un manque flagrant de plan cohérent pour l'enseignement postsecondaire dans ce pays », a-t-il déclaré le 17 janvier. « Nous semblons incapables de nous mobiliser, en tant que pays, pour déterminer les buts du système, nous entendre sur sa taille et sur les principes d'accès et de soutien. Nous déléguons plutôt la tâche à une myriade d'organismes fédéraux et à dix gouvernements provinciaux. On se demande même si, à tout moment donné, seulement deux ou trois de ces gouvernements provinciaux sont sur la même longueur d'onde. »

Il a dit que le Canada doit bâtir un système national d'enseignement postsecondaire vigoureux mais que ni le gouvernement fédéral ni les provinces ne s'engagent à faire le travail.

« Il n'y a pas d'engagement fédéral envers l'enseignement postsecondaire », a ajouté M. Ramsay. « Et, avec tout le respect que je dois à mes anciens collègues, le Conseil des ministres de l'Éducation (Canada) n'est pas en mesure d'assumer cette tâche. L'adoption d'une loi fédérale sur l'enseignement postsecondaire, suggérée par l'ACPPU, constituerait un pas dans la bonne direction. Sans cette prise en charge au palier fédéral, nous n'aurons jamais la volonté nationale d'édifier un système d'enseignement supérieur assez conséquent et accessible pour répondre aux besoins de ce pays. »

Les audiences de Prince George, menées sous l'égide des associations des corps professoraux de l'University of Northern British Columbia, du College of New Caledonia et de la College Institute Educators' Association of B.C., sont les troisièmes d'une série de consultations publiques organisées par l'ACPPU pour mettre en évidence les difficultés que rencontrent les universités et collèges du Canada.

La population étudiante, le corps professoral, l'administration des universités et collèges, ainsi que les groupes communautaires ont comparu devant le comité présidé par Wendy John, directrice régionale associée générale du bureau régional de la Colombie-Britannique du ministère des Affaires indiennes et du Nord, Murry Krause, président du conseil d'administration du College of New Caledonia et directeur général de la Central Interior Native Health Society, et Anne Martin, présidente de la Prince George Regional Art Gallery Association et ancienne vice-présidente du conseil d'administration de l'UNBC.

Selon David Russell, étudiant à l'UNBC, la question la plus cruciale qui se pose pour l'enseignement postsecondaire est la pénurie de fonds publics : « Le moyen le plus facile de trouver de l'argent est de hausser les droits de scolarité. Mais si nous laissons ces droits grimper jusqu'à ce qu'ils couvrent les coûts, nous commencerons à voir que seuls les riches s'éduqueront ».

La Colombie-Britannique a gelé ou réduit les droits de scolarité depuis 1996, mais les groupes étudiants craignent que le gouvernement libéral nouvellement élu n'élimine ce gel.

« Une hausse importante des droits de scolarité peut avoir un effet dissuasif », a expliqué Nedinska MacEachern, directrice des affaires extérieures de la Northern Undergraduate Student Society à l'UNBC. « Je pense qu'une hausse des droits de scolarité entraînera un déclin de la diversité de la population étudiante. »

M. Ramsay a avancé que le débat ne devrait pas porter seulement sur le gel ou le dégel des droits de scolarité mais sur leur élimination pure et simple.

« Il est temps d'avoir un débat national afin de déterminer si nous devrions faire payer des jeunes et des moins jeunes pour qu'ils puissent aller au collège ou à l'université », a-t-il déclaré. « Nous avons pris cette décision pour l'enseignement secondaire il y a longtemps quand nous avons réalisé qu'un diplôme du secondaire était profitable non seulement pour les diplômés mais pour la société. Je pense que le même raisonnement vaut pour l'enseignement postsecondaire aujourd'hui. Certains de nos concurrents du marché international ont déjà pris ces décisions. Et si l'Irlande peut le faire, pourquoi diable le Canada ne le pourrait-il pas? »

Selon Jamie Campbell, étudiant aux cycles supérieurs à l'UNBC, pour les étudiants de son niveau, les problèmes de financement font qu'il y a moins de professeurs pour les superviser, que les assistants d'enseignement doivent travailler plus pour le même salaire et que moins de cours des cycles supérieurs sont offerts.

« Il existe une grave pénurie de professeurs, surtout dans des postes permanents ou menant à la permanence », a ajouté M. Campbell. « Trop souvent, on pallie la pénurie en embauchant des chargés de cours qui sont qualifiés mais ne peuvent pas assumer toutes les tâches que des titulaires de postes permanents ou menant à la permanence doivent assumer. Il faut plus de postes de professeurs pour assurer une supervision appropriée aux cycles supérieurs, pour alléger la tâche des assistants d'enseignement, pour réduire la taille des classes et pour accroître le choix de cours. »

Les administrations universitaires recourent de plus en plus à des contractuels pour réduire les coûts estime Ian Birch, chargé de cours à l'UNBC : « Des ghettos de personnel enseignant se forment dans les universités à l'échelle du pays. Nous avons souvent les plus grandes classes, les classes dont personne ne veut. Certains chargés de cours ne peuvent même pas aller aux réunions concernant les programmes et n'ont par conséquent pas l'occasion de donner leur opinion sur la façon dont leur programme fonctionne. »

Il a ajouté que la situation précaire des chargés de cours a de graves conséquences sociales : « Craignant de perdre leur emploi, les chargés de cours limitent inévitablement ce qu'ils disent dans la salle de classe. Cette attitude ne sert pas du tout l'intérêt public car ils ne sont peut-être pas aussi critiques qu'ils le devraient du monde qui les entoure. »

Pour sa part, Darwyn Coxson, président de la Confederation of University Faculty Assocations of British Columbia et professeur à la UNBC, estime que la localisation de son université dans un milieu rural et isolé est un attrait pour certaines personnes mais qu'à cause du manque de soutien à l'enseignement et à la recherche, il est difficile de garder les membres du corps professoral.

« Il ne se passe pas une semaine sans que je parle à quelqu'un qui a été sollicité pour aller travailler ailleurs », a-t-il affirmé. « J'affecte des professeurs à des étudiants et avant qu'une étudiante ou un étudiant finisse un programme d'études supérieures, je dois trouver une ou un autre professeur car le roulement est très élevé. »

Terry Weninger, président du College of New Caledonia, admet que les établissements postsecondaires des collectivités rurales et isolées sont confrontés à des défis uniques, et met en garde contre le fait que la capacité du système de répondre aux besoins de ces collectivités « frise dangereusement l'effondrement ».

« Parfois, nous n'osons pas mettre les problèmes en évidence par peur de sembler servir nos propres intérêts. Mais le système collégial et le CNC en particulier ont trois problèmes : financement, financement et financement. En tant que collège, nous n'avons jamais eu autant de difficultés financières qu'aujourd'hui. »

M. Weninger a ajouté que les collèges comme le CNC qui servent des collectivités rurales et isolées ont de sérieux désavantages sur le plan financier mais qu'on s'attend à ce qu'ils contribuent plus que les autres au développement social et économique des collectivités locales.

Charles Jago, président de l'UNBC, a aussi fait remarquer que l'on attend beaucoup des collèges et universités des régions rurales et isolées mais que les fonds nécessaires pour remplir cette mission publique ne sont pas toujours fournis : « Je me souviens du temps où 'rural et isolé' avait une signification positive. Mais maintenant, 'rural et isolé' est associé à soins de santé insuffisants et peu de services sociaux ».

« Il est primordial d'attirer l'attention sur le rôle de l'enseignement postsecondaire dans les économies régionales. Je ne suis pas certain que l'on ait bien pris conscience de ce rôle en Colombie-Britannique, de son caractère vital et de l'importance d'allouer un financement public approprié pour avoir l'assurance que ces établissements puissent accomplir ce que le public attend d'eux. »

Andrew Yellowback, aîné autochtone et membre du conseil d'administration du CNC, a comparu aux audiences pour souligner que la population autochtone demande de plus en plus à obtenir une formation postsecondaire et qu'il est nécessaire que les gouvernements en tiennent compte.

« L'accès à l'enseignement postsecondaire est vital parce que chaque grade conféré à une personne autochtone représente un progrès non seulement de la personne ou de la collectivité en particulier, mais de toute la race humaine. Chaque grade conféré est une rebuffade aux insultes raciales à l'endroit des peuples autochtones et justifie la foi de ceux qui persévèrent lorsque l'avenir semble sans espoir. »

Quoique les participants aux audiences aient exhorté les gouvernements fédéral et provinciaux à accroître le financement de l'enseignement postsecondaire, on craint que le gouvernement de la Colombie-Britannique ne soit déterminé à sabrer encore plus les services.

« Nous avons appris que la plupart des ministères provinciaux effectueront des réductions de 20, 35 ou même 50 pour 100, et que les dépenses aux titres de la santé et de l'éducation seront gelées pour trois ans », a fait remarquer George Davidson, président de l'association des professeurs du College of New Caledonia. « À cause des inscriptions et des coûts qui augmentent plus rapidement que le taux d'inflation, un gel est en fait une réduction. Je recommande que le gouvernement provincial révise son approche des réductions d'impôt et des services publics. »

La présidente de la CIEA, Maureen Shaw, a réitéré les préoccupations concernant le gel du financement : « Face au besoin pressant d'accroître les services d'éducation, le gel de trois ans des fonds aura des conséquences néfastes sur l'accès et sur la qualité des programmes et services de nos établissements ».

Les audiences de l'ACPPU sur l'avenir de l'enseignement postsecondaire se poursuivront jusqu'en avril et se dérouleront à Fredericton, St. John's, Sudbury, Toronto, Vancouver et Windsor.