La hausse des frais de scolarité et les compressions publiques compromettent l'accessibilité et la qualité de l'enseignement postsecondaire, ont conclu les participants aux audiences publiques qui ont eu lieu à Calgary le mois dernier.
Peggy Churchward, ex-présidente de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, a déclaré que des frais de scolarité élevés encourageaient l'exclusivité.
" Alors que l'écart se creuse de plus en plus entre les niveaux de revenu les plus élevés et ceux les plus faibles au Canada, les universités risquent d'exclure des étudiants qualifiés les moins nantis, ce qui représente un gaspillage de potentiel humain que le pays ne peut se permettre. Nous devrions viser à offrir une formation universitaire à toutes les personnes qui le désirent et qui peuvent satisfaire aux conditions d'admission. "
Le but de la tenue des audiences publiques de Calgary, qui s'inscrivent dans la série d'audiences pancanadiennes organisées par l'ACPPU et ses associations membres, était d'identifier les préoccupations et les défis auxquels font face les établissements d'enseignement postsecondaire.
Les représentants étudiants qui ont témoigné aux audiences ont déclaré que, pour nombre d'entre eux, les études postsecondaires n'étaient pas à la portée de leur bourse en raison de frais de scolarité plus élevés, ce qui en obligeait beaucoup à trouver du travail à temps partiel.
" À cause des frais de scolarité en hausse, non seulement de nombreux étudiants n'envisagent même pas d'étudier à l'université, mais ils perdent aussi l'occasion de vivre une expérience complète ", a soutenu Melissa Craig du groupe Feminist Initiative Recognizing Equality de l'Université de Calgary.
" Pendant les années que nous passons à l'université, nous devrions nous concentrer sur nos études et enrichir nos connaissances au moyen de nouvelles expériences. Au lieu de cela, les étudiants sont fatigués, stressés, et occupent un emploi mal rémunéré et non stimulant pour réussir à joindre les deux bouts. "
La présidente de l'association étudiante, Barb Wright, a ajouté que la hausse rapide des frais de scolarité a forcé de nombreux étudiants à travailler à temps partiel ou à temps plein. " Selon une étude de 1999, 60 p. 100 des étudiants de l'Université de Calgary travaillaient à temps partiel, soit pendant 18 heures par semaine en moyenne. De ce nombre, 70 p. 100 ont déclaré que leurs études en souffraient. "
Mme Mary Valentich, professeure émérite de l'Université de Calgary, a constaté que plus d'étudiants se débattaient pour acquitter leurs frais de scolarité.
" Au cours de mes dernières années d'enseignement, j'ai remarqué un plus grand nombre d'étudiants qui occupaient jusqu'à deux emplois à temps partiel pour pouvoir assumer la hausse des frais de scolarité, du prix des livres et du coût de la vie. Naturellement, l'investissement dans leur apprentissage diminue à mesure qu'ils luttent pour payer leurs dépenses. De nombreux étudiants sont accablés par le poids de leurs engagements envers les études, le travail et la famille. "
Pour Shea Ellingham, agente des communications pour l'association des étudiantes et étudiants diplômés de l'Université de Calgary, le système d'enseignement postsecondaire de la province vit un bouleversement.
" Le système d'enseignement postsecondaire a atteint un point critique. Les compressions gouvernementales ont obligé les établissements d'enseignement à chercher de nouvelles sources de financement et ont fait bondir les frais de scolarité. Depuis dix ans, les frais de scolarité ont augmenté de plus de 200 p. 100. L'endettement des étudiants est devenu impossible à gérer. "
Mme Ellingham a ajouté que les étudiants craignent que l'université impose des frais de scolarité différentiels pour les programmes de médecine, de droit et de génie notamment.
" Lorsque les frais différentiels seront en vigueur, les étudiants issus de famille à faible revenu n'auront même pas le choix d'un grade d'une faculté professionnelle. Pour 44 p. 100 des étudiants albertains du secondaire qui ne se dirigent pas vers des études collégiales ou universitaires, les frais de scolarité sont la raison principale de leur décision de ne pas fréquenter un établissement d'enseignement postsecondaire.
Des représentants des étudiantes et étudiants diplômés ont également fait part de leurs inquiétudes quant aux effets du financement privé sur la liberté universitaire et l'intégrité de la recherche.
" Le financement privé soulève des préoccupations sur la façon dont il influencera la liberté universitaire des étudiantes et étudiants diplômés, les droits qu'ils détiennent sur la propriété intellectuelle et l'équilibre des fonds entre les départements ", a déclaré Michelle McCann, présidente de l'association étudiante.
" La présence des bailleurs de fonds du secteur privé se fait de plus en plus sentir dans les universités. Pour certains étudiants diplômés, la recherche qu'ils font grâce à des subventions privées ne peut être ajoutée à leur thèse. Puisque ce genre de financement est en hausse, certains étudiants sont en train de signer l'abandon de leur droit à la propriété intellectuelle. "
Selon John Baker, président de l'University of Calgary Faculty Association, les universitaires trouvent de plus en plus difficile de fournir un enseignement de grande qualité à leurs étudiants en raison des compressions budgétaires.
" Depuis de nombreuses années, on demande au corps professoral d'en faire beaucoup plus avec beaucoup moins, d'enseigner à des groupes plus nombreux avec moins de soutien. Ainsi, le University Fact Book révèle que la taille d'une classe moyenne pour un cours de première ou deuxième année a augmenté de 37 p. 100 au cours des dix dernières années. "Il ajouté que les problèmes de financement compromettent également la capacité du corps professoral à effectuer de la recherche.
" L'université et son corps professoral sont convaincus de l'importance de la recherche mais les outils à notre disposition, soit les fonds des bibliothèques, les laboratoires et l'équipement, le financement pour les étudiants diplômés et le temps que nous pouvons consacrer à la recherche, sont insuffisants dans tous les secteurs et nettement insuffisants dans certains autres.
On a notamment donné l'exemple de la bibliothèque qui a un urgent besoin de ressources supplémentaires.
" Depuis dix ans, la bibliothèque de l'Université de Calgary a souffert, comme toutes les autres bibliothèques, de l'augmentation des coûts et de la dévaluation de la monnaie, des problèmes reliés à l'acquisition de documents provenant d'autres pays ", a expliqué Ada-Marie Atkins Nechka, directrice adjointe des collections et des services techniques à la bibliothèque de l'université. " Toutefois, ces problèmes normaux de financement se sont compliqués en Alberta à cause de coupes sombres dans l'éducation. Ces compressions sont survenues au début des années 1990 et nous en subissons encore les contrecoups. "
Ronald Bond, vice-recteur à l'enseignement de l'Université de Calgary, a convenu qu'il fallait trouver des moyens d'augmenter la qualité de l'enseignement et de la recherche à l'université.
" Nous devons relever de multiples défis ", a conclu M. Bond. " Nous partageons avec le corps professoral le même intérêt, celui de la promotion de la qualité. Nous y parviendrons uniquement si les gouvernements nous versent un financement suffisant. "