Septembre marque le premier anniversaire de l'attentat terroriste contre le World Trade Center. À l'instar de l'assassinat du président Kennedy et de l'explosion en plein vol de la navette Challenger, les souvenirs associés à cette tragédie nous habiteront pour toujours. Dans de nombreuses années, nous pourrons nous rappeler avec précision où nous étions et ce que nous faisions quand nous avons appris la nouvelle de l'attentat et la bravoure des secouristes qui ont ensuite fouillé les décombres à la recherche de survivants.
Toutefois, nous ne nous souviendrons peut-être pas que, au nombre des contrecoups du 9 septembre, figurent les attaques soutenues contre la liberté universitaire visant à faire taire les critiques de la politique étrangère américaine. L'American Council of Trustees and Alumni, que préside Lynne Cheney, l'épouse du vice-président des États-Unis Dick Cheney, a mené ces attaques. Rappelant Joe McCarthy, ce groupe a publié des listes d'universitaires qui auraient fait, selon lui, des déclarations antipatriotiques.
Des recteurs des universités et des collèges américains ont promptement pris des mesures à l'endroit des universitaires qui ont critiqué les politiques américaines. L'University of South Florida, par exemple, a congédié le professeur Sami Al-Arian pour des commentaires qu'il a formulés il y a dix ans et qui ont été rediffusés après le 11 septembre. Des journalistes qui se sont interrogés sur les agissements des États-Unis ayant provoqué l'attentat contre le World Trade Center se sont rapidement retrouvés au chômage.
Ces tactiques ont été efficaces, à preuve le silence des universitaires américains au moment où leur pays se prépare à une guerre possible contre l'Iraq. Pour protéger la liberté d'expression et la liberté universitaire aux États-Unis, nous devons la supprimer!
Les États-Unis ne sont pas les seuls à agir de la sorte. Dans d'autres pays, des universitaires ont été emprisonnés ou assassinés pour avoir exprimé leur opinion.
Au Mexique, 16 étudiants américains et leur professeur ont été expulsés du pays après avoir manifesté aux côtés d'enseignants mexicains lors de la Journée internationale des travailleurs.
En Égypte, Saad Eddin Ibrahim, sociologue et militant pour les droits humains, a été condamné à sept ans de prison pour avoir embarrassé le gouvernement en tentant d'inscrire des électeurs, d'observer des élections et de rendre compte d'attaques contre des chrétiens coptes.
Au Pakistan, Habibullah Ziaee, professeur à l'université islamique d'Islamabad, a été arrêté sans motif et personne ne sait où il se trouve. L'on soupçonne qu'il sera renvoyé de force en Iran où sa sécurité sera menacée.
En Israël, les forces de sécurité ont fermé les bureaux administratifs du recteur de l'Université Al-Quds, Sari Nusseibeh, un dirigeant palestinien modéré. Un ministre du cabinet israélien a qualifié ce geste de " triste et insensé ".
Un attentat à la bombe à l'université hébraïque de Jérusalem, mutilant et tuant des étudiants, a détruit la réputation d'oasis et de sanctuaire de cette université qui accueille, loin de la violence quotidienne, Juifs, Arabes et étudiants étrangers.
Malheureusement, certains universitaires ont également sapé la liberté universitaire de leurs collègues. Ainsi, pour répliquer aux actions d'Israël dans la bande de Gaza et en Cisjordanie à la fin de mars, des universitaires ont refusé de collaborer avec des collègues israéliens. Dans un cas entre autres, une revue savante anglaise a congédié deux universitaires israéliens membres du comité de rédaction à cause de leur nationalité.
Toutes ces actions sont contraires à la Recommandation de l'UNESCO concernant la condition du personnel enseignant de l'enseignement supérieur qui précise que, " (c)omme tous les autres groupes et individus, le personnel enseignant de l'enseignement supérieur devrait jouir des droits civils, politiques, sociaux et culturels internationalement reconnus applicables à tous les citoyens. En conséquence, tout enseignant de l'enseignement supérieur a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, d'expression, de réunion et d'association, ainsi qu'à la liberté et à la sécurité de sa personne, et à la liberté de circulation. Les enseignants devraient pouvoir exercer sans obstacle ni entrave les droits civils qui sont les leurs en tant que citoyens, y compris celui de contribuer au changement social par la libre expression de leur opinion sur les politiques de l'État et les orientations concernant l'enseignement supérieur ".
La liberté universitaire et la liberté d'expression sont les pierres angulaires d'une société démocratique. Nous, universitaires, devons être prêts à défendre les deux, de crainte que la liberté " ne devienne un mot comme les autres quand il n'y a plus rien à perdre ". L'ACPPU est née au moment de l'affaire Harry Crowe et de la lutte pour la liberté universitaire. Nous continuons aujourd'hui à protéger le droit des universitaires d'enseigner et d'effectuer de la recherche sans égard aux intérêts acceptés d'ordre politique, religieux ou commercial.