Selon toutes les indications, les études postsecondaires sont moins abordables en 2002 qu'elles ne l'ont été au cours des soixante dernières années conclut un rapport que l'ACPPU a rendu public en septembre.
Intitulé Accès refusé : l'abordabilité des études postsecondaires au Canada, le document trace l'évolution historique des frais de scolarité depuis 1857 et constate qu'ils sont plus élevés en 2002, après leur correction en fonction de l'inflation, qu'à toute autre époque. Les étudiants et étudiantes d'aujourd'hui paient six fois plus qu'en 1914.
" Les chiffres présentent un sombre tableau de la capacité financière des familles à faible et à moyen revenu à payer des études postsecondaires ", déclare le président de l'ACPPU, Victor Catano. " Des dizaines de milliers d'étudiantes et étudiants compétents risquent d'être forcés de renoncer à des études collégiales ou universitaires. "
L'étude examine dans quelle mesure les frais de scolarité sont abordables par rapport aux décennies précédentes en comparant le nombre d'heures de travail accomplies au salaire moyen d'un menuisier qui sont nécessaires pour payer des frais de scolarité. Le rapport démontre ainsi qu'il faut plus d'heures de travail pour payer des frais de scolarité aujourd'hui qu'à n'importe quelle époque depuis 1940.
" En 1870, un menuisier devait travailler environ 111 heures à 0,9 $ l'heure pour payer les frais de scolarité de premier cycle de 10 $ imposés cette année-là ", explique le rapport. " Aujourd'hui, même si le salaire horaire moyen d'un menuisier a été porté à 27 $, il faut près de 180 heures de travail pour pouvoir payer le coût des frais de scolarité, ce qui est bien en deçà du niveau le plus bas de 69 heures enregistré en 1920. En d'autres termes, les études universitaires sont beaucoup moins abordables pour les particuliers à moyen revenu en 2002 qu'à toute autre époque depuis 1940. Nous approchons d'un record historique. "
Le rapport révèle en outre que les hausses relatives les plus sensibles se sont produites au cours de la dernière décennie.
" En 1990, il fallait 102 heures de travail de production afin de payer les frais de scolarité d'une année pour un programme de premier cycle en art. En 2002, il en faut 197 ", mentionne-t-on dans le rapport.
Le fardeau financier s'accroît davantage pour les programmes professionnels.
" Les frais de scolarité des facultés de droit pouvaient être payés avec 100 heures de travail de production en 1990. Aujourd'hui toutefois, il faut 265 heures de travail. En 1990, les frais de scolarité pour une année dans un programme d'art dentaire nécessitaient 124 heures de travail comparativement à 512 heures en 2002. Dans le cas des facultés de médecine, les frais de scolarité équivalaient à 118 heures de travail de production en 1990 contre 425 heures aujourd'hui. "
Dans l'ensemble, l'étude de l'ACPPU semble remettre en question d'autres rapports qui laissent entendre que les coûts de l'enseignement postsecondaire demeurent abordables et ne compromettent pas l'accès.
Selon une étude de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire, rendue publique le 16 septembre, " l'accès à l'éducation postsecondaire demeure encore inégal. Contrairement toutefois à la perception générale, la hausse constante des frais de scolarité et l'approfondissement de l'endettement de la dernière décennie n'ont pas réduit l'accessibilité générale des étudiants aux institutions d'enseignement postsecondaire du pays."
Les auteurs du document Le prix du savoir : l'accès à l'éducation et la situation financière des étudiants au Canada soutiennent que d'autres obstacles non financiers, entre autres la préparation aux études et la compréhension des diverses options scolaires, sont plus importants pour déterminer si les diplômés du secondaire poursuivent leurs études collégiales ou universitaires.
" Il est clair que de nouveaux efforts doivent venir compléter l'assistance financière aux étudiants si on veut continuer à voir s'améliorer l'égalité d'accès ", affirme Alex Usher, co-auteur et directeur - recherche et développement de programme à la Fondation. " La simple distribution de plus gros chèques ne résoudra pas le problème. "
Les groupes étudiants estiment toutefois que le rapport de la Fondation est trompeur et qu'il tente d'excuser l'inertie des gouvernements.
" En niant les effets négatifs de la hausse des frais de scolarité et de l'endettement accru des étudiants issus de milieux socio-économiques faibles et moyens, la Fondation fournit un prétexte à une plus grande diminution de l'accès aux études supérieures ", déclare Joel Duff, président pour l'Ontario de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants.
D'après M. Duff, une bonne partie des données évoquées dans le rapport de la Fondation remontent à il y a dix ans et elles ont été rassemblées avant la hausse rapide des frais de scolarité. Il signale que Statistique Canada a récemment révélé que les diplômés du secondaire issus de groupes socio-économiques aisés sont deux fois et demi plus susceptibles de fréquenter l'université que les groupes des milieux socio-économiquement faibles.
" On contredit l'ensemble de plus en plus large de données qui prouvent le contraire en suggérant que des frais de scolarité élevés et l'endettement des étudiants ne réduisent pas l'accès à l'éducation ", conclut M. Duff.
M. Catano convient également que des preuves irréfutables montrent que la hausse des frais constitue un obstacle insurmontables pour un grand nombre d'étudiantes et étudiants compétents du secondaire. "
" Il me semble inconcevable que, justement à une époque où il est largement accepté que l'accès à des études collégiales ou universitaires est essentiel à l'épanouissement personnel des citoyens et au progrès socio-économique du pays, les gouvernements adoptent des politiques restreignant cet accès ", soutient-il.