Le directeur général de l'ACPPU, James Turk, a rencontré des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères pour leur faire part de la préoccupation que suscite le traitement infligé aux citoyens canadiens tentant de se rendre aux États-Unis ou d'y voyager.
" Surtout depuis le 11 septembre, des lois, règlements et politiques en vigueur aux États-Unis soulèvent de sérieuses inquiétudes quant aux droits humains et portent préjudice aux Canadiens aux frontières américaines ou à l'intérieur des États-Unis ", a déclaré M. Turk. " De nombreux universitaires canadiens qui travaillent aux États-Unis ou qui voyagent dans ce pays pour leur travail en sont victimes. "
Il a dit aux hauts fonctionnaires que le gouvernement canadien avait l'obligation d'offrir la protection diplomatique la plus efficace possible aux Canadiens aux prises avec les services de sécurité américains et de recourir à des moyens officieux et officiels pour inciter le gouvernement américain à mettre un terme aux pratiques violant le droit international et les obligations découlant de traités.
Il a ajouté que le gouvernement canadien, dans l'intervalle, avait la responsabilité critique d'informer les Canadiens des risques auxquels ils font face en se rendant aux États-Unis ou en y voyageant.
De récents incidents ont mis en évidence des aspects inconnus des contrôles américains. Entre autres, les Canadiens qui veulent entrer aux États-Unis peuvent être détenus parce que, selon les lois américaines, les Non-Américains ne peuvent retirer leur demande d'entrée et de sortie qu'à la seule discrétion du procureur général. Ou encore, les ressortissants étrangers de près de 20 pays peuvent être assujettis à des exigences d'inscription particulières sans égard à leur pays de citoyenneté.
M. Turk a déclaré que l'ACPPU s'opposait à cette tendance de stigmatiser les gens en vertu de leur origine ethnique.
" Étiqueter les gens selon leur origine ethnique est non seulement un indicateur cruellement inconvenant de l'activité terroriste, mais c'est aussi une pratique qui a été largement condamnée tant au Canada qu'aux États-Unis lorsqu'elle a été utilisée par les forces du maintien de l'ordre ", a-t-il prévenu. " La plupart des Canadiens sont surpris et offensés lorsqu'ils apprennent que les autorités américaines traitent des titulaires de passeport canadien de cette façon. "
L'universitaire canadien Mohamed Hassan Mohamed, soudanais d'origine, a été détenu pendant neuf heures puis s'est vu refuser l'entrée aux États-Unis où il allait accomplir ses tâches d'enseignement hebdomadaires à la State University of New York, à Fredonia, sauf s'il acceptait de signer une déclaration affirmant sa nationalité soudanaise, de se faire prendre ses empreintes digitales et de se faire ficher. Les représentants américains ont refusé de lui permettre de communiquer avec les autorités consulaires canadiennes. On l'a finalement laissé du côté canadien au beau milieu de la nuit. Sans autre explication, on lui a permis, deux semaines plus tard, de revenir aux États-Unis pour reprendre ses tâches d'enseignement, après les protestations des professeurs américains et de l'ACPPU.
Un autre incident, qui a largement fait les manchettes, a touché l'ingénieur en communications canadien Maher Arar. Arrivant de Tunisie et se rendant à Montréal, il a non seulement été détenu aux États-Unis après une escale à New York, mais il a aussi été extradé sommairement par les autorités américaines en Jordanie puis en Syrie, son pays d'origine.
Après avoir protesté contre ces pratiques en novembre dernier auprès de son homologue américain, le secrétaire d'État Colin Powell, le ministre des Affaires étrangères Bill Graham, a reçu l'assurance de ce dernier que " le lieu de naissance des visiteurs ne serait pas un motif immédiat d'inscription. "
" Malheureusement, la loi qui cible les Canadiens appartenant à certaines origines ethniques n'a pas été annulée depuis que M. Powell a fait ces assurances ", a souligné James Turk. " De fait, la portée de la loi a été élargie et le registre fédéral des États-Unis précise maintenant que les procédures spéciales d'inscription s'appliquent aux personnes originaires des pays désignés " malgré leur double nationalité ou citoyenneté ".
M. Turk estime que le Canada doit exercer des pressions plus vigoureuses auprès des Américains sur cette question.
Dans une lettre remise à M. Graham après la rencontre, l'ACPPU a déclaré : " Nous comprenons que, en tant que proche allié des États-Unis dans leur lutte contre le terrorisme et en tant que voisin sympathique à leurs préoccupations en matière de sécurité, il est difficile pour le Canada d'influencer la politique américaine. Toutefois, en tant qu'amis et voisins, nous avons le devoir particulier de dire franchement ce que nous pensons lorsque la politique américaine est extrêmement mal avisée. Ce devoir est double lorsque des Canadiens en sont les victimes. "