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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

février 2003

Le droit à la vie privé est menacé,

Le commissaire à la protection de la vie privée, George Radwanski, prévient que le droit à la protection de la vie privée au Canada est, plus que jamais, gravement menacé.

Dans le rapport annuel qu’il a rendu public le mois dernier, M. Radwanski fait la déclaration suivante : « À moins que les parlementaires et l’opinion publique ne se mobilisent rapidement pour dissuader le gouvernement du Canada de poursuivre dans la même voie, nous risquons de perdre définitivement non seulement des droits à la vie privée que nous considérons comme acquis, mais aussi des aspects importants de la liberté que nous connaissons aujourd’hui. »

Il mentionne diverses initiatives que le gouvernement fédéral a prises dans la foulée du 11 septembre au nom de la lutte contre le terrorisme. « Toutefois, les aspects qui menacent le plus la vie privée n’ont aucun lien avec la lutte contre le terrorisme, ou n’offrent aucune promesse convaincante d’améliorer efficacement la sécurité, » a-t-il ajouté.

Dans son rapport, il fait part de ses préoccupations au sujet de l’élargissement des mesures anti-terroristes « pour servir d’autres buts qui n’ont absolument rien à voir avec la lutte contre le terrorisme », ou à des atteintes à la vie privée dont la pertinence n’ont pu être démontrées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Il dénonce la nouvelle base de données sur les voyageurs, du style « Big Brother », de l’Agence des douanes et du revenu du Canada, des dispositions du projet de loi C-17 (présentement à l’étude à la Chambre des communes), qui donne des pouvoirs sérieusement accrus à l’État pour la surveillance des communications, la carte d’identité nationale comportant des identificateurs biométriques que propose le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Denis Coderre, et l’appui du gouvernement à la surveillance vidéo des voies publiques par la GRC.

« Il ne s’agit pas ici d’inquiétudes abstraites ou théoriques », soutient M. Radwanski. Si ces mesures vont de l’avant, il prévient que « tous nos séjours à l’extérieur du Canada seront systématiquement enregistrés, observés et analysés dans le but de repérer des signes de ce que le gouvernement pourrait trouver douteux ou indésirables. » Ces dossiers d’information seront accessibles à pratiquement tous les ministères et organismes fédéraux qui les utiliseront comme bon leur semble.

Les cartes d’identité nationales « permettront à la police de nous arrêter sur la voie publique et de nous obliger à nous identifier sur demande. » Le commissaire déplore que, depuis le 11 septembre, le gouvernement fédéral « a perdu tout repère moral en ce qui concerne le droit fondamental de la personne à la vie privée. »

« Maintenant, le “11 septembre” est invoqué comme une sorte d’incantation magique, pour étouffer les débats, pour dénigrer l’analyse critique et pour nous persuader que nous vivons dans un monde soudainement nouveau dans lequel les vieilles règles n’ont plus cours. »

Il nous met en garde contre ce que nous nous faisons souvent dire : « Si vous n’avez rien à cacher, vous n’avez rien à craindre. »

« La vérité, c’est que nous avons tous quelque chose à cacher, non pas des actes criminels ou même honteux, mais tout simplement parce qu’il s’agit de notre vie privée. Nous mesurons soigneusement ce que nous révélons de nous-mêmes à autrui. La plupart d’entre nous ne sommes disposés à nous laisser connaître que bien peu par un étranger, un peu plus par une connaissance, et le mieux par un ami intime, ou un ou une amie de cœur. Le droit de ne pas se révéler malgré soi — en fait, le droit d’être anonyme sauf lorsque nous choisissons de nous identifier — est le noyau de la dignité, de l’autonomie et de la liberté humaines. »

En soulignant le fait que « plus le gouvernement accumulera de renseignements sur notre compte, plus il y aura de ces renseignements qui seront erronés », il cite de nombreuses erreurs factuelles que des gens ont repérées dans diverses bases de données du gouvernement.

Il prévient que « si notre vie privée est enfreinte de plus en plus systématiquement par l’État à des fins d’évaluation de notre comportement et de jugements sur notre compte, les renseignements erronés et les fausses interprétations risquent fort d’avoir des conséquences. » Des faits erronés peuvent nous faire paraître responsables d’actes que nous n’avons pas commis.

La mauvaise interprétation d’un comportement parfaitement innocent peut être jugé suspect et nous risquons d’avoir des ennuis avec une société où tous sont suspects.

« Pis encore, nous pourrions ne jamais savoir de quelles hypothèses nuisibles nous avons fait l’objet ni quels jugements négatifs ont été portés sur nous dans les dossiers de l’État » ajoute M. Radwanski. « En vertu d’exemptions au droit général d’accès conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels, les Canadiens et Canadiennes n’ont pas le droit de voir les renseignements personnels que conserve le gouvernement sur eux si ces données se rapportent à la sécurité nationale ou à une enquête en cours. »

« Avant que nous n’ayons pu laver notre nom et établir notre innocence, nous pourrions avoir subi un préjudice financier ou social irréparable. »

Le rapport du commissaire à la protection de la vie privée se trouve sur le site http://www.privcom.gc.ca/information/ar/02_04_10_f.asp.