Les syndicats et les associations de professeurs d'université dans le monde entier ont dévoilé un ambitieux projet destiné à contrer la commercialisation et la mondialisation croissantes de l'enseignement supérieur.
Réunis à Dakar au Sénégal, le mois dernier, les affiliés de l'enseignement supérieur de l'Internationale de l'Éducation ont réaffirmé leur opposition au projet visant à inclure l'enseignement dans les accords commerciaux tels que l'Accord général sur le commerce des services et ont convenu de la nécessité de promouvoir un nouvel instrument international fondé sur les valeurs de l'enseignement et non pas sur des valeurs commerciales.
David Robinson, directeur général associé (politique officielle et communications) et coauteur de la proposition, a déclaré que les organisations membres de l'IÉ ont vigoureusement dénoncé l'AGCS et les autres accords commerciaux du même genre.
" Aujourd'hui, nous ne limitons pas notre action à la simple opposition à ces accords; nous proposons un nouveau cadre de l'enseignement supérieur international ", a dit M. Robinson.
Contrairement aux accords commerciaux, le nouvel instrument énoncera des règles exécutoires destinées à promouvoir l'emploi et les droits professionnels du personnel enseignant du secteur de l'enseignement supérieur et à protéger le pouvoir des gouvernements de réglementer l'enseignement supérieur dans l'intérêt public.
" Cette vision de l'enseignement international est fondamentalement différente du processus courant de mondialisation et de commerce ", a précisé M. Robinson. " L'application de principes commerciaux à l'enseignement supérieur menace d'exercer des pressions commerciales sur les droits de la main-d'oeuvre et de la personne et d'accélérer l'homogénéisation de l'enseignement supérieur. "
" Notre vision de l'enseignement international est fondée sur la promotion de la diversité culturelle et linguistique, l'élargissement de l'accès, l'enrichissement de la qualité et la facilitation du développement international. "
Au cours de la discussion sur la proposition, les délégués ont également convenu que le développement doit être au centre du programme global d'enseignement supérieur et de recherche.
" L'Internationale de l'Éducation et ses affiliés doivent fournir un appui concret aux syndicats de l'Afrique et des autres pays en voie de développement et tisser des liens de solidarité avec eux de sorte qu'ils puissent trouver et mettre en oeuvre leurs propres solutions ", a déclaré Elie Jouen, sous-secrétaire général de l'IÉ. " Nous devons ainsi reconnaître que les problèmes et les solutions varieront d'une région à l'autre et d'un pays à l'autre. En rejetant le modèle de programme uniformisé de la Banque mondiale, nous devons prendre garde de tomber nous-mêmes dans le même piège.
Les représentants de l'Afrique ont souligné que la diversité des interventions nationales attendues ne peut se réaliser que si les syndicats des pays en voie de développement se font entendre et si de véritables partenariats sont formés entre eux et leurs homologues des pays industrialisés.
" Nous avons utilisé le langage de la solidarité internationale et de la communauté internationale qui est l'enseignement supérieur ", a dit Nyamien Messou N'Guessan, un syndicaliste de la Côte d'Ivoire. " Il nous faut faire plus pour traduire le langage en réalité.
Les délégués ont aussi fait observer que l'échec des politiques d'ajustement structurel imposées aux pays en voie de développement par la Banque mondiale impose une grande responsabilité à la communauté internationale. Les programmes d'ajustement structurel dans le secteur de l'éducation s'accompagnent généralement d'un mouvement de privatisation et de compressions au sein du secteur public qui fragilisent la capacité des pays en voie de développement à mettre sur pied un système national robuste d'enseignement supérieur et de recherche. " Les dommages causés par ces mesures primitives et inadéquates ne peuvent pas être réparés facilement ", a dit Louis M'Bemba Soumah, un délégué de la Guinée.
La conférence s'est terminée par un appel à réunir davantage de ressources pour l'enseignement supérieur et la recherche dans les pays en voie de développement et à reconnaître que les universités et les collèges forment une composante nécessaire de l'infrastructure d'une nation.
" La conférence s'est déroulée sous le thème unificateur de la réaffirmation des valeurs de l'éducation en tant que déterminants de l'avenir de l'enseignement supérieur et de la recherche ", a dit M. Robinson. " Cela conteste fondamentalement la validité du paradigme du commerce et de la mondialisation. "