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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

mai 2004

" Solutions " de prêts électroniques pour les étudiants

Une société de prêt privée courtise l'Université Simon Fraser (SFU) et l'Université de la Colombie-Britannique (UBC) avec un plan controversé : offrir un crédit en ligne rapide aux étudiants, faisant toutefois craindre que ceux-ci ne s'enfoncent dans l'endettement.

Selon les documents obtenus par le Bulletin, FirstStudentLoan (FSL), une société établie l'année dernière à Toronto et à Vancouver, a pris contact avec la SFU et l'UBC pour leur proposer d'établir de " nouvelles solutions de financement " pour les étudiants.

Les propositions visent notamment à accorder presque instantanément aux étudiants admissibles des prêts de crédit pouvant aller jusqu'à 25 000 $ par an. Suivant leur cote de solvabilité, les étudiants pourraient être tenus de payer une prime de risque d'au maximum 12 % et de verser des intérêts sur leurs prêts pouvant s'élever jusqu'à six points de pourcentage de plus que le taux préférentiel.

Dans un exposé qu'ils ont présenté en janvier dernier aux dirigeants de l'Université Simon Fraser, les représentants de FSL ont fait valoir que les nombreuses années de compressions budgétaires imposées aux universités par le gouvernement et la hausse des frais de scolarité ont engendré un large bassin d'étudiants de classe moyenne qui n'ont pas les moyens de payer la totalité des droits de scolarité et des frais de subsistance, mays qui ne sont toutefois pas admissibles aux prêts étudiants des gouvernements et aux autres programmes d'assistance.

" Les programmes gouvernementaux visent avant tout les étudiants qui sont le plus dans le besoin ", ont soutenu les représentants de FSL dans leur exposé. " Nous sommes convaincus que nous pouvons aider tous les étudiants à combler le déficit de financement en offrant une nouvelle solution innovatrice de prêt aux étudiants. "

Chris Giacomantonio, président de la Simon Fraser Student Society, convient que de plus en plus d'étudiants sont confrontés à un déficit de financement, mays il ne croit pas qu'autoriser une société privée à but lucratif à commercialiser des prêts instantanés sur les campus soit la meilleure façon de combler ce déficit.

" L'endettement des étudiants atteindrait un niveau incomparable au Canada ", a dit M. Giacomantonio. " La meilleure façon de faire des profits est d'annoncer votre service, d'attirer le plus grand nombre de clients possible et d'accorder le plus grand nombre de prêts possible, dans la mesure où ces prêts ne comportent pas d'importants risques de défaut. "

Dans une lettre adressée le mois dernier au directeur des ressources pédagogiques de la SFU, M. Giacomantonio recommande vivement à l'université de rejeter la proposition de FSL en faisant valoir que " plus le nombre de prêts administrés par le secteur privé sera rendu facile à obtenir, plus les étudiants s'endetteront ".

" Nous comprenons certes que les prêts de FirstStudentLoan ne sont pas uniques dans la mesure où les étudiants peuvent solliciter des prêts privés auprès des institutions financières, mays nous croyons que la démarche de FSL est un autre pas vers la privatisation de la majorité ou de la totalité des prêts étudiants au Canada ", écrit M. Giacomantonio.

Aucun représentant de FirstStudentLoan n'a retourné les appels faits en vue de la rédaction du présent article.

La proposition de FSL à la SFU prévoit d'accorder des prêts instantanés d'au plus 12 000 $ par an aux étudiants du premier cycle, des prêts d'au plus 15 000 $ aux étudiants diplômés et des prêts d'au plus 25 000 $ aux étudiants inscrits dans les programmes d'études professionnelles. Contrairement aux banques qui octroient des prêts seulement aux étudiants qui disposent d'un garant ou qui sont admis à un programme d'études professionnelles, FSL s'engage à offrir des prêts personnels à presque tous les étudiants inscrits qui satisfont aux critères d'admissibilité de base.

Suivant la proposition faite à la SFU, un étudiant du premier cycle possédant une bonne cote de solvabilité et sollicitant un prêt de 1 000 $ (montant minimum d'un prêt) sans coemprunteur devrait automatiquement payer une prime de risque de 12 %. La prime, servant à FSL de " commission de garantie ", porterait le montant total de l'emprunt à 1 120 $. Des intérêts majorés de deux à six points de pourcentage au-dessus du taux préférentiel commenceraient à courir immédiatement, bien que les étudiants aient le choix de ne verser aucun paiement pendant qu'ils poursuivent leurs études.

Par ailleurs, FSL demande aux universités de l'aider à administrer ses prêts et de lui fournir un lien informatique vers les dossiers des étudiants. Dès qu'elle recevrait une demande de prêt instantané d'un étudiant, FSL procéderait à une vérification électronique de la solvabilité et vérifierait l'état de l'inscription de l'étudiant en accédant directement aux dossiers de l'université. Les étudiants sauraient en l'espace de quelques secondes si leur demande de prêt est acceptée. Ils n'auraient qu'à imprimer leur formulaire d'approbation et à l'apporter au bureau de l'aide financière de leur université, où ils signeraient les documents de prêt avant que les fonds empruntés ne soient virés sur leur compte de banque ou directement à l'institution.

C'est cette facilité d'accès, conjuguée à ce qui devrait être une campagne de marketing musclée sur les campus, qui amène certains à s'inquiéter de la possibilité que ce programme encourage l'abus.

" La première étape pour que l'argent soit emprunté de façon irresponsable consiste à rendre l'argent facilement accessible, et c'est ce que fait FSL ", soutient M. Giacomantonio. " FSL reconnaît et accepte facilement qu'elle ne peut mettre le programme à l'abri des abus. "

À l'Université de la Colombie-Britannique, où FSL est également entrée en contact avec l'administration, un rapport sur la proposition présentée au Comité directeur des prêts facilités par l'université met en garde : " Le crédit rapide, qui pose déjà problème avec les cartes de crédit, pour-rait mayntenant poser problème avec un programme sanctionné par l'université. "

Le comité a néanmoins donné le feu vert, le 26 mars dernier, à un programme pilote de prêts en partenariat avec FSL. Bien que les membres du comité aient reconnu le potentiel d'abus, il est soutenu dans le procès-verbal de la réunion que " nous ne pouvons pas perdre du temps et des ressources en essayant de prévenir l'abus (des prêts de FSL) ".

L'UBC a approuvé un premier montant de 50 000 $ pour recueillir des données pour le programme pilote, mays les membres du comité directeur des prêts estiment que le coût réel avoisinera les 100 000 $.

mays ce n'est là peut-être que le début de l'engagement financier de l'université. L'UBC prévoit aussi de soutenir le programme en donnant à FSL des garanties sur les prêts de sorte à réduire la prime de risque imposée aux étudiants.

Nous ne connaissons pas encore la part que l'UBC devra ver-ser à FSL sous la forme de garanties jusqu'à ce que le risque de défaut total soit déterminé. Cependant, selon le procès-verbal de la réunion de mars du comité directeur des prêts, un représentant de FSL a fait observer que " l'UBC doit saisir l'envergure du programme, l'ampleur du risque pécuniaire et l'importance de l'engagement de l'UBC à garantir les prêts ".

Pour l'instant, l'université et FSL cherchent à obtenir du ministère de l'Enseignement supérieur de la Colombie-Britannique les données concernant le défaut de remboursement des prêts étudiants afin de déterminer si l'UBC a le profil voulu pour garantir les prêts. À la réunion de mars, certains membres du comité directeur des prêts se sont dits inquiets que le ministère puisse ne pas être disposé à divulguer cette information par respect pour la vie privée, d'où la suggestion voulant que les dirigeants de l'UBC trouvent un moyen de " contourner les voies politiques habituelles " pour se procurer les données.

De retour à la SFU, Chris Giacomantonio dit craindre que les universités aux prises avec de sérieuses compressions des fonds publics ne soient tentées d'invoquer la grande accessibilité des prêts personnels comme ceux proposés par FSL pour justifier la hausse encore plus marquée des frais de scolarité.

" Un programme comme ce-lui proposé par FirstStudentLoan constituerait une autre source d'argent de prêt, non administré publiquement, qui permettrait aux établissements d'enseignement postsecondaire de hausser leurs droits de scolarité autant que les gens seraient disposés à emprunter, tout en permettant au gouvernement de diminuer davantage les fonds investis par étudiant ", dit M. Giacomantonio