J'ai eu le privilège de représenter l'ACPPU à la conférence internationale que l'Internationale de l'Éducation (IE) a tenue en juillet dernier à Porto Alegre (Brésil), et d'y être accompagnée par le directeur général de l'ACPPU, James Turk, et son directeur général associé, David Robinson.
L'IE est une organisation syndicale mondiale des personnels de l'éducation qui représente plus de 29 millions de membres de tous les secteurs de l'éducation, du pré-scolaire à l'universitaire. Fondée en 1993, l'IE compte 319 syndicats et associations membres dans 162 pays et territoires.
Le quatrième Congrès mondial, de loin le plus important que l'IE ait organisé à ce jour, a réuni 1 500 délégués de 159 pays.
Le Congrès s'était donné, entre autres thèmes principaux, celui de défendre l'éducation publique contre une série de menaces, dont les accords commerciaux internationaux comme l'Accord général sur le commerce des services (AGCS). Lors du dernier congrès mondial de l'IE tenu en Thaïlande, les délégués ont donné leur aval à la création d'un groupe de travail chargé d'examiner l'impact de l'AGCS sur l'enseignement supérieur et la recherche et de formuler des recommandations sur la façon dont l'IE et ses membres devraient réagir aux pressions de la mondialisation.
L'ACPPU a joué un rôle central au sein de ce groupe de travail. Son rapport final, présenté à Porto Alegre, lance un appel à l'IE pour qu'elle réagisse d'une façon plus proactive aux pressions de la privatisation et de la commercialisation inhérentes à l'AGCS et aux autres accords commerciaux. Les délégués ont adopté à l'unanimité la résolution du groupe de travail demandant à l'IE de mettre au point, par l'intermédiaire de l'UNESCO, un nouvel instrument qui régirait l'enseignement transnational et qui s'inspirerait de valeurs éducatives et non pas commerciales. L'objectif primordial de cet instrument est d'assurer que l'avenir de l'enseignement supérieur et de la recherche sera défini par des gouvernements élus démocratiquement en consultation avec leurs communautés universitaires, et ne sera pas dicté par des intérêts spéciaux particuliers.
Tout au long des discours qu'elle a prononcés durant le Congrès, la présidente sortante de l'IE, Mary Hatwood Futrell, a parlé de la crise du VIH/SIDA. Dans un discours fougueux devant l'assemblée générale, elle a décrit les conséquences dévastatrices que la pandémie du SIDA avait sur les enseignants et les étudiants de nombreux pays en voie de développement. Elle a touché son auditoire en soulignant qu'en Namibie le syndicat des enseignants utilise la moitié de ses revenus pour payer les prestations de survivant aux familles des membres qui sont morts du SIDA. Et dans certains pays de l'Afrique, un enseignant sur sept est infecté par le virus du VIH.
L'IE a réagi à cette crise en établissant des programmes destinés à rendre les médicaments et les soins de santé plus abordables et disponibles et en élaborant des programmes d'études et du matériel pédagogique sur la prévention du VIH/SIDA.
Dans le cadre du caucus des femmes, auquel ont participé plus de 600 délégués et déléguées, Mme Futrell a passé en revue les effets du VIH/SIDA, principalement sur les enseignantes et les étudiantes de nombreux pays. Elle a aussi souligné l'importance qui était accordée au sein de l'IE à l'équité en matière d'accès à l'enseignement et à l'équité au sein de la profession enseignante. Elle a fait observer que les femmes constituaient des atouts indéniables dans les milieux d'apprentissage et qu'elles avaient notamment la faculté de démontrer aux hommes la pleine valeur de la solidarité au lieu de mettre l'accent sur la concurrence.
Elle a conclu son allocution en illustrant ce que sont réellement l'esprit de coopération et le renforcement de l'autonomie. « Ne craignez jamais de saisir le succès lorsqu'il s'offre à vous », affirme Mme Futrell. « Au contraire, lorsque cela se produit, retournez-vous, prenez la main d'une autre femme et conduisez-la avec vous au succès. »
D'autres orateurs se sont distingués durant le Congrès, notamment Manuela Tomei de l'Organisation internationale du travail, qui a parlé de la recherche qu'elle a entreprise sur les rapports entre la pauvreté et l'exclusion du marché de l'emploi.
Margaret Flomo, présidente de l'Association nationale des enseignants et enseignantes du Libéria, a décrit la lutte que poursuit son pays pour tenter de se remettre sur pied après 14 années de guerre. Le système d'éducation libérien à tous les niveaux s'est effondré durant le conflit armé. Mme Flomo a remercié la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants et les Nations Unies pour leur appui, mais a précisé qu'il y avait encore beaucoup à faire pour créer un environnement sécuritaire et viable où les étudiants et les enseignants peuvent prospérer.
Tarcela Farolan, présidente de l'Organisation des enseignants et enseignantes des Philippines dans le secteur public, a évoqué les problèmes de fragmentation causés dans son pays par les syndicats d'enseignants rivaux et les défis associés à la lutte pour obtenir un meilleur congé de maternité - question que les délégués du Belize, du Cameroun, du Botswana et du Ghana ont reconnu aussi comme une priorité dans leurs pays.
Lok Yim Peng, la première femme nommée secrétaire générale de l'Union nationale de la profession enseignante de la Malaisie, a mentionné aux délégués que la charge de travail était une question de première importance pour ses membres. Elle a également indiqué que le gouvernement avait récemment imposé à tous les enseignants de subir un examen d'évaluation et que seuls ceux qui le réussissaient étaient admissibles aux promotions. Moins de un pour cent ont réussi l'examen.
La déléguée de Taïwan a expliqué à quel point il est difficile de persuader les enseignantes de devenir plus actives sur le plan politique parce qu'on les fait déjà sentir coupables de quitter leur foyer et leur famille les jours de travail. La déléguée du Népal a signalé que le « commerce » des femmes et des filles était encore très répandu dans son pays et que la violence avait accentué l'ampleur du commerce illicite ces dernières décennies. En conséquence du conflit armé, des milliers de femmes et d'enfants népalais sont sans foyer.
Nombreuses sont les personnes qui ont pris la parole devant cette tribune pour essayer d'aider leurs membres à surmonter l'injustice, la répression de l'État, les ravages de la pauvreté et les siècles chargés de coutumes discriminatoires et de croyances populaires. Le besoin de solidarité est resté une préoccupation dominante tout au long du forum.
Je suis sortie de cette rencontre en pensant à tout ce que l'ACPPU peut partager avec les enseignants et enseignantes des autres parties du monde. Ceux et celles d'entre nous habitués au bien-être des pays développés savent à quel point le monde peut être petit si nous sommes disposés à faire un geste en direction de ceux et celles qui ont désespérément besoin de nous. Il est temps pour l'ACPPU de prendre sa place sur la scène internationale.